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Provincialiser la langue

Dans le Texte

Cécile Canut

(émission conçue et animée par Louisa Yousfi) 

Ça commence par une question apparemment anodine : pourquoi la langue française poursuit-elle son règne dans tous les pays anciennement colonisés par la France alors que ces derniers ont obtenu leur indépendance ? En dépit de la pléthore de recherches menées sur le sujet, la chose demeure aberrante. D’ailleurs, le livre de Cécile Canut, Provincialiser la langue. Langage et colonialisme (Amsterdam, 2021) aurait pu simplement se perdre dans la masse, s’il n’ouvrait pas un horizon particulièrement déroutant en ce qui concerne le concept même de « langue ».

Bien sûr, il y est question de retracer les discours coloniaux qui ont participé à évincer les langues africaines, qualifiées péjorativement de « dialectes » pour imposer la langue coloniale, notamment par le biais de l’école. Mais le travail de Cécile Canut porte une ambition plus grande encore. Ce qu’elle tâche de mettre au jour, ce n’est pas seulement les mécanismes de domination qui fondent l’empire linguistique que nous connaissons mais aussi les « échecs » de cette politique de la langue qui fait face à de redoutables résistances des peuples.

Ainsi en est-il des pratiques langagières africaines, notamment en Afrique de l’Ouest, qui échappent à la conception même de la langue, unifiée et standardisée – à partir notamment d’une appartenance nationale – que l’Europe prétend universaliser mais qui ne demeure, rappelle Cécile Canut, qu’une « province » du langage.

Mais alors, à quoi cela peut bien ressembler un langage qui se déroberait à cet ordre-de-la-langue ? Les exemples abondent, comme par exemple le « nouchi » en Côte d’Ivoire, une pratique langagière impossible à appréhender à partir des catégories linguistiques occidentales car toute entière fondée sur l’hétérogénéité de ses formes, son absence de correspondance fixe entre le sens et l’énoncé, et son extraordinaire créativité.

En se mettant à l’écoute de ces pratiques, Cécile Canut nous invite à une véritable explosion des carcans linguistiques pour contempler les potentialités infinies d’un langage qui n'en finit pas de mener sa propre révolution. 

Louisa Yousfi 

Dans le Texte , émission publiée le 23/10/2021
Durée de l'émission : 83 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

3 commentaires postés

Encore une belle émission, très intéressante et qui fait exploser le cadre un peu dogmatique (mais rassurant !) de la linguistique. Merci de rappeler la véritable base de départ : la pratique qui fait la vie d'une langue. Cela ouvre à des domaines entiers à explorer encore plus loin : quelle partie du discours d'un locuteur est-elle incomprise et ignorée par ceux qui l'écoutent (sans conséquences dramatiques grâce à l'extraordinaire redondance du discours). À quel moment un locuteur maîtrise-t-il la langue au point de participer à son extension créatrice ? Importance des émotions et du plaisir dans le développement d'une langue, etc. Merci !

Par Bernard Guericolas, le 01/11/2021 à 16h03

Moi j ai comme repère "le Rêve Celte" de Mario Vargas Llosa et depuis lors (déjà avant) la colonisation est associée à une monstruosité à un réel difficile à penser à imaginer. Alors le langage a réhabiliter? la réconciliation comme c est évoqué avec Léopold Sédar Sanghor??? le doute m'habite. Mais, Je ne doute pas du bien fondé de votre invité très experte ( j'ai quand même trouvé peu de questions porteuses d'avenir) .
Au delà de l'horizon je me mets à rêver en utopique à une langue plus ouverte, porteuse de commun et de différences. Le but étant de mieux se comprendre, se respecter, sans perdre son "âme", c est bien ça ? Un début pour ne pas retomber dans l'ignominie du passé.

Par Maunoir Charbonnel, le 28/10/2021 à 20h55

Eh bien , j'espère que vous allez faire un entretien sur la langue globish qui fleurit en France . Passer une heure sur l'argot nouchi , nettement mieux raconté par Wikipédia (pour le néophytes) sans en expliquer la survenance est un exploit!Le colonialisme français a détruit beaucoup de langues , y compris en métropole! Au lieu de se réapproprier leurs langues locales , certains peuples africains créent de nouvelles langues, plus proches de l'argot que d'une langue.Tant mieux pour eux si cela leur fait plaisir et si cela leur permet de s'affirmer : pour qui , pourquoi? Cela leur permettra-t-il de s'affranchir des impérialismes? Et des rejets tribaux qui sévissent encore en Afrique?Un chercheur en linguistique africain aurait été plus pertinent. Cette dame s'écoute un peu trop parlé par convaincre de son sujet . Le langues sont un sujet sérieux et je ne vois qu'une dérive décadente dans cette glorification du nouchi ou du globish. L'idée de la langue commune après avoir vaincu le capitalisme me semble plus porteuse d'avenir, n'en déplaise à cette personne qui devrait lire Marx .

Par titou, le 24/10/2021 à 01h20