Capitalisme cannibale
Aux Ressources
Fabrice Colomb
Laura Raim
Émission conçue et animée par Jeanne Guien.
Que donne-t-on, lorsqu'on donne son sang, son sperme, ses ovocytes, ou l'un de ses organes ? A qui, et à quel prix ?
On répondrait volontiers qu'on offre la vie, la santé, ou les moyens de connaitre ; aux malades, aux infertiles, à la recherche, "à la science" ; et tout cela, gratuitement, bénévolement, solidairement.
Avec Le capitalisme cannibale, Fabrice Colomb vient remettre en question ce récit simplifié qui accompagne aujourd'hui la circulation des échantillons corporels et des organes. Non pas en questionnant la moralité de celles et ceux qui donnent (leur "désintéret"), mais en étudiant le circuit économique qu'empruntent ces parties du corps, qui deviennent bel et bien des produits après avoir été prélevées. Cédées gratuitement par des "donneurs", elles sont ensuite transformées en marchandises profitables par les industries qui les extraient, les transforment et les stockent.
C'est sur ce double discours que se développe la bioéconomie, industrie volontiers présentée, depuis les années 1990, comme le nouveau moteur de la croissance du capitalisme. En France, ce discours est fortement soutenu par l'Etat, qui tout en prétendant qu'on ne peut pas marchandiser le corps, autorise la formation de cette industrie qui ne dit pas son nom. Dans une perspective libertaire, Fabrice Colomb nous invite finalement à critiquer la "triple alliance" entre capitalisme, science et Etat.
Jeanne GUIEN
Commentaires
5 commentaires postés
Amusante cette remarque finale sur le eye contact de la part de l'invité qui semble avoir souvent regardé ailleurs que dans vos yeux, Jeanne. Merci pour ces questions pertinentes; encore une émission très instructive. Continuez !
Par Marie Laffont, le 14/11/2023 à 21h02
excellent ! bravo à tous les deux ! c'est précis, argumenté ! pas mal ce qu'il dit de la GPA
Par quincieu, le 11/11/2023 à 11h37
Merci encore à l'invité qui décrit bien les effets de cette régression. Il faut relire le mythe de Narcisse qui voyant un beau reflet dans l’eau n’y voit pas son propre corps.!! et tente de l’embrasser, ce qui l’entrainera vers la noyade. L’autre est un mirage tant qu’on n’a pas dépassé le stade infantile du miroir, trompeur.. Quand l’humain a "perdu" ce corps, il ne reste plus alors que le sauvage en lui.. aveugle et sourd.. à qui il peut faire jouer tous les rôles, sans le savoir tant qu'il ne voit pas qu'il se bat contre lui-même. !!! Dans le Capitalisme ultra libéral, réside l’instrument diabolique, méphistophélique, de cette aliénation.. Guy Debord a bien parlé de ça dans La société du spectacle. Le corps comme simple reflet d'un contenant imaginaire qui captive !! mais non reconnu comme contenu d'organes, de sensations, de ressenti, de désir : corps vu comme un reflet sans vie propre par celui qui reste captif de cette aliénation, dans ce reflet insensé.. Il nous appartient d'analyser notre propre aliénation pour se libérer un tant soit peu de cette attraction funeste du néant !!
Par franny's, le 06/11/2023 à 07h46
Quel magnifique sujet de réflexion que celui que propose HS cette semaine ! Comme si le temps quelque part s'était arrêté il y a 85 ans, coincé dans le délire nazi. Le culte du beau corps des soldats qu'on met au sport et le superlatif allant avec mais , en négatif, éradiquant tout ce qui ne colle pas avec le reflet spéculaire, en un mot le narcissisme primaire du nourrisson qu'il doit traverser au cours de sa croissance pour découvrir sa réalité corporelle, son incarnation physique , ses affects, qui va donner du sens à son existence terrestre. Quelle différence réelle entre la marchandisation des produits sanguins actuels et celle, après le dépeçage des corps des internés des camps de concentration, pour leur graisse, leurs os, leur peau, leurs dents, leurs cheveux ? Oui, à part la morale puritaine qui sert d'alibi à ce même trafic actuel ? La véritable Folie furieuse humaine, c'est de perdre ce corps, contenant de l'âme humaine qui seule est sa boussole, sa conscience, donnant du sens à chacun. La tragédie humaine, c'est le Manque à Etre qui a été transformé en Manque à Avoir sous le vocable Capitalisme, ce dogme ronge la planète depuis le 16ème siècle et ne peut aller que vers la destruction totale de la planète, tant qu'il restera un morceau de terre, de chair humaine, à négocier même si la Vie alors y sera impossible... Ce Capitalisme n'est que l'alibi d'un suicide altruiste auquel tout le monde participe mais sans y être convié implicitement. Ce Capitalisme se nomme Pulsion de Mort. Goethe disait que le Diable est assez malin pour ne pas s'incarner, on ne peut jamais l'accuser de complicité !!! Merci encore à tous.
Par franny's, le 06/11/2023 à 07h01
Le physique de l'auteur est impressionnant comme sa voix. Il serait bon de lui dire que la communication ne passe pas seulement par la vue , mais aussi par exemple par le toucher, comme le fait remarquer JG . Et la commence les problèmes .
Nous vivons non seulement en capitalisme pudibond , mais aussi en patriarcat et la les "hommes " ne supportent pas le contact; les femmes dans leur"libération" leur ont emboité le pas! Tout devient agression, si l'on désire une société épanouissante , elle pourrait passer par à la fois une redécouverte du corps nu et de tous les contacts avec ses congénères . Il me semble avoir entendu parler de cela dans nos îles(Martinique) avant la colonisation. Nos religions avec l'aide des puissants en tous genres ont eu tôt fait de supprimer cette liberté du corps qui amène celle de l'esprit. Dans mon ressenti , l'auteur avec les sons de sa voix et so regard perçant pourrait entreprendre un travail sur son corps et retrouver l'Amour qui doit s'y trouver, sans perdre de sa "virilité"...
PS/ pas de réponse sur le travail du sexe: dommage: c'est un travail qui ne devrait pas exister si les êtres humains pouvaient avoir des contacts respectueux entre eux et pouvoir ainsi assouvir pleinement leur sexualité.
Par titou, le 05/11/2023 à 23h32