La communion qui vient
Aux Sources
Foucauld Giuliani
Mon invité du jour, Foucauld Giuliani, est professeur de philosophie et catholique engagé. Avec ses deux co-auteurs, Paul Colrat et Anne Waeles, il vient de publier aux éditions du Seuil un essai intitulé La communion qui vient. Carnets politiques d’une jeunesse catholique. Le livre s’ouvre sur cette phrase : « Les catholiques en France sont des spectres. Sans l’occuper vraiment, ils hantent l’espace politique, parfois contre leur gré ». Un clin d’œil à Marx et Engels, un autre (le titre !) au Comité invisible. Voilà qui a de quoi intriguer. Des catholiques qui prennent la parole sur des sujets politiques, on en connaît. Mais, la plupart du temps, ils le font pour vanter les « racines chrétiennes de la France », ils mettent la religion au service de l’unité de la nation, ils voient dans les musulmans des ennemis conquérants et ils parlent de charité pour s’exonérer des règles de solidarité. Bref, pour le dire franchement, ces dernières années en France, la droite a largement fait main basse sur le catholicisme. De la Manif pour tous à Sens commun en passant par la candidature de François Fillon en 2017, les exemples ne manquent pas.
Aujourd’hui, il m’a donc semblé important de donner la parole à une autre jeunesse catholique. Dans les Actes des Apôtres (2, 43-44), cinquième livre du Nouveau Testament, qui rapporte les débuts de la communauté chrétienne, on peut lire que « tous les croyants sont unis et ils mettent en commun tout ce qu’ils ont. Ils vendent leurs propriétés et leurs objets de valeur, ils partagent l’argent entre tous, et chacun reçoit ce qui lui est nécessaire ». Ce communisme avant l’heure a travaillé intérieurement l’Eglise tout au long de ses deux millénaires d’existence. L’Eglise, c’est bien sûr les fastes du Saint-Siège, le pouvoir, ses persécutions et ses abus. Mais c’est aussi le Christ qui, par sa mort sur la Croix, met à nu l’injustice du monde. « Il renverse les puissants de leur trône » (Luc 1, 52). Désacralisation du pouvoir des dominants, critique de l’argent, destitution des logiques identitaires : voilà quelles peuvent être les traductions politiques de l’amour du Christ. C’est ainsi que beaucoup ont entendu son message, de saint François d’Assise à Simone Weil en passant par Dorothy Day.
Foucauld Giuliani et ses deux co-auteurs revisitent cette passionnante tradition et la réactualisent au regard de la crise économique, politique et environnementale.
Bon visionnage !
Manuel Cervera-Marzal
Commentaires
3 commentaires postés
Au bout de 20 minutes je lâche l'affaire.La maison brule (au sens propre ce jour) et on regarde ailleurs... Le réchauffement climatique est la première des urgences et pendant ce temps ont devise entre gens bien éduqués sur le catholicisme qui ne serait pas comme ceci ou comme cela. Je ne remet pas en cause la compétence de notre intervenant ni de Manuel toujours très bon mais Là, je craque!
Par Maunoir Charbonnel, le 17/07/2022 à 20h33
Merci beaucoup pour cet entretien. J'ai reçu une éducation catholique et j'ai déjà pas mal réfléchi aux sujets abordés par votre invité, mais j'ai tout de même appris des choses nouvelles (notamment la notion de "structure de péché" et la pensée de Basile de Césarée). Il serait intéressant de voir ce que vont devenir F. Giuliani, A. Waeles et P. Colrat dans quelques années. Après être passés par la "manif pour tous", ils sont maintenant à l'extrême gauche du catholicisme, et très lucides sur l'institution ecclésiale. Cela ne m'étonnerait pas qu'ils finissent par quitter cette institution, comme l'ont déjà fait tant de "cathos de gauche". F. Giuliani a en effet bien conscience de la contradiction qui existe entre certaines valeurs chrétiennes fondamentales (notamment l'amour) et la structure pyramidale de l'Eglise, qui tend "naturellement" à se mettre au service d'un désir de domination. Sans doute espère-t-il, avec les co-auteurs du livre, contribuer à réformer l'Eglise de l'intérieur. J'ai bien peur que ce ne soit beaucoup d'énergie gaspillée en vain. Bon courage à lui, en tout cas !
Par J. Grau , le 16/07/2022 à 15h59 ( modifié le 16/07/2022 à 16h02 )
Bravo Manuel pour ton ouverture d'esprit que j'observe d'émission en émission! Continue ! Tu es comme certains vins : tu te bonifies avec le temps et tu es jeune ! Bon été et merci pour ces rencontres. Gabriel
Par quincieu, le 16/07/2022 à 15h20