La psychanalyse à l’épreuve de la post-modernité

avec Miguel BENASAYAG
publiée le
animée par Judith BERNARD

La crise n’est pas seulement partout autour de nous : elle est en nous, au cœur de notre vie psychique, fracassée sur la certitude d’un monde absurde, toxique et finissant. Face à l’expansion des pathologies caractéristiques de l’époque – dépression, xénophobie, alcoolisme, toxicomanie – de nouvelles thérapies ont vu le jour, qui, au delà de l’illusion d’une efficacité aussi immédiate que temporaire, parachèvent bien souvent la dislocation du sujet déjà très entamé par la post-modernité. Miguel Benasayag entreprend de faire le point sur l’état de notre subjectivité, celui de la psychanalyse aujourd’hui, et les conditions de possibilité pour que l’une et l’autre se retrouvent afin de renouer avec la puissance d’agir.

Miguel Benasayag est philosophe et psychanalyste ; né en Argentine où il a été un résistant guévariste, ce qui lui a valu la torture et quatre années de prison, il est arrivé en France en 1978, sachant très bien ce que vivre et lutter veulent dire.  Il y est, depuis, chercheur et clinicien, dans le sillage de l’antipsychiatrie, et l’auteur d’innombrables ouvrages qui balisent son travail depuis des décennies. Il fait partie des rares psy qui n’ont pas laissé se dépolitiser la psychanalyse, et c’est pourquoi son travail nous est infiniment précieux.

Dans Clinique du mal-être, paru à La Découverte en 2015, il expose l’alternative dont il se revendique, philosophique et sociale, et articule la clinique avec l’émancipation, laquelle consiste toujours dans une action en situation. Il y rappelle qu’il n’y a pas de « grande » histoire et de « petite » histoire, mais seulement des façons, plus ou moins puissantes, de participer à l’histoire – il faut donc, comme il dit, « ouvrir la consultation au monde ». Aussi notre entretien s’est-il ouvert sur la crise grecque et ce qu’elle fait aux âmes des peuples, qu’ils soient de Grèce ou d’ailleurs ; et c’est bientôt tout le chaos politique, économique et social de notre monde contemporain qui est venu se loger dans notre échange, puissamment affecté et pourtant (mais logiquement, si l’on est spinoziste)… profondément joyeux !

Judith BERNARD

Quelques pistes bibliographiques :

Georges Canghilem, Le Normal et le pathologique, PUF, Paris, 1966

Gilles Deleuze et Felix Guattari, L’Anti-Œdipe, Minuit, Paris, 1972

Michel Foucault, Histoire de la sexualité, Gallimard, Paris, 1976

Miguel Benasayag, Pour une nouvelle Radicalité, La Découverte, Paris, 1993

Philippe Pignarre, Comment la dépression est devenue une épidémie, La Découverte, Paris, 2001. Les Malheurs des psys. Psychotropes et médicalisation du social, La Découverte, Paris, 2006.

Miguel Benasayag (avec Gérard Schmit), Les Passions tristes. Souffrance psychique et crise sociale, La Découverte, nouvelle édition 2006

Miguel Benasayag, La Santé à tout prix, Bayard, Paris, 2008.

Angélique Del Rey, A l’école des compétences. De l’éducation à la fabrique de l’élève performant, La Découverte, Paris, 2013.

Durée 84 min.
  • Commentaires

8 réponses à “La psychanalyse à l’épreuve de la post-modernité”

  1. Damien

    Ah ben non, moi j’ai regardé samedi après-midi (en direct pas en téléchargement), et tout marche à merveille.

  2. HBK

    Beaucoup trop de choses à dire. J’aurai du prendre des notes. Je vais tâcher de rester concis.

    Ce n’est pas la première fois que j’entends Benasayag, et j’ai l’impression qu’il néglige quand même vachement la question des institutions.

    Au début de l’entretien par exemple, il semble vouloir dire qu’une dictature/un totalitarisme est forcément exogène. Or non, justement, les totalitarismes qui durent un minimum sont en partie endogènes. Sinon ils dégageraient rapidement (dans la douleur, certes, mais un totalitarisme est rarement indolore).

    De même quand il aborde la question des indignés Facebook, j’ai l’impression qu’il ne peut même pas imaginer qu’il ne puisse ne s’agir que d’une « façade » (à défaut d’un meilleur terme). Si l’indignation Facebook ne donne lieu à aucune révolte concrète, ce n’est peut être pas dû à la nature du media mais plus simplement au fait que les « indignés » ne souffrent pas au point de faire bouger les choses. Il y a malgré tout des institutions (au sens large) qui leur rappellent qui oui leur vie est pas cool mais regardez le Bengladesh c’est pire, haha, on n’est pas si mal en France/Europe/Grèce/whatever.

    De plus, dans un autre registre, l’analyse qu’il fait du cadre dynamique ou du psychanalyste, soit-il Lacanien, ne correspond pas du tout à ma constatation personnelle. La plupart des jeunes cadres dynamiques sont très bien dans leur peau et tout à fait heureux d’être dans un monde de droite (tant qu’ils peuvent se donner bonne conscience en votant pour un parti « de gauche »).

    Bref, je vais m’arrêter là, j’ai déjà oublié la moitié des trucs que je voulais dire, mais vous l’aurez compris, je suis plus Lordon que Benasayag.

    L’entretien était néanmoins très intéressant. Continuez comme ça !

  3. gomine

    des idées passionnantes, mais de moins en moins de littérature Dans le texte…

  4. gomine

    merci beaucoup Judith pour votre réponse. Dans le texte à Arrêt sur Images, vous y arriviez pourtant très très bien, à dialoguer, à partager cette parole avec quelques dits-littéraires, mêmes les plus silencieux, c’était rare et beau, plus beau et plus rare que la parole des essayistes débateurs professeurs… Manquera toujours cette parole de vrais artistes

  5. gomine

    J’exprime ce que je ressens mais ne souhaite absolument pas remettre en cause votre totale liberté éditoriale et vous redis mon adhésion fidèle !

  6. Abracadabra

    On retiendra l’étrange télescopage des deux dernières émissions à propos de la joie et de la tristesse : même discours de Miguel Benasayag et de Pixar dans Vice Versa 🙂

  7. Lucas Verbeke

    Découverte d’un monsieur fantastique. Votre meilleure émission ! Mille fois merci.

  8. FRANCOISE M

    Superbe émission, très enrichissante. Bravo à l’équipe de HS de nous faire connaître des personnalités qui bousculent les idées reçues et nous ouvrent des horizons.merci à tous

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