La médecine du tri
Aux Sources
Céline Lefève et Guillaume Lachenal
On va tous crever, c’est sûr.
Sous les balles d'un de ces djihadistes en culotte courte qui peuplent nos bacs à sable, rongé de l’intérieur par Ebola ou autre terrible virus transmis par des poules, ou alors d’un long et douloureux cancer du cerveau causé par l’abus de facebook.
Je me suis donc dit qu’il serait peut-être utile de s’interesser un peu à la manière dont on sera soigné…ou pas, lorsque l'occasion se présentera ! Mieux vaut prévenir que guérir comme disait l’autre.
« La médecine du tri. Histoire, éthique, anthropologie », le livre dirigé par Céline Lefève, Guillaume Lachenal et Vinh Kim Nguyen, aborde un aspect essentiel de la médecine contemportaine. Celui du triage des patients. Celui de leur hiérarchisation donc. Qui soigner en premier quand on ne peut pas s’occuper de tout le monde ? A qui donner les traitements quand tous ne peuvent en bénéficier? Qui décide et selon quels critères ? Des questions à la fois « insupportables et incontournables » car comme l’explique très bien le livre, ces pratiques de tri permettent de sauver des vies mais conduisent également à en sacrifier.
On saisit là de manière plus claire et plus crue les conséquences sur nos vies de certaines orientations dans les politiques de santé mais on prend également conscience qu'on a, finalement, plutôt bien intégré l’idée que, quoi qu’on en dise, toutes les vies ne se valent pas.
Ce n’est pas tout à fait le genre de livre que j’ai l’habitude de lire le soir, sous ma couette, avant de dormir. Et pourtant, on y parle de la vie et de la mort, de justice et d’injustice, de la lutte entre les forts et faibles, les riches et les pauvres. Comme chez Dostoïevski, Dickens ou Balzac...
Guillaume Lachenal est également l’auteur de «Le médicament qui devait sauver l’Afrique » (la Découverte, 2014) où il raconte l’histoire de la Lomidine, médicament à l’origine d’un scandale pharmaceutique enterré par les pouvoirs coloniaux de la fin des années 1950. Il montre comment les médecins s'obstinèrent à utiliser un médicament pourtant dangereux, au nom du rêve d'une Afrique libérée de la maladie et comment la médecine a été un outil pour le colonialisme.
Céline Lefève est également l'auteur de « Devenir Médecin » (PUF 2012) dans lequel elle interroge la formation des jeunes médecins et explique comment cette formation pourrait être enrichie notamment grâce au cinéma. A partir d’une analyse philosophique de Barberousse de Kurosawa, elle invite les futurs médecins et personnels soignants à se questionner sur leur pratique.
PS : Nous avons eu un petit problème avec le 3eme micro, donc le son n'est pas parfait. Toutes nos excuses !
Commentaires
12 commentaires postés
Merci pour cette émission qui permet d'ouvrir la réflexion. Malgré le côté un peu patchwork avec les différents cadres abordés à la suite, on voit bien que ce problème de triage (comme d'autres) est inhérent à tout concept de "système de santé" (c'est-à-dire à toute mise en commun de ressources dans un objectif collectif d'amélioration de la santé ... de tous ? du plus grand nombre ? des plus exposés ? les questions se posent dès la définition), et vous nous permettez de nous y pencher, salutairement.
Deux remarques quand même :
- la présentation du compagnonnage des étudiants en médecine comme à la fois nécessaire et dangereux lorsque dénué de réflexion sur leurs pratiques me semble tout à fait juste ; celle des internes comme de pauvres petits mal logés et mal traités ... nettement moins
- plus anecdotique : la situation actuelle de l'hépatite C et celle du VIH il y a 25 ans n'entretiennent de rapports qu'assez lointains (c'est un peu long à développer mais si ça intéresse ...)
Par MSC, le 21/02/2015 à 12h13
Je suis globalement d'accord avec le commentaire de Lycendre. On reste un peu sur sa faim, Maja, surtout au début, paraissant impressionnée par la gravité du sujet et par les titres universitaires de ses invités (on est plus à l'aise lorsqu'on reçoit un comédien alcoolique pour parler de la pluie et du beau temps...). Et ses deux interlocuteurs sont également hésitants, peut-être, effectivement, parce qu'ils ne sont pas réellement les auteurs du livre.
L'émission est malgré tout intéressante.
Par Papriko, le 11/02/2015 à 14h29
Bon c'est toujours un peu dur à dire car j'aime beaucoup Maja mais je trouve que cette interview ne va pas au bout de ses promesses alors que le sujet s'annonçait passionnant.
En fait, on a déjà dès le départ du mal à cerner le livre qui est en fait une synthèse d'articles et de travaux de divers chercheurs. Cela explique sans doute la façon un peu "vide" des professeurs présents pour l'interview à explorer certains chemins de traverse de leur étude.
