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Kanaky : lutter pour ne pas disparaître

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Le 13 mai 2024, la Kanaky s’embrase. D’abord dirigé contre la modification du régime électoral, le soulèvement prend rapidement une tournure insurrectionnelle. On dénombre 14 morts, dont 11 Kanaks tués par la gendarmerie ou les Caldoches. L’ampleur des violences et des destructions témoignent d’un profond malaise et d’une volonté d’en découdre. C’est alors, la plus grave crise que connait l’archipel depuis les affrontements sanglants des années 1984- 1988. Sauf que depuis les accords de Matignon (1988) et surtout de Nouméa (1998), la Kanaky était censée prendre le chemin de l’Indépendance. La rupture avec la puissance coloniale se voulait douce, apaisée, inclusive, consensuelle et pacifique. Il n’en fut rien.
Car derrière les discours creux promettant un destin commun, une politique de reconnaissance de l’identité kanak et la pacification des mémoires, la machine coloniale n’a jamais cessé de tourner. La structuration socio-raciale de la société calédonienne reste peu ou prou la même. En haut les Blancs, les Européens, les Métropolitains. En bas les Kanaks. Quelques riches familles tirent profit d’une économie de comptoir colonial. Comme en Martinique ou en Guadeloupe, la bourgeoisie nouméenne n’est rien d’autre qu’une classe parasite, improductive et rentière.
Qualifié de « non-sens » voire d’acte nihiliste et barbare, les émeutes ont revêtu au contraire un caractère radicalement politique et éminemment émancipateur. La jeunesse kanake a surgi pour affirmer sa dignité et sa farouche volonté de vivre en tant que peuple libre et souverain.
Fidèle à sa sinistre histoire, l’Etat colonial francais a usé d’un large éventail policier et judicaire pour faire taire la contestation. Répression sanglante, comparution immédiate, incarcération et déportation d’opposants, punition collective…Alors qu’il était censé maintenir une stricte neutralité dans le dossier calédonien, le gouvernement a ouvertement affiché son soutien aux loyalistes. Il faut dire que la Kanaky se trouve dans une région indo- pacifique à la fois stratégique et convoitée. A l’heure où la puissance française décline et que sa présence est contestée en Afrique, maintenir la Nouvelle-Calédonie dans le giron colonial s’avère indispensable pour maintenir son rang.
Un an après les évènements, la situation semble bloquée. Entre des insurgés qui ne croient plus aux promesses d’un destin commun, des loyalistes radicalisés qui prônent un système de type ségrégationniste et séparatiste et un macronisme aux abois, rien ne semble présage d’une issue prochaine. Pour autant, la crise a au moins eu le mérite de démontrer, une fois de plus, que le colonialisme n’est pas réformable. Qu’il est, comme tout système d’oppression, voué à être détruit.
Tarik BOUAFIA
3 réponses à “Kanaky : lutter pour ne pas disparaître”
Cet entretien est vraiment remarquable (et il est conduit remarquablement aussi👍) dans la mesure où il arrive à ce tour de force de résumer 200 ans de colonisation, dans tous ses aspects, cachés comme évidents, toujours ignobles cependant.
Je vais acheter sans délais l’ouvrage. Encore bravo. Et pour une suite, j’espère l’équivalent avec un entretien sur la situation en Guadeloupe/Martinique où s’exerce toujours cette économie de comptoir colonial et la confiscation par les descendants de colons de tous les leviers du pouvoir.Merci de confirmer le pouvoir raciste de notre pseudo république coloniale . La kakistocratie ne fait qu’empirer avec les dernières déclarations des « socialos » très mal nommés . Naitre avec une peau blanche et penser que le monde vous appartient montrent l’inhumanité des blancs capitalistes.La « médiacratie » continue à nous enfumer .
Merci de continuer à INFORMER
Il y a un angle mort dans cet échange. Si je ne me trompe pas, à partir des années 60-70 les pied-noirs d’Algérie (et ensuite depuis la France) se sont implantés en Nouvelle-Calédonie et se sont comportés vis à vis des kanaks comme une continuation de leurs habitudes de l’Algérie française. Cela a du exacerber encore plus la logique coloniale de blancs.
Autre point, la Franc-maçonnerie à Paris s’est souvent vantée (entre le vrai, le moitié-vrai et le faux) d’avoir largement contribué aux accords de Matignon en 1988 et pour ce faire d’avoir invité quelques leaders Kanaks à une initiation express au GODF. Jacques Lafleur était lui dans une autre obédience plus élitiste, Cela a été présenté comme une bonne opération de diplomatie discrète et en interne, une fierté pour l’influence du GODF aux antipodes.
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