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La fabrique du demandeur d’asile

Aux Ressources

Karen Akoka


« Il y a les réfugiés politiques, et c'est l'honneur de la France que de respecter le droit d'asile : toutes les communes de France en prennent leur part. Il y a enfin ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire : ceux-là ne sont pas des réfugiés, mais des clandestins qui doivent retourner dans leur pays », disait déjà Gerald Darmanin en 2015. Mais pourquoi risquer de mourir de faim serait-il moins grave que risquer de mourir en prison ? Pourquoi serait-il moins « politique » d’être victime de programmes d’ajustement structurels que d’être victime de censure ?

Dans son livre L’asile et l’exil, une histoire de la distinction réfugiés migrants (La découverte, 2020), Karen Akoka revient sur la construction très idéologique de cette hiérarchisation, qui est liée à la définition du réfugié telle qu’elle a été décidée lors de la Convention de Genève de 1951, à l’issue d’âpres négociations.

Cette dichotomie réfugié politique/migrant économique paraît d’autant plus artificielle que, jusqu’aux années 1970, il suffisait d’être russe, hongrois, tchécoslovaque – et un peu plus tard de venir d’Asie du Sud-Est, du Cambodge, du Laos ou du Vietnam – pour décrocher le statut de réfugié, l’objectif premier de la France étant de discréditer les régimes communistes. Nul besoin, à l’époque, de montrer qu’on avait été individuellement persécuté ni de nier la dimension économique de l’exil.

Aujourd’hui, la vaste majorité des demandes d’asile sont rejetées. Qu’est ce qui a changé dans les années 1980 ? D’où sort l’obsession actuelle des agents de l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) pour la fraude et les « faux » demandeurs d’asile?

Plutôt que de sonder en vain les identités et les trajectoires des « demandeurs d’asile » à la recherche d’une introuvable essence de migrant ou de réfugié, Karen Akoka déplace le regard vers « l’offre » d’asile. Avec la conviction que les étiquettes en disent moins sur les exilés que sur ceux qui les décernent.

Laura RAIM

Aux Ressources , émission publiée le 19/12/2020
Durée de l'émission : 69 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

4 commentaires postés

Un grand merci Karen Akoka pour ces clarifications.

Par René THIBAUD, le 23/12/2020 à 00h01

Intéressant, j'ai mieux repéré les aspects diplomatico/boutiquiers de nos élites; politique étrangère et ses équilibres africano/pays de l'est/bloc communiste et pour le ministère de l'intérieur la fonction du bouc émissaire. Et là, je vais revoir René Girard "La violence et le sacré"

Par Maunoir Charbonnel, le 22/12/2020 à 20h14

Et bien merci, encore.

Par Damien, le 22/12/2020 à 16h20

Brillant !

Merci.

Par Abracadabra, le 21/12/2020 à 15h42