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Les années 10

En accès libre

Nathalie Quintane

Les années 10, comme la plupart des textes de Nathalie Quintane, est une oeuvre qui tire l'oreille : avec son écriture d'une exigence intraitable, elle éveille notre écoute, cultive notre vigilance, secoue nos négligences. "Ecoute mieux", semble-t-elle nous dire toujours : écoute ce qui se dit aujourd'hui, comme on parle du monde, comme on parle des "pauvres", du "peuple" et de la littérature. Ecoute aussi comme ça parle, déjà, là où tu n'entends que du bruit, de la colère informe ou du silence d'ignare. L'écriture de Quintane est une écriture qui nous oblige, et ce n'est pas une lecture confortable : se faire tirer l'oreille peut occasionner quelques désagréments. Mais la littérature n'est pas là pour nous consoler ; le livre n'est pas pour faire la fête, ni pour faire joli sur les étagères de nos existences. Il est une expérience, pour qui l'écrit comme pour qui le lit, expérience qui fait de chacun quelque chose comme un "cobaye" - mais un cobaye qui aurait consenti à l'expérience, et qui saurait avoir à y gagner. Que gagne-t-on, alors, en lisant Nathalie Quintane ? Peut-être cette oreille grandie, qui perçoit mieux la profondeur des questions que pose notre époque, et les débuts de réponses que nous n'avions pas entendues. 

En accès libre , émission publiée le 13/12/2014

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

13 commentaires postés

Voilà, acheté !
Je n'y connais rien en maisons d'éditions. Et je vois que ma bibliothèque se remplit de plus en plus de bouquins de La Fabrique. N'y a-t-il pas d'autres maisons d'éditions qui font le même boulot ? Je suis preneur d'autres émissions sur ce thème dans Aux Ressources, à la façon de celle avec Hazan. Ca m'a l'air d'être un milieu fort mystérieux, opaque et plein de copinage.

Par Damien, le 20/12/2014 à 19h28

@Cyrilkenyatta : vous avez raison, il aurait fallu définir "extrême-gauche". Et vous devinez juste, je pense, en considérant que pour Nathalie Quintane ça correspond à la mouvance Comité Invisible… (quant à moi, pffffou, je ne saurais le dire exactement).
@Robert : merci de vos précisions et de votre soutien ! (je pinaillais moi-même un peu en vous contestant les trois points d'exclamation… - mais si on n'a plus le droit de pinailler, à quoi bon les commentaires sous les émissions ?!)

Par Judith, le 18/12/2014 à 16h34

@Judith
Désolé de l'incompréhension, il ne s'agissait pas de réprobation mais d'étonnement. Vraiment.
D'autant que vous avez insisté sur hé-ri-tier qui ne figurait pas dans le texte de la chanson (d'ailleurs, d'où vient que Nathalie Quintane ait adopté une version qui nécessite une acrobatie verbale? et qu'elle vous réponde "un voleur" alors qu'il fut bien autre..?).
Trêve de pinaillage et rassurez-vous, je ne sais pas la plupart du temps comment le dire, mais vos émissions sont toujours pour moi un vrai plaisir d'écoute.
Je soutiens pleinement (et vous voyez ce que je veux dire) la tentative audacieuse dont vous avez pris la tête à Hors-Série.

Par Robert., le 18/12/2014 à 10h20 ( modifié le 18/12/2014 à 10h42 )

Chère Judith, si je peux me permettre, je trouve qu'il manque une question un peu préalable à cet entretien : "l'extrême-gauche", dont il est question tout du long, c'est quoi, aujourd'hui ? Etes-vous certaine, par exemple, d'en avoir la même définition, la même délimitation que Nathalie Quintane ?
Personnellement, je ne sais pas trop...
Est-ce la gauche du gouvernement ? Franchement, sans donner dans le "Hollande/Valls bashing", ça fait du monde, hein...
Est-ce la gauche du PS ? Ca ratisse large également.
Est-ce la gauche du Front de gauche ? Le traditionnel attelage NPA/LO, plus que jamais à bout de souffle (me semble-t-il) ? La gauche "non parlementaire" ? Peut-être même la gauche non partidaire ?
Ou se limite-t-elle à la "mouvance Comité invisible" ? J'ai l'impression que c'est plus ou moins la vision qu'en a Nathalie Quintane. Mais je trouve qu'il aurait été intéressant d'en débattre, non pas pendant une heure (ce n'est pas le sujet de votre émission), mais au moins pendant les quelques minutes nécessaires à fixer un peu mieux les esprits.

