Hors-Série
Arret sur Images
Me connecter
abonnez-vous


FrançAfrique : l'Empire qui ne veut pas mourir

Aux Sources

Amzat Boukari-Yabara

Émission conçue et animée par Tarik BOUAFIA

La FrançAfrique est morte ! C’est du moins l’idée que tentent d’imposer nos dirigeants. L’ère des coups d’Etats, des interventions, des barbouzes ne serait qu’un lointain souvenir. Tous le martèlent : l’Afrique appartient aux Africains ! L’heure est donc à « l’amitié », au « partenariat », et au respect des souverainetés nationales.

Derrière cette novlangue se cache pourtant une autre réalité : celle d’un Empire qui, contre vents et marées, tient solidement debout. De fait, dès ses origines, la FrançAfrique a été conçue comme un instrument de perpétuation de la domination coloniale par d’autres moyens. Elle apparaît d’emblée comme l’exemple type du modèle néocolonial, fort bien résumé par un certain Charles de Gaulle dans ses Mémoires d’Espoir : « Le changement de la colonisation en coopération moderne a maintenant de grandes chances d’être accompli de manière qu’il apporte à la France non seulement l’allègement de charges devenues injustifiables, mais encore de fructueuses promesses pour l’avenir ».
Face à la montée des luttes indépendantistes, il s’agit de bâtir un système plus souple, plus insidieux, moins brutal. L’idée est de se débarrasser des aspects les plus encombrants et les plus couteux de la colonisation pour continuer à piller en toute impunité. C’est cette capacité à muter, à se reformer, à s’adapter, qui fait la grande force du système françafricain. Alternant successivement séduction et répression, Paris a toujours su préserver ses intérêts vitaux dans ce qu’elle considère encore comme son pré-carré.

Loin d’avoir accepté passivement leur sort, les peuples africains n’ont jamais cessé de contester cet ordre impérialiste qui les étouffe. Ces dernières années, des vagues de mobilisations massives ont fait tomber des régimes honni, tenus à bout de bras par la France. Portées par la jeunesse, elles demandent l’abrogation du Franc CFA, la fin des occupations militaires ou encore l’expulsion des multinationales françaises.

Dans un ouvrage exceptionnel qu’il a co-dirigé, L’Empire qui ne veut pas mourir, Une histoire de la FrançAfrique (Seuil, 2021), Amzat Boukari-Yabara revient notamment sur la dernière décennie, qualifiée de « temps de la reconquête ». Cette dernière, marquée par un interventionnisme tous azimuts (Libye, Côte d’Ivoire, Mali, Centre-Afrique) illustre la volonté de Paris de reprendre la main et de s’affirmer comme le gendarme de l’Afrique francophone. Présidentielle oblige, il sera également question du positionnement de Jean-Luc Mélenchon face à la FrançAfrique et à l’impérialisme, lui qui propose une nouvelle diplomatie basée sur la paix et la fraternité entre les peuples.

Ce livre s’avère d’autant plus important qu’il est temps de comprendre que la FrançAfrique nous concerne tous. Elle n’est pas seulement l’affaire de l’Etat et des grands capitalistes français. Nous jouissons, à des degrés divers, des bénéfices de l’exploitation de l’Afrique. Nos infrastructures, notre protection sociale, notre confort ne sont possibles que par le maintien des ex-colonies dans cet effroyable état de dépendance. Nous ne pouvons donc être français innocemment. Il est de notre responsabilité politique de s’ériger face à ce système qui n’a que trop duré. Car tôt ou tard, ce que nous ne voulons pas voir ou entendre reviendra comme un boomerang, ou, comme le disait déjà Aimé Césaire, un « choc en retour ».

 Tarik Bouafia

 

 

 

Aux Sources , émission publiée le 12/02/2022
Durée de l'émission : 83 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

3 commentaires postés

Entretien de grande tenue! bravo et merci.

Par François Leroux_1, le 17/02/2022 à 17h19

Entretient complaisant qui malheureusement ne conduit jamais l'invité a réellement argumenter ce qu'il affirme. Il en résulte que toutes les réflexions, notamment économiques, sont traitées de façon extrêmement superficielles. Cela commence des le départ avec une définition fumeuse de la Francafrique, tellement large qu'elle englobe toute forme d'interaction avec les pays africains. La moindre des choses serait d'essayer par moment de mettre en doute ou chercher des contres arguments a l'auteur pour l'amener a défendre ces thèses. Parce que en l'état, ca ne convainc que les convaincus.

Le passage sur la Chinafrique est absolument ridicule. Aucun chiffre annoncé, aucune relance quand l'invité évoque le fait que la Chine promeut un système non démocratique (ah, c'est une bonne chose?), aucune mention du fait que s'il n'y a pas d'intervention militaire directe de la Chine pour l'instant il y a une présence militaire chinoise croissante sur le continent...bref on pourrait continuer. C'est assez léger.

Par Blastula, le 12/02/2022 à 21h18

Merci de cet entretien bien mené. Je crois que votre invité devrait changer de lunettes , si l'analyse de la situation de l'impérialisme français s'entend bien, l'analyse des autres impérialismes est défaillant.
Si la francophonie disparait (c'est en cours ), une autre langue impérialiste prendra sa place!(je vous laisse deviner laquelle) JLM l'a d'ailleurs bien dit au Burkina. La façon de prononcer le mot challenge(plutôt que défi) le laisse deviner ainsi que les omissions sur l'impérialisme britannique (Rhodésie notamment)Au Congo, l'impérialisme belge a cessé au profit de l'impérialisme US et rien n'a changé pour l'Afrique qui reste un continent producteur de matières premières et de main-d'oeuvre.Sinon les occidentaux ne seraient pas aussi riches.La Chine vient grignoter. les plates-bandes des impérialismes dominants , mais les problèmes de libération reste entier et le panafricanisme reste une vue de l'esprit quand on voit Macky Saal accepter au sein de l'OUA le dernier pays colonisateur.
L'Afrique est encore dans certaines régions restée à l'état clanique et les tribus continuent à se mépriser entre elles dans le même pays: il y a du travail et l'impérialisme US a réussi à détruire la Libye pour ne pas que ce panafricanisme se développe.
Le combat est existentiel. Pour les langues, le travail est encore plus complexe. Ce n'est pas l'impérialisme français , soumis à celui des US, qu'il faut détruire mais tous les impérialismes.Sinon, l'Afrique restera une colonie US , ou chinoise ...

Par titou, le 12/02/2022 à 21h11