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Le nucléaire, c'est fini

Aux Sources

La Parisienne Libérée

J’ai eu longtemps une certaine fascination pour le nucléaire. Le mot évoquait à mes yeux un mélange de prouesse technologique, d’énergie propre, de puissance industrielle et de savoir-faire français. J’étais fier, avouons-le, d’avoir pour paternel un chimiste chez Areva. Quand il me parlait de la "piscine nucléaire" de la Hague, qu'il me montrait ce bleu turquoise où est stocké le combustible usagé, j’avais presque envie de m’y baigner. J'étais adolescent. Puis je me suis radicalisé, personne n’a fait de signalement, et, sans y prendre garde, je me suis retrouvé entouré de fervents défenseurs de la sortie du nucléaire. Il y a quelques années, dans le cadre d’une action de désobéissance civile, j’ai même bloqué un convoi de déchets nucléaires. Selon la réglementation française, les camions de ce type peuvent circuler sur les routes, traverser les villages et se garer devant une école pour la pause déjeuner à condition de ne pas dépasser un certain seuil de radioactivité. Notre compteur gegeir-muller indiquait que le camion en question émettait cinq fois trop de particules. Pétrifié par la vision de mon futur cancer, je me souviens avoir lâchement reculé de cinquante mètres pour laisser mes camarades de lutte poursuivre l’action sans moi.

Ayant interrompu mes études en sciences "dures" pour me reconvertir en sciences "molles" (tout est dit !), je ne me suis jamais senti autorisé à me prononcer sur un sujet aussi complexe que le nucléaire. J’ai sûrement tort. Sûrement ne devrait-on pas laisser aux ingénieurs le soin de décider s’il vaut mieux chauffer nos chaumières à l’atome, au pétrole ou au photovoltaïque. Les experts sont là pour nous informer et non pour décider. Ce rôle appartient aux citoyen.ne.s, pleinement légitimes à s’emparer d’une question qui coûte beaucoup d’argent aux contribuables (l'industrie nucléaire en faillite étant sous perfusion d'argent public), et qui pourrait même leur coûter la vie quand le combo « sous-traitance généralisée + vétusté d’usines en fin de vie + catastrophes climatiques à répétition » conduira à un accident majeur. La pédagogie du pire n’est pas ma tasse de thé. Mais l’avantage – si je puis m’exprimer ainsi – de la série Chernobyl et de l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, c’est que chacun voit désormais très concrètement à quelle merde pourrait ressembler un Fukushima à la française.

Alors, de deux choses l’une. Soit on attend que la catastrophe nous conduise à marche forcée, dans les cris et les pleurs, à changer de modèle. Soit on anticipe, on se prépare, on lutte, dès maintenant, afin d’opérer sereinement la transition vers une énergie sans nucléaire ni fossile (puisqu’il ne s’agit pas de quitter l’atome pour revenir à l’or noir ou au charbon). C’est la voie pour laquelle plaide mon invitée, La Parisienne Libérée, autrice de chansons d’actualité sur les mouvements sociaux, la répression et bien sûr l’industrie nucléaire. Son nouveau livre, paru chez la Fabrique, porte un titre limpide : Le nucléaire, c’est fini. Il rend accessible une somme époustouflante de données scientifiques et de faits historiques. Il met au jour les raisons (et les intérêts...) pour lesquels l’Etat français s’entête à défendre une industrie aussi dangereuse qu'inefficace. Et il ouvre des pistes de résistance qui commencent par la décontamination de nos imaginaires.

Bon visionnage !

Manuel Cervera-Marzal

Aux Sources , émission publiée le 05/10/2019
Durée de l'émission : 78 minutes

Regardez un extrait de l'émission