Parce que, du coup, on comprendrait peut-être mieux cette assertion, peut-être fondée mais paraissant ainsi un peu abrupte, que "l'extrême-gauche ne lit plus de littérature"...

Par cyrilkenyatta, le 18/12/2014 à 09h42 ( modifié le 18/12/2014 à 09h43 )

@Robert : pourquoi chez moi ça suscite trois points d'exclamation réprobateurs alors que chez d'autres ça suscite moult éloges ? (trouvé sous l'émission de Raphaëlle Tchamitchian : "Un bon point pour Raphaëlle : elle ose poser des questions qui révèlent qu'elle ne sait pas. Ce n'est pas si fréquent. J'en connais plus d'une (plus d'un) qui se seraient abstenu(e)s, de crainte que ça se voie. Je me demande même si Raphaëlle ne pose pas la question alors qu'elle sait (et sans montrer qu'elle sait, ce qui serait d'une suprême élégance). Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que l'interviewé fournisse la réponse et que l'abonné l'entende")

Allez savoir qui sait quoi dans cette affaire… ;-)

Par Judith, le 17/12/2014 à 21h10

C'est qui Mandrin ? Judith !!!

Dans la version de sa complainte, chantée (par exemple) par Yves Montand
le terme héritier que vous lisez, ne figure pas, il s'agit de la bourse d'un curé.
On peut l'écouter ici: https://www.youtube.com/watch?v=JCwsASjtryw :"
"La première volerie
Que je fis dans ma vie,
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un, vous m'entendez. . . .
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un curé."
(sans synérèse ni diérèse d'ailleurs)
Aussi (sinon plus) intéressante est la version chantée par Monique Morelli dans laquelle plus qu'un voleur, il apparaît comme un « brigand » au service des «pauvres » du « peuple » et que l'on peut écouter ici: https://www.youtube.com/watch?v=H1KBQUfAxNs
(peut-on mettre des liens dans les commentaires sur Hors-Série ?)
Bon, tout cela dépend peut-être du contexte de la citation par Nathalie Quintane que je n'ai pas encore lu.

Très bonne émission, pour tout dire.

Par Robert., le 16/12/2014 à 14h14 ( modifié le 16/12/2014 à 14h26 )

L'extrême gauche débarrassée de "la mélancolie révolutionnaire " (D.Bensaïd)?
Mais est-ce encore l'extrême gauche?
La mélancolie n'est-elle pas consubstantielle à l'idée de l'inaccessible révolution?
Une extrême gauche antitotalitaire gaie, ironique, capable d'élan et d'humour (y compris sur elle même), je demande à voir...
Je sais bien qu'on approche du solstice d'hiver à partir duquel la lumière revient et les jours s'allongent, mais pour l'instant, le soleil se couche de plus en plus tôt et les résistants sont fatigués...
Passionnant "dans le texte".

Par felix d, le 16/12/2014 à 10h01

@Georgina Meliot : pour ce qui est du choix des textes et des auteurs, il est bien difficile d'arrêter une réponse, tant le cheminement suit un cours où se mêlent toutes sortes d'influences (les conseils des amis, les aléas de la promenade en librairie, la persistance d'un souvenir…) ; et puis il y a la volonté de cheminer, bien sûr - c'est-à-dire de dessiner un parcours, telle rencontre en appelant une autre, tel thème réclamant d'être repris sous un autre angle, telle affirmation un peu trop catégorique exigeant d'être nuancée le coup d'après. Par exemple, après cet entretien avec Nathalie Quintane, où la fiction contemporaine est un peu mise à mal, mon évidente envie est de consacrer le prochain Dans le texte à une oeuvre de fiction que j'adore (j'ai l'oeuvre, l'auteure est invitée, mais elle hésite devant l'inquiétant dispositif d'un entretien seule à seule pendant plus d'une heure…). Espérons qu'elle finira par consentir ! (car il y a cela aussi, qui fait critère : il faut que l'écrivain soit disposé à causer, longtemps, et devant une caméra, ce qui est tout sauf facile).

