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Municipales 2026 : la stratégie insoumise
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Le climat actuel est si follement délétère, à l’échelle nationale comme internationale, qu’on a du mal à faire le point sur ce qui se passe en bas de chez nous. Toutes sortes de guerres, des réelles comme des virtuelles, s’amoncellent dans notre ciel d’orage : tout est plus sombre, on passe son temps replié en position de combat, occupé à résister à toutes les offensives qui font assaut contre nous – difficile dans ces conditions d’être ailleurs que sur la défensive. Et pourtant l’agenda des élections municipales est là qui nous convoque aussi, qui réclame un changement de focale et qu’on sache un peu inventer l’avenir.
La lutte des classes qui violente les rapports sociaux, dans le grand paradigme qui oppose le capital au travail, opère aussi sur le terrain de nos vies ordinaires, dans chaque commune : le prix que nous payons pour nous loger, dans trop petit et mal chauffé, le mal que nous avons à nous déplacer – et plus encore quand le handicap s’en mêle, comme je l’expérimente en ce moment, les grands travaux absurdes que nous voyons fleurir partout autour de nous, où nous devinons les juteuses affaires du capital, qui a trouvé dans les villes de nouvelles opportunités de marchandisation et de profitabilité, tout cela est politique. Sur tout cela, nous devrions avoir prise, nous devons reprendre la main ; c’est le propos du nouveau communalisme, que la France Insoumise met au cœur de sa stratégie pour les élections municipales.
L’ambition est grande : il s’agit de faire des communes de véritables bouillons de culture démocratique, où puisse véritablement s’exercer la souveraineté collective, où puissent se trouver les voies concrètes, locales, de la bifurcation écologique, et où puissent prendre forme enfin des conditions matérielles d’existence rendant chacun à sa dignité.
Les obstacles sont considérables : ce n’est pas pour rien que David Harvey a appelé « spatial fix » la stratégie du capital visant, à travers l’immobilier et les grands travaux, de nouvelles opportunités de rendement. Le « fix », ce n’est pas seulement l’immobilisation (fixation) des liquidités dans le bâti, c’est aussi la solution (réparation) au problème de la perte de profitabilité de l’investissement industriel ; c’est enfin et surtout la dose de drogue que s’injecte le toxicomane : aux copieux profits qu’il s’est accoutumé à tirer de son investissement dans les territoires, le capitalisme est totalement addict, on ne le sèvrera pas sans une grande violence.
On sait que la FI n’a pas froid aux yeux et se montre vaillante dans les grands affrontements ; mais on sait aussi que les marges de manœuvre budgétaires des communes ont été sévèrement atrophiées par des décennies de néolibéralisme – ça fait de bien petits bras pour un très gros combat. À moyens constants, il ne sera pas facile de financer des processus de transformation radicale à l’échelle communale. Habituée à œuvrer dans l’adversité, la France insoumise ne manque pas de ressources pour édifier des alternatives crédibles : avec l’institut La Boétie, elle dispose d’un laboratoire théorique et stratégique redoutablement efficace. Sa dernière livraison sous la forme d’un livre en partenariat avec les éditions Amsterdam en est une nouvelle illustration ; en compagnie d’Antoine Salles Papou, l’un de ses co-auteurs et de Anaïs Belouassa Cherifi, députée du Rhône et candidate FI pour les municipales à Lyon, on discute des pistes stratégiques que le livre a l’immense mérite d’élaborer, comme des écueils auxquels on sait devoir s’exposer.
La leçon au fond est toujours la même : ce n’est pas parce que les menaces sont partout qu’il faut se résigner ; il n’y a pas de « fatalité » qui n’offre prise à la résistance, fut-elle locale, avec son petit burin (voire son marteau et sa faucille) communal. C’est justement parce que la menace est partout qu’il faut partout, y compris en bas de chez soi, lutter.
Judith BERNARD
6 réponses à “Municipales 2026 : la stratégie insoumise”
j’ai pas encore vu toute l’émission mais je me posais la question à propos du financement des mesures de services publics dont il est question. Antoine et Anaïs évoquent le surcoût de la délégation des services publics au secteur privé du fait des marges que s’octroie ce dernier. Mais ces marges que peut se permettre le privé ne sont-elles pas en partie liées à l’exploitation de ses salariés ( et sous-traités) ? Par conséquent, ces marges ne disparaitraient-elles pas en grande partie dès lors que, une fois le service revenu entièrement dans le giron public, il faudrait rémunérer les agents municipaux en charge de faire fonctionner ce service avec des rémunérations plus élevées que dans le privé ? Du coup l’opération pourrait-elle vraiment se faire à budget constant ? J’y connais vraiment rien dans ce domaine mais j’imagine que c’est l’objection la plus courante faite par les capitalistes
Passionnant !
La question du logement sera probablement l’un des carburants d’une mobilisation locale et d’une volonté de voter pour changer concrètement les choses pour ceux-celles que se sentent exclu.e.s du débat citoyen. Antoine Salles Papou dit qu’il y a « des outils ? » qui permettent la décorrélation du foncier et du droit au logement, mais reste très vague.
