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La psychanalyse est-elle de gauche ?
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Désir et politique, c’est un couple qui m’évoque toujours mai 68. Puisqu’il y était question de sexualité dès l’origine, de lutte contre le puritanisme, et de « jouir sans entraves », on comprend que des psychanalystes aient pu manifester de la curiosité et de l’intérêt pour la chose. Lacan soutient publiquement le mouvement, qu’il qualifiera plus tard avec déception d’« émoi-symptôme ». Il cherche à financer discrètement des actions, signe des pétitions et dans des interventions, glose sur le pavé, l’objet-cause du désir, qui dialogue avec la bombe lacrymogène… Les freudo-marxistes, quant à eux, voient dans le mouvement social une libération de la parole et des « énergies libidinales ».
Aujourd’hui, s’allonger sur un divan et s’étaler en long et en large sur les soubresauts de sa vie conjugale et familiale, moyennant une coquette somme, est une activité bien éloignée de la prise de l’Arc de Triomphe. Les messes basses dans les cabinets feutrés des psys semblent plutôt indiquer le repli d’une certaine classe sociale sur sa petite personne. A-politique donc, voire anti-politique. C’est que certains psychanalystes ont bien aidé les mouvements sociaux à les prendre en grippe, et leur participation aux débats médiatiques sur la sexualité, le genre, la famille, va de mal en pis.
Mathilda Audasso nous montre qu’il y a tout de même un pan de la psychanalyse qui s’est renouvelé théoriquement, en assimilant les pensées critiques féministes, queers, et décoloniales. Dans Dix idées reçues sur la psychanalyse, elle propose de revenir sur les malentendus et les controverses qui expliquent le désaveu des mouvements de gauche, et elle soutient que, face à la tendance à réduire les faits sociaux à l’économie, la psychanalyse a le mérite de poser la question du désir, des affects, des visions du monde. Bien sûr, la psychanalyse se fonde sur une théorie de la personne, et non de la société, et ne porte en elle aucune promesse proprement politique, au sens programmatique, mais elle porte en elle une force critique. En suspendant tout jugement moral, et en proposant un espace-temps auquel est dénié toute utilité sociale directe, elle interroge la fonction et la valeur des normes sociales, de nos représentations du « bonheur », de la « santé mentale », de la « réussite » etc. En revenant aux textes de Freud et Lacan, et en les passant au crible de la critique, notre invitée nous invite à porter un regard nouveau sur cette tradition de pensée.
La psychanalyse, bien qu’elle se propose d’aider des personnes particulières, pose toujours le problème de l’autonomie, de la liberté, de la vie vécue en auteur – et donc acteur – de son existence. L’émancipation, individuelle comme collective, se pense alors comme une création, une non-reproduction du passé, à l’aune d’un effort. L’effort de se défaire de ce qui nous aliène, c’est-à-dire ce qui nous sépare, de nous-même, et des autres : l’effort de se forger en sujet individuel et collectif de notre histoire.
Galatée DE LARMINAT
Pour prolonger
3 réponses à “La psychanalyse est-elle de gauche ?”
Vidéo noire , le son est bon! Le récit n’a pas parlé d’Amour qui reste le langage oublié de la majorité des humains pris dans leurs obligations , religieuses, civiles ou capitalistes.La méconnaissance tantrique reste un impense dans notre société de petits blancs suprémacistes…
Pourquoi vouloir sauver la psychanalyse ? J’entends bien qu’il y a une critique de gauche de cette discipline et c’est tant mieux mais pourquoi recycler cette théorie (« pseudo science » dit-on dans l’entretien. ) qui n’a aucune base, épistémologiquement parlant, matérielle.
C’est étrange pour une gauche de rupture.
Je vois bien que le concept d’affect manque au matérialisme pour expliquer certaines adhésions en dépit des conditions matérielles objectives (fascisme par ex. ) mais pourquoi aller chercher les outils du côté de la psychanalyse. Il y a sans doute dans le corpus de la psychologie des approches intéressantes. Je ne suis pas un spécialiste de psychologie mais il y a sans doute des choses à voir du côté de Georges Politzer et Lucien Sève.Une émission bien agréable et interessante, en compagnie de deux jeunes femmes intelligentes et qui s’interrogent, cela nous change radicalement des émissions autour de la psychanalyse, souvent tenues par des vieux barbons pleins de certitudes.
La psychanalyse n’a pas besoin d’être « sauvée » mais en revanche nécessite absolument d’être questionnée et critiquée. C’est un plaisir de découvrir de nouvelles penseuses qui vont venir travailler ce champ pour en redessiner les formes et l’ensemencer de nouvelles graines.
La psychanalyse a donné naissance à des items importants et parfois indéboulonnables de notre boite à outils de thérapeutes, mais nous avons à la considérer comme un outillage qui vient soutenir notre singularité et notre créativité au service des patientes.
Encore merci pour cette émission !

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