La fabrique du consommateur
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Anthony Galluzzo
Laura Raim
Dans ma vie idéale, mon appartement est rempli de meubles vintage uniques chinés dans les puces de Montsoreau. En pratique, chaque excursion brocantière est un cuisant échec et je finis déambulant, hagarde, dans l’enfer d’Ikéa. Pourquoi ? Parce que je déteste négocier. N’ayant aucune conviction sur la valeur intrinsèque des choses, j’ai toujours l’impression soit de me faire arnaquer soit d’insulter le vendeur en proposant un prix trop bas. Ce que j’aime, c’est rentrer dans un magasin, regarder l’étiquette du truc qui me plaît, et décider toute seule. Et surtout que personne ne vienne me parler.
En lisant la Fabrique du consommateur, une histoire de la société marchande (Zones), d’Anthony Galluzzo, j’ai compris mon problème : je suis une « shoppeuse flâneuse ». Mon rapport à la marchandise a été forgé par des dispositifs mis en place depuis le XIXe siècle pour instituer une pratique fluide, passive et décrispée de la consommation : la possibilité du remboursement rendant toute transaction réversible, l’exposition des objets en vitrine évitant de devoir demander au vendeur d’aller chercher un produit dans la réserve et l’affichage du prix fixe évacuant le rapport de force du marchandage…
Ces innovations liées à l’émergence des Grands magasins constituent une étape parmi d’autres dans l’histoire de notre conversion à la consommation depuis le XIXe siècle, telle que la retrace Anthony Galluzzo dans son essai saisissant. Saisissant et nécessaire pour qui s’intéresse aux voies de désintoxication collective de la marchandise.
Laura RAIM
Commentaires
9 commentaires postés
Merci très intéressante interview!
Par FRANCK FORCIER, le 11/08/2021 à 14h49
Tout à fait passionnant ! Vivent l'histoire et l'anthropologie !
Par Eric Fraiture, le 27/06/2021 à 16h34
Brillant, beau montage. Tant de films alléchants entrevus …
Par eeeeeeeeeeee, le 05/06/2021 à 14h53
"le capitalisme de la séduction " Michel Clouscard va dans le même sens il me semble.
Par Michel GOULARD, le 01/06/2021 à 14h10
Bonjour Laura et merci d'avoir invité Anthony G..Il a une manière tranquille d'aborder des questions essentielles.
Pour ma part (déformation professionnelle oblige) je jette toujours un coup d’œil du côté du langage.
et ici, d’emblée le mot "consommer" m'oriente vers un "con sommé "...de penser ou d'agir dans telle direction,
de telle manière, ce qui me rend méfiant. Il y a belle lurette donc que je démonte les objets
pour savoir ce qu'ils ont dans le ventre. Je suis pleinement conscient de la nécessité de comprendre
d'où ils proviennent, qui les a fabriqués et comment. Quel à été le prix, du sang et de la sueur, qui a été
nécessaire pour que j'en jouisse. Ce qui me conduit souvent à les réparer lorsque c'est possible...en tous cas,
j'attache une plus grande valeur à l'"être" qu'à l'"avoir". Ceci ne procède pas d'une gymnastique idéologique où intellectuelle,
mais d'un profond besoin de me sentir exister sur ce caillou terre, où nous somme quelques uns à ne pas accepter l'aliénation!
A une prochaine. Gérard M.
Par sanslesdents, le 31/05/2021 à 01h12
Belle émission où l'on va pas à pas dans la découverte de processus plus complexes qu'il n'y paraissait. Il faudra en tenir compte pour envisager l'avenir de la consommation.
Par René THIBAUD, le 31/05/2021 à 00h00
Absolument passionnant ! Quelle belle recherche historique ! Merci Laura pour cette découverte !
Par Patrick Dessart, le 30/05/2021 à 21h12 ( modifié le 30/05/2021 à 21h18 )
Merci Laura pour cette élucidation !
Pour compléter : http://webtv.ac-versailles.fr/spip.php?article1264
Lors de cette conférence, André Tricot explique à quelles conditions un outil numérique est utile, utilisable, acceptable. (durée 4 min; début à 46:25)
https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2019-05/extrait_pp_11_12.pdf
Par Emmanuel, le 30/05/2021 à 18h17
J'ai beaucoup apprécié pouvoir prendre du recul sur ce sujet, notamment avec cet angle matérialiste.
Par ignami, le 29/05/2021 à 20h24