De mémoire, la Caisse des dépôts avec sa chaire de transition démographique, transition économique donnait depuis des années, des pistes très concrètes en posant des noms sur les mécanismes de montages réalisables (nue-propriété foncière/usufruit, nouveau viager, … . Je m’étonne qu’il n’ait pas saisi l’occasion de parler de ces outils qui peuvent être mobilisés sans délai par les communes avec le soutien juridique et la caution financière de la CDC.À 35:11 visuel Kasbarian député depuis 2917 ! 🤣
Bonjour, j’adore vos émissions la perspicacité des intervenants et la qualité des concepts mais là…je suis horrifiée ! Les propositions sont soient existantes et mises en place dans la plupart des villes de gauche soit hors sol. Le BRS par exemple qui permet l’acquisition de logement avec des clauses de revente non spéculatives, la répartition PLAI PLIS, ….est faite depuis que le logement sociale existe sauf qu’il n’y a que les communes de gauche qui entretiennent leur patrimoine et veille à imposer un mixte logement social accession sociale prix plafonnés. Je ne connais pas une seule commune qui vend ses friches sans avoir la main sur la destination mais c’est bien la destination choisie par la commune qui en fait la différence tangible entre les villes de droite et les villes de gauche. Sur l’intercommunalité comment envisager les déplacements sans coopérations intercommunales je ne m’étends pas car il y a tant à dire sur la nécessité de faire des partenariats intercommunaux notamment sur la super idée de l’alimentaire, il suffit de regarder ce qui est fait : par exemple remettre une cuisine centrale sauf que contrairement à ce qui est dit c’est très couteux car bien manger et cuisiner pour tous c’est bien plus cher que les marges d’Elior. Je vous donne même quelques idées supplémentaires, reprendre la main dans la gestion de l’énergie ou de l’eau et là la solution est souvent la mutualisation des solutions entre communes avec des syndicats de gestion et des habitants qui peuvent y siéger …..Sur la démocratie bon bah c’est super démago, le référendum d’initiative existe chaque commune est libre de le mettre en place et d’expérience c’est l’arme des bobos qui tiennent à leur tranquillité ; les élus qui seraient corrompus il faudrait d’abord que ce soit la justice et non le citoyen qui les sanctionnent. La question de la participation est rarement une question matérielle dans les collectifs populaires la solidarité existe et c’est pas la crèche qui répondra, il y a d’autres solutions nettement plus pertinentes ; quant au débat sur la représentativité c’est le nerf de la guerre certaines communes ont été particulièrement inventives, il suffit de s’y intéresser. La maison des communs c’est ce qui existe dans tous les tiers lieux, lieux alternatifs même les villes de droites s’y mettent 😉 Eh oui merci d’avoir pointé que les villes c’est aussi la commune rural aucune réflexion sur le sujets de l’autonomie alimentaire je suggère une petite virée dans la creuse il se passe des choses formidables …
En bref aucun projet de transformation radicale beaucoup de démagogie et une ambition politique dangereuse ; faire tomber les derniers bastions de gauche qui se battent au quotidien pour maintenir les derniers filets d’une politiques sociales en matière de logement, de qualité de vie, d’accès à la culture qui réinvente les modèles de démocratie aujourd’hui la commune est réellement le dernier rempart, le faire exploser au non d’un radicalisme hors sol est carrément dangereux. Il serait temps que la LFI sorte de ses dogmes viennent travailler ses concepts de façon réellement démocratique dans une co construction et interroge plus profondément la déclinaison locale de sa stratégie nationale. La faiblesse de ses propositions me fait penser que le projet principale est d’avoir un score électorale permettant la préparation de l’enjeu préféré de la FLI les présidentiels plutôt que d’avoir un vrai projet de transformation localeMerci pour l’émission, c’est intéressant.
J’ai été heureux de vous (Judith Bernard) entendre évoquer l’angle mort de la ruralité. Et un peu surpris je dirais, comme vous j’ai l’impression, de voir que la réponse consistait grosso modo à dire que la question ne se posait pas vraiment car la ruralité elle-même est devenue urbaine…
Et j’ai l’impression que ça traduit une réalité profonde à savoir que la FI ne peut penser en dehors du schème de la croissance. Pour Antoine SALLES il semblait d’une évidence absolue que la croissance issue de la révolution industrielle, mise en œuvre par le capitalisme, ne peut être remise en cause en tant que telle. Il faut seulement la subvertir. Au fond il s’agit de revenir à une économie moins mondialisée, plus locale, mais pas trop non plus. En sommes au capitalisme fordiste des 30 glorieuses, un capitalisme plus national et régulée (et soutenue) par la planification étatique.
Pour la question de l’alimentation Antoine SALLES nous dit qu’en fait il s’agit de consommer sur un périmètre plus restreint, 100 à 200km nous dit-il. Il faut entendre ce que cela suppose car ça veut dire qu’on ne renonce pas au modèle monoculturel mais qu’on veut et peut juste le relocaliser et en réduire un peu l’échelle. Car un modèle paysan n’est pas un modèle où une production est vendue jusqu’à 200km. Car un modèle paysan est un modèle où la diversité de la production est la norme ce qui est contraire à l’établissement de canaux de distributions rationalisés.
Et si on veut élargir la focale on peut penser qu’il y a eu peu de réflexions à la FI sur la technique et ce qu’elle induit d’externalités négatives. On pense aux travaux d’Illich notamment et d’autres. Ils (la FI) semblent prisonnier de solutions technicistes et quand on écoute Melenchon on entend ça quand il dit qu’il suffit d’investir dans les bonnes technologies pour faire la transition verte. Au fond ne sont-ils pas des partisans de la croissance verte si souvent décriée comme une peau neuve du capitalisme pour ne rien changer ?
Bref j’ai trouvé que ce passage était intéressant car il révèle peut-être ce qu’on refuse de voir, à savoir que la FI est peut-être bien moins révolutionnaire qu’on voudrait l’espérer.

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