Par Judith, le 14/12/2014 à 16h42

La littérature des années 10 serait hors-sujet politiquement parlant, et donc non pertinente pour qui voudrait prendre à bras le corps la révolution. Ce qui expliquerait qu'à gauche, d'aucuns lisent moins de romans, au bénéfice d'essais politiques, économiques, philosophiques.

Voilà en gros l'hypothèse qu'on peut voir surgir en filigrane lors de cet entretien... si j'ai bien compris.

Je ne sais évidemment pas si celle-ci est la bonne pour rendre compte de ce désamour d'un certain lectorat.

Par contre, ce que j'observe, c'est qu'à mes yeux, rien de ce qui se passe actuellement n'est véritablement nouveau. C'est pourquoi je parie au contraire qu'on peut retrouver des situations analogues dans nombres d’œuvres littéraires, cinématographiques ou autres, pour peu qu'on le veuille vraiment.

Ainsi, le film de Kelly Reichardt, Night Moves (2013) est une relecture du roman "Crime et Châtiment" (1866) de Dostoïevski en milieu écolo, parfaitement raccord avec notre temps.

Aussi, mon hypothèse pour expliquer ce désaveux littéraire de la part de certains sympathisants de gauche est beaucoup moins flatteuse et ne tiendrait pas à une absence d'adéquation entre la fiction d'hier ou d'aujourd'hui et l’œuvre politique à laquelle ils travaillent, mais bien au contraire, au fait que la fiction, par sa capacité première à personnaliser et donc à complexifier des situations fragiliserait les grands récits, les grands idéaux mobilisateur sur lesquelles repose une grande part de leur action politique.

yG

Par yG, le 14/12/2014 à 13h12 ( modifié le 14/12/2014 à 13h13 )

Excellente théoricienne de l'insurrection qui VA venir !! Merci. Judith vous exceller aussi dans vos émissions, comme toujours. Un vrai plaisir.

Par Annie HUET, le 14/12/2014 à 12h51

Après audition et visionnage de cet interview aussi passionnant que passionné (des deux côtés), je me suis posée deux questions indirectement liées au contenu de l'ouvrage étudié pour cette émission.
1) Tout d'abord une question qui peut sembler indiscrète : comment (à travers quel cheminement) Judith (mais pas seulement vous), choisissez-vous les auteurs et ou le texte que vous exposez (le hasard seulement, des discussions-clés, ... ?), et, en conséquence, pourquoi les critères personnels importants de vos choix n'apparaîtraient-ils pas plus explicitement, plus systématiquement même s'ils ne sont pas exhaustifs (!!), tout au moins ceux qui ne sont pas perceptibles a posteriori pour les "spectateurs" des émissions?
Vous savez toucher la chair des ouvrages, la rendre perceptible pour moi(au moins) qui vous ai suivi dans l'aventure de Hors-Série, et cela, quel que soit le sujet... que cela me donne ou non l'envie de lire le texte.
J'avoue ma curiosité face aux choix de ces "drôles de dames" que vous êtes, dans la mesure où le nombre d'ouvrages publiés de nos jours crée un cadre où la multiplicité est le caractère dominant : en conclusion, pourquoi tel arbre, dans tel bosquet de telle forêt ? Est-ce trop demander ?

2)J'ai observé ma réaction à la suite de cette interview sur le fait que, au delà du style propre à chaque auteur, j'ai trouvé que les trois femmes "étudiées" dans HS jusqu'ici, sont à la fois les plus convaincues et convaincantes de tous les auteurs interviewés depuis la création du site... Je ne sais pas si cette remarque sera partagée..
Ma deuxième question concerne le fait que la sous-représentation féminine est-elle ou serait-elle la source ou la conséquence de cette "passion" de l'étude, de la publication et de l'exposé?? Cette deuxième question sera peut-être un objet sans réponse possible... le nombre de phénomènes étudiés étant trop faible !(sourire!)

En attendant votre réponse, si vous souhaitez répondre, je cours acheter "les années 10"

Par Georgina Méliot, le 13/12/2014 à 15h12

2ième invitation de Nathalie Quintane, merci pour ce très bel échange

Par gomine, le 13/12/2014 à 15h02 ( modifié le 13/12/2014 à 15h20 )

En y réfléchissant, moi aussi, ça fait 2-3 ans que je lis moins. Sans doute pour un tas de raison qu'il faudrait que j'explore. Mais le fait est là.

Par Damien, le 13/12/2014 à 14h59