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Le jeune Marx (épisode 2)

En avant Marx

Isabelle Garo, Michael Löwy

Dans ce deuxième épisode, on continue de suivre le parcours du Jeune Marx, toujours en compagnie d’Isabelle Garo et de Michael Lowy, depuis sa rencontre avec le prolétariat révolutionnaire parisien (été 1844) à la publication du Manifeste du parti communiste (février 1848).

On y découvre comment la réflexion de Marx sur le prolétariat progresse, depuis une conception encore largement influencée par le néo-hégélianisme (qui considère le prolétariat comme la seule classe révolutionnaire d’Allemagne mais dont le rôle est essentiellement passif), à une position qui fait du prolétariat révolutionnaire l’élément actif et moteur de la révolution à venir. La révolte des tisserands de Silésie à l’été 1844, première révolte ouvrière en Allemagne, joue, de ce point de vue, un rôle décisif dans la trajectoire marxienne et les leçons qu’en tire Marx, à l’occasion d’une polémique avec son ancien camarade Arnold Ruge, constituent déjà une rupture implicite avec le mouvement jeune hégélien.

Ces années sont également marquées par une autre rencontre cruciale pour le Jeune Marx : celle avec Friedrich Engels. Ce dernier deviendra pour lui un complice théorique et un acolyte politique, et c’est sous son influence que Marx va désormais faire de l’économie politique un terrain d’investigation autonome. Si la critique de l’économie politique formulée alors par lui reste encore largement initiale, comme en témoignent par exemple les manuscrits qui nous sont parvenus sous le nom de Manuscrits de 1844, son intérêt pour l’économie politique ne se démentira plus. Ce chantier aboutira également à la rupture définitive de nos deux complices avec leurs anciens amis jeunes-hégéliens (Bauer et cie), dont la plupart sont alors tombés dans un élitisme philosophique et un rejet de tout lien avec la « Masse ». Les années 1845-1846 sont ponctuées de grands textes de Marx et d’Engels, La Sainte Famille, les « Thèses sur Feuerbach » et L’Idéologie allemande, notamment, où se mélangent polémiques virulentes très précises avec d’autres auteurs et réflexions théoriques dont la portée est inestimable. C’est à l’issue de ce cheminement théorique et politique que nos deux amis arrivent à une « nouvelle conception » du monde - conception matérialiste de l’histoire - et on mesure alors l’abime qui les sépare à présent de leur « conscience philosophique d’autrefois ».

Enfin, on redécouvre combien ce travail théorique et scientifique est indissociable d’une pratique politique, désormais de plus en plus assumée comme telle, aussi bien par Marx, que par Engels. D’abord parce que ce travail théorique a permis de donner une assise solide à leur conception communiste : communisme qu’ils conçoivent comme un communisme « de masse », attentif au « mouvement réel » du prolétariat révolutionnaire alors en plein développement. Mais aussi parce que Marx et Engels sont devenus militants et qu’ils entendent convaincre et gagner les ouvriers révolutionnaires à leurs positions. Après une tentative peu concluante de constituer un Comité de correspondance communiste depuis Bruxelles, où Marx est exilé début 1845 après avoir été mis hors de France, les deux compères participent à la refondation de la Ligue des communistes, à l’automne 1847. C’est dans ce contexte que le Manifeste du parti communiste voit le jour : un texte appelé à une postérité extraordinaire et qui n’a cessé depuis d’être une référence pour le mouvement ouvrier international.

Ainsi, lorsqu’éclatent en Europe les révolutions de 1848, Marx est devenu, aux côtés d'Engels, un théoricien révolutionnaire mais aussi un militant communiste.

Marina SIMONIN

En avant Marx , émission publiée le 29/01/2022
Durée de l'émission : 105 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

8 commentaires postés

Pour l’anecdote, l’expression « révolution permanente », clin d’œil de Michael Lowy à Marina Simonin en fin d’émission, se retrouve aussi dans Sur la question juive (page 91-92 dans l’édition de la GEME). Similairement, l’idée est la nécessité de phases transitoires, ici appliquée à l’instauration de la vraie démocratie, qui peuvent parfois être en contradiction avec la fin recherchée. A noter dans le passage cité ci-dessous la formule qui va au-delà du constat factuel : « l’Etat peut et doit aller jusqu’à… ». Je cite aussi le paragraphe en question, parce que, en ces temps d'islamophobie et de détournement de la loi de 1905, ce texte fait justement de l'acceptation des religions un élément fondamental de l'émancipation politique (pour l'expression "révolution permanente, voir la dernière phrase) :

« La décomposition de l’être humain en juif et en citoyen, en protestant et en citoyen, en être humain religieux et en citoyen, cette décomposition n’est pas un mensonge à l’encontre de la citoyenneté, elle ne circonvient pas à l’émancipation politique, elle est l’émancipation politique même, elle est la manière politique de s’émanciper de la religion. Certes, à des époques où l’Etat politique, en tant qu’Etat politique, émerge violemment de la société civile, où l’autolibération humaine aspire à s’exécuter sous la forme de l’autolibération politique, l’Etat peut et doit aller jusqu’à la suppression de la religion, jusqu’à son anéantissement, mais seulement comme il va jusqu’à la suppression de la propriété privée, jusqu’au maximum (NDT : référence à la fixation d’un prix maximal des produits de première nécessité sous la Terreur), à la confiscation, à l’impôt progressif, comme il va jusqu’à la suppression de la vie, à la guillotine. Dans les moments de son sentiment de soi particulier, la vie politique cherche à écraser sa présupposition, la société civile et ses éléments, et à se constituer comme la vie générique de l’homme effective et dépourvue de contradiction. Elle ne le peut cependant qu’en entrant en contradiction violente contre ses propres conditions vitales, qu’en déclarant la révolution comme permanente¸ et c’est pourquoi le drame politique finit tout aussi nécessairement avec la restauration de la religion, de la propriété privée, de tous les éléments de la société civile, comme la guerre finit avec la paix. »

Par Abracadabra, le 16/02/2022 à 21h31

encore passionnant !

Par gomine, le 14/02/2022 à 21h43

@ Frédérique Devaux. Bien sûr ! Programmée pour fin mars.

Par Raphaël, le 08/02/2022 à 23h08

BRAVO ! y aura-t-il une suite ? Je le souhaite vivement f

Par Frédérique DEVAUX, le 05/02/2022 à 12h14

Très intéressant mais... Soporifique.

Par Maunoir Charbonnel, le 01/02/2022 à 16h45

Emission d'utilité publique, Bravo et merci.

Par titou, le 29/01/2022 à 22h58

Merci !

Par Olivier Daviaud_1, le 29/01/2022 à 17h51



bravo tous les trois ! c'est vraiment du bon boulot ! bien aussi, les extraits de film ! j'ai beaucoup appris et j'attends la suite. Continuez et merci beaucoup Gabriel Lacroix

Par quincieu, le 29/01/2022 à 16h33