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Histoire critique de l'antispécisme

Aux Sources

Jérôme Segal

L'antispécisme est un mouvement qui lutte contre la domination des humains sur les autres animaux ou, plus précisément, sur les êtres dits « sentients », c'est-à-dire capables de ressentir de la douleur. La lutte contre l’exploitation des animaux va au-delà du véganisme, qui se limite à un mode de vie individuel. Les antispécistes ont des objectifs politiques : la fin de l'élevage (industriel ou non), des zoos, des expérimentations médicales sur les animaux. Ils mènent des actions directes. Il leur arrive par exemple de filmer l'intérieur des abattoirs afin de révéler au grand public l'horreur qui y sévit, de s'en prendre aux vitrines de boucheries ou de libérer des animaux d'élevage pour leur offrir ensuite un sanctuaire refuge.

Aux origines, c'est-à-dire au XIXe siècle, l'antispécisme avait des liens forts avec l'anarchisme et avec une partie de la tradition socialiste. Aujourd'hui, pourtant, la gauche et l'antispécisme sont loin d'avoir des rapports harmonieux. Il existe certes des antispécistes qui sont également anticapitalistes, antisexistes et antiracistes. Ils tiennent à articuler ces différentes luttes, et la prise en compte de la cause animale déplace notre regard sur de nombreux sujets. Mais l'antispécisme s'accompagne aussi parfois d'un fond islamophobe ou d’une comparaison douteuse entre les abattoirs et les camps de la mort.

Pour y voir plus clair sur ce mouvement politique, son projet de société, ses différents courants et le profil de ses militants, je reçois cette semaine l’historien Jérôme Segal, auteur d’un ouvrage érudit et passionnant : Animal radical. Histoire et sociologie de l’antispécisme (Lux, 2020).

Bon visionnage !

Manuel Cervera-Marzal

Aux Sources , émission publiée le 18/07/2020
Durée de l'émission : 88 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

13 commentaires postés

Abonnée depuis peu, je suis EXTREMEMENT DECUE par l'écoute de cet entretien. Outre l'absence de réflexion sociologique sur le mouvement et la pietre réflexion critique sur les conceptions essentiellement morales de l'antispécisme, je suis surtout choquée par la complaisance du journaliste. De la part d'un média que vous qualifiez vous même de "gauche radicale", il eut été nécessaire de pousser Jérôme Ségal dans ses retranchements sur des questions qui font débat dans les travaux sur le sujet (par exemple par jocelyne Porcher,"cause animale cause du capital"), notamment:
-le problème de l'amalgame encore et toujours perpétué entre élevage et productions animales industrielles
-la question sous jacente du rapport au transhumanisme si l'on considère que le modèle de la chaine alimentaire est critiquable et donc modifiable.
-La question complexe de la souffrance posée comme valeur morale non discutable. Doit on hiérarchiser les souffrances animales immédiates des souffrances induites par la crise écologique? Et pourtant, écologismes et antispécismes sont souvent en contradiction!Chaussures en cuir ou en plastique?déplacements en âne ou en bagnole? Régulation par la chasse ou perte des récoltes et de l'autonomie alimentaire locale?
-la question indispensable des modes de production alimentaire. Il est sidérant de laisser toujours les antispécistes parler de la viande comme d'un loisir dispensable et refuser de réfléchir aux questions de l'agriculture, de la paysannerie et des paysages. Que proposent ils?Est il acceptable que la question morale précède la question des solutions techniques?
-A l'évidence, parler d'agriculture obligerait à évoquer la question de l'impossibilité d'un modèle paysan sans animaux, du caractère indispensable de l'industrie pour parer à l'absence de fertilisation animale, de laine, de cuir, de traction animale, de B12... Et donc du caractère éminemment conflictuel des luttes antispécistes et anticapitalistes. Est il possible de proposer une alternative au modèle industriel sans élevage? Doit on attendre, comme pour la crise écologique, que le modèle de l'innovation capitaliste nous sauve de ce qu'il a lui même engendré?
-De la dépossession faramineuse que représenterait la perte du lien à l'animal pour tous ceux qui vivent encore au moins en partie de travail vivrier (élever ses poules, se déplacer à cheval, fabriquer soi même ses vêtement)
-De la violence (potentiellement encore impérialiste) que représente la promotion de modèles sans animaux comme "le bien" dans des pays/zones où l'agriculture est difficile, ou l'on se nourrit de pêche et d'élevage,où une petite paysannerie perdure dans ses compétences d'autonomie grâce au lien à l'animal.
-Enfin, des intérêts massifs des industriels face à la perspective de disparition de l'élevage et de développement de la viande in vitro. Il ne s'agit pas là d'un simple vegan washing bien pensant mais d'une opportunité rêvée d'enfin abandonner les aléas du vivant (bien trop peu maitrisable malgré les progrès zootechniques) et de justifier la main mise industrielle sur la production alimentaire. Les antispécistes seront ils tout aussi choqués de manger des aliments morts (au sens de...non issus de la vie) que de la viande? Quelle "gauche radicale" peut accepter d'être dépossédée à ce point de son rapport à la vie?

Enfin, le sang me monte à la tête quand, comme dans la grande majorité des cas d'entretiens sur ce thème, le journaliste finit par accepter qu'il serait bien en effet d'aller dans cette voie, mais que nous n'en somme peut être pas "encore" tous capables. Il semblerait que nous ayons "encore" besoin, à la gauche de la gauche, de déconstruire l'idée d'un progrès inéluctable de l'histoire en direction de l'émancipation de tous. L'histoire des luttes est chaotique, faite d'avancées et de rebours constants, mais aussi de contradictions réelles entre les luttes qui n'ont pas vocation à se résoudre.
Ce qui est sûr, c'est que cette lutte là ne contredit en rien le progrès de l'emprise industrielle sur nos vies et de nos dépossessions politiques.


Par Mathilde Spini, le 20/11/2021 à 01h32

Bon je n’avais pas vu l’émission
Intéressant mais très approximatif question science notamment sur le fait que la vitamine B12 est contenu dans la terre... là cela confine au ridicule
Bref il,est toujours dommageable d’essayer d.asseoir cette théorie sur la science

Par Reis Hugo, le 20/12/2020 à 11h15

J'aime bien être "malmené" dans mes convictions et mes habitudes (de viandard).
Mais quand j'entends qu'on pourrait manger sans problème des humains morts, je sourcille quelque peu...

Par Laurent CHOLLET, le 06/09/2020 à 20h10

Très bonne émission. Merci à Manuel pour ces questions pertinentes et merci à Jérôme pour cette érudition claire et tranquille sous un angle qui ne cache pas ses convictions et qui m'a permis de mettre un peu d'ordre dans mes pensées (la distinction entre végan et anti-spécisme par exemple). Je suis végétarien depuis 6 mois enfin plutôt "flexitarien" car la position culturelle des végétariens me pose problème encore. Sur le chemin de Compostelle dans la Creuse à un gite étape j'ai été invité chez un Anglais au repas du soir, et... je n'ai pas osé refuser le poulet qu'il avait préparé pour moi tout seul. Bien sûr je n'ai pris qu'un petit morceau mais le l'ai senti déçu en n'en reprenant pas. Je ne mange donc plus de viande ni de poisson surtout avec les gens qui me connaissent et les viandards anonymes ( il faut juste assumer la provocation et l'ironie )sauf exceptionnellement pour les cas de figures comme celui qui m'est arrivé cet été. C'est juste pour être civil car j'ai besoin de penser qu'on peut marquer sa différence tