« L’écologie commence à la maison » : ici, à Hors-Série, nous avons examiné à plusieurs reprises les limites de cette approche moralisante et individualisante des enjeux environnementaux. On sait combien les petits gestes, contre lesquels nous n’avons rien, sont loin, cependant, de suffire face à l’ampleur des périls. Mais c’est une chose de pointer les impasses de l’écologie mainstream, c’en est une autre de fonder une pensée écologique conséquente, apte à intégrer dans un cadre analytique commun les enjeux de classe, de race et de genre.

C’est à cette tâche ambitieuse et nécessaire que s’attèle le philosophe Paul Guillibert dans son nouvel ouvrage, paru récemment aux éditions Amsterdam : Exploiter les vivants. Mettant la focale sur le grand absent des pensées écologiques – le travail –, l’auteur montre en quoi l’exploitation du travail – salarié, domestique, servile – est inextricablement liée aux processus de destruction de la nature. L’usine, le foyer, la plantation : ces lieux emblématiques de l’exploitation des humains sont, dans le même temps, des lieux de mise au travail généralisée des vivants (animaux compris !) par le capital.

Cette proposition théorique – replacer la production capitaliste au cœur de la crise écologique – débouche sur des implications politiques immédiates : elle révèle l’imposture du « chantage à l’emploi » que les organisations patronales (et certains syndicats !) relaient depuis des années et elle met à mal le récit d’une rupture entre écologie et classes laborieuses. Insistant sur le piège d’une transition environnementale oublieuse de la justice sociale et de la condition animale, Paul Guillibert pose les bases stratégiques pour de nouvelles alliances, entre travailleurs et écologistes, entre humains et non-humains.

Un livre fondamental !

Bon visionnage,

Manuel Cervera-Marzal