La gauche sioniste au secours d’Israël

avec Aymeric CARON et Eyal SIVAN
publiée le
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animée par Tarik BOUAFIA

Depuis presque deux ans, pas un jour ne passe sans qu’Israël n’expose à la face du monde sa véritable nature d’État criminel. Aux atrocités gratuites des soldats s’ajoute aujourd’hui le sadisme consistant à affamer et à humilier une population à bout de forces. Depuis mars, ce sont en effet plus de 600 Palestiniens qui ont été abattus aux abords de la sinistre Fondation Humanitaire pour Gaza. La folie exterminatrice de l’armée dite la plus « morale » du monde a définitivement transformé, des aveux même d’un soldat israélien, l’enclave palestinienne en un « champ de massacres » à ciel ouvert. Dans le même temps, le tweet publié par le ministre de la défense Israel Katz le 19 mars dernier, menaçant ouvertement les Palestiniens de « destruction », témoigne plus que jamais d’une intention génocidaire manifeste. Le terme de destruction est loin d’être anecdotique et renvoie précisément à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, définissant le génocide comme un ensemble d’actes visant à « détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». 

Face à la pression des opinions publiques révoltées par les carnages quotidiens, les dirigeants occidentaux font mine d’élever la voix et d’exprimer leur colère. Mais lorsqu’il s’agit de passer aux actes, leur lâcheté et leur servilité à l’égard de Tel Aviv reprennent le dessus. Ainsi, maintes fois évoquée, la suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et Israël reste lettre morte. Parallèlement, au sein d’une large partie de la classe politique, on rechigne toujours à nommer les choses et à désigner les actes commis à Gaza de génocide. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs justifié en s’estimant incompétent sur la question et en renvoyant les juristes et historiens du futur à statuer sur les faits. Pourtant, la France n’a pas toujours exprimé de telles réserves en la matière. Il suffit de penser à la proposition de résolution n°4760 présentée par une cinquantaine de parlementaires en décembre 2021 et visant à « reconnaître le caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que les crimes contre l’humanité perpétrés par la Chine à l’encontre des Ouighours ». Sauf que dans ce cas, quand bien même des rapports d’ONG faisaient état de violations des droits de l’homme, jamais des preuves accablantes de discours et de pratiques génocidaires n’avaient été révélées comme c’est le cas pour Gaza. Il en va ainsi de la politique dans un monde où Israël jouit d’un blanc-seing jamais vu dans l’histoire. 

Voyant le vent tourner, conscientes peut-être que l’histoire les jugera, certaines personnalités médiatiques, à l’image de Delphine Horvilleur, Joann Sfar ou Anne Sinclair sont récemment sorties du caniveau pour étaler leur compassion et leur tristesse pour les enfants de Gaza. Eux qui, hier encore, dégainaient le mot « antisémite » à la moindre critique de la politique israélienne, faisaient de chaque soutien du peuple palestinien un « idiot utile » du Hamas, accusaient les uns et les autres de se rendre complices du terrorisme, lançaient des campagnes de diffamation et de harcèlement dans les médias et sur les réseaux sociaux, se posent subitement en humanistes, en objecteurs de conscience, en lanceurs d’alerte. Sans surprise, tous ont reçu l’onction médiatique, les érigeant en courageux combattants du Bien. 

Mais que signifie réellement ce qui s’apparente à une spectaculaire volte-face ? En réalité, loin de marquer une rupture, ces prises de positions soudaines visent un seul et unique objectif : sauver Israël et le sionisme. La manœuvre est simple et tient en trois étapes. D’abord, il s’agit de surjouer l’indignation, de verser dans un moralisme dégoulinant afin de mieux étouffer les questions fondamentalement politiques que sont le colonialisme, l’occupation et l’apartheid. Vient ensuite la focalisation sur les quelques ministres suprémacistes et les religieux illuminés qui conduiraient le pays à l’abime. La tactique est redoutable puisqu’elle permet d’épargner l’écrasante majorité de la classe politique et de la société israélienne qui consentent à l’écrasement de Gaza. Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, tout doit être fait pour présenter les événements en cours comme une dérive, un « égarement » écrit Horvilleur, d’Israël. Les dirigeants au pouvoir se rendraient coupables d’une trahison de l’esprit et de l’âme d’un pays originellement bon. Israël serait le nom d’une promesse, d’un rêve de justice, de liberté et de démocratie, piétiné par de dangereux extrémistes. Ce seraient les fondements d’un État à l’histoire glorieuse et héroïque que l’extrême droite israélienne s’emploierait à démolir. 

Cette fabrique de l’innocence d’une nation immaculée est pourtant violemment contredite par l’histoire. Le génocide à Gaza, loin de constituer une anomalie, marque au contraire l’aboutissement d’une longue série de crimes débutée par le nettoyage ethnique de 1948. Benjamin Netanyahou, de même que ses « opposants » Benny Gantz ou Yair Lapid sont tous, chacun à leur manière, les héritiers des premiers colons qui se sont emparé de la Palestine. Les récentes prises de positions des sionistes laïcs ont toutefois le mérite de démontrer, une fois de plus, le rôle historique qui incombe à la gauche coloniale : se porter au secours de l’empire quand il est contesté. Leur fonction se résume à n’être que les chiens de garde zélés de la domination occidentale. 

Toutefois, mis à part quelques journalistes en pâmoison devant la grandeur d’âme des Horvilleur et compagnie, cette mise en scène ne trompe personne. Jamais elle ne pourra faire oublier la honte et le déshonneur de ceux qui voyaient tout, savaient tout mais qui ont inlassablement défendu un État génocidaire dont la création représente, aujourd’hui plus que jamais, l’une des plus grandes catastrophes du XXème siècle. 

Tarik BOUAFIA

Durée 91 min.

3 réponses à “La gauche sioniste au secours d’Israël”

  1. titou

    Excellente émission qui omet de parler véritablement des sionistes de « gauche »: quand on est sioniste on est fondamentalement raciste. Soutenir l’entité sioniste seul nom décrivant ce « pays » sans frontières devrait entrainer une grande partie de la classe politique à La Haye avec ses larbins de journalistes perroquets. les soldats sadiques vont se refaire une santé en Argentine où ils peuvent bénéficier de pensions: merci Milei!!
    La ils se comportent encore moins bien que les nazis de la dernière guerre. Il est grand temps d’en finir avec la « civilisation » des suprémacistes blancs qui ne savent que génocide la Vie sous toutes ses formes.
    On aimerait aussi se débarrasser du terme antisémite qui laisse entendre que ce racisme serait spécifique … Le sionisme est une idéologie d’exclusion qui a pour but d’éliminer les Palestiniens de leur terre , la Shoah n’étant qu’un prétexte pour masquer cette réalité . Soutenons Francesca Albanese dans ses combats qui montrent un peu d’espoir dans ce monde raciste.

  2. Gerard Lebrun

    Très belle émission et très bien conduite par Tarik BOUAFIA.
    Merci à vous trois et à Hors-Serie.
    Le mot de la fin de Tarik me réchauffe le cœur.
    Gémissons, gémissons, gémissons, espérons …

  3. Francois Leroux_1

    Bravo et merci pour cet entretien riche d’analyse et d’humanité. Entre colère, désespoir mais comme le dit Eyal Sivan une jeunesse d’une grande lucidité. Le gouffre entre eux et les hommes de pouvoir. Encore bravo

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