Mais plus généralement, c'est très curieux cette façon de parler à bâtons rompus d'un sujet qui méritait une approche, il me semble, plus synthétique. Avec la présence d'une philosophe, je m'attendais à une vraie conceptualisation : par exemple, les liens entre ce système de triage, qui visiblement est l'aboutissement d'une certaine idéologie médicale -dont on ne connaîtra malheureusement jamais les contours même approximatifs malgré les relances de Maja- et la terrible sophistication des tris opérés par les nazis car il y a au moins en apparence une approche symétrique. C'est d'ailleurs aberrant cette façon qu'elle a constamment de ramener cette problématique à des questions de formation des médecins, qui est à ce qu'il me semble le volet le plus subsidiaire du sujet. Cette réticence répétée à s'engouffrer dans des considérations idéologiques est assez inconcevable (ce qui est pour le coup la question principale du concept de tri dans un contexte médical où ce qui est trié c'est quand même la potentialité de vie ou de mort un à un être. Mais bon, parler quantitativement d'une personne ne semblait pas les gêner).
De même, avec la présence d'un historien des sciences, je m'attendais à une approche plus précise des périodes et des domaines mais on passe de MSF à la médecine généraliste de comme ces réalités médicales étaient équivalentes. Quant à la partie historique, elle se limite à une rapide genèse initiée par Maja et puis c'est tout. Quant au reste, j'ai cru discerner seulement trois "zones géographiques" (zone de catastrophe/de guerre/patientèles classiques) ce qui me semble être un peu limité, et trois catégories (catastrophe, guerres et médecines "quotidiennes"). Mais la médecine c'est aussi une culture (la médecine n'est en pratique(s) et en culture(s) pas la même en Inde, au Gabon ou aux Etats-Unis) et il n'en est pas question ici (ou alors pour expliquer la nécessité des médecins de MSF à trier et il y aurait aussi beaucoup de remarques à faire à ce sujet). On parle de médecine en situation de rareté avec l'exemple du SIDA et d'EBOLA en tournant constamment autour de la question de la domination culturelle sans oser mettre le doigt dessus. Et leurs objections auraient été intéressantes à entendre.
C'est vraiment très flou, je ne suis pas sûre d'avoir pu en tirer quoique ce soit qui soit très solide mais en tout cas pas du tout l'envie de lire ce livre qui semble parler d'un sujet un peu "en l'air" et sans réelle direction. Dommage.
Par Lycendre, le 10/02/2015 à 15h58
Maja attention à vos heu.....heu......heu.... Préparez vos questions
Par Annie HUET, le 10/02/2015 à 00h07
Excellente émission, instructive, avec une Maja au meilleur de sa forme !
Les deux intervenants sont très intéressants, et complémentaires dans les réponses fournies quant au bases et implications du triage.
Par airone, le 09/02/2015 à 14h05
1999 l'OMS modifie la définition de l'Hypertension : le seuil, qui est alors de 160/95 est abaissé à 140/90 qui est depuis la norme : une forme de TRIAGE = 2 millions de plus de "patients" asservis aux labo (coût plus de 4 milliards à la charge de la sécu...) et combien d'autres exemples !!
Par morvandiaux, le 08/02/2015 à 16h37
"On va tous crever, c’est sûr. Sous les balles d'un de ces djihadistes en culotte courte qui peuplent nos bacs à sable, rongé de l’intérieur par Ebola ou autre terrible virus transmis par des poules, ou alors d’un long et douloureux cancer du cerveau causé par l’abus de Facebook", dixit Maja.
Je suis plutôt content de ne pas avoir vraiment le choix de la manière de mourir. Indécis comme je le suis dans les circonstances importantes, je ne sais pas si je prendrais Ebola ou cancer ou je ne sais quoi. Y'a trop de choix. Ça me mettrait dans un état d'angoisse qui me conduirait à coup sûr au suicide.
Par Papriko, le 07/02/2015 à 15h36 ( modifié le 07/02/2015 à 15h41 )
Ceci explique cela...
Merci Judith pour les explications techniques.
A l'avenir nous saurons, et patienterons !
Par airone, le 07/02/2015 à 14h55
Bonjour à tous,
Il arrive que le chargement de la vidéo en version téléchargeable ne soit pas achevé sur l'hébergeur au moment où nous mettons en ligne ; en général, c'est chose faite deux ou trois heures après. Il faut patienter - là par exemple, ça y est : le téléchargement est opérationnel ! Bonne dégustation !
Par Judith, le 07/02/2015 à 14h38
Il n'y avait pas de lien sur la newsletter et pas de possibilité sur le site de télécharger l'émission.
Il suffit peut-être d'attendre un jour ou deux ?
Bises à toute l'équipe
Jean-Luc Varin
Par Jean-Luc Varin, le 07/02/2015 à 14h26
Sous Firefox on peut télécharger avec le plugin "downloadhelper" mais c'est vrai que ce serait plus pratique d'avoir le bouton habituel "télécharger".
Par airone, le 07/02/2015 à 14h25
Bonjour à toute l'équipe, et surtout au Webmaster!
J'ai très peu d'ADSL dans mon trou paumé, et voici deux semaines que le miraculeux mot: "Télécharme-ment" manque
à ma page! Merci de me secourir afin que je puisse me marrer avec Maya, comme d'hab. Gérard
Par sanslesdents, le 07/02/2015 à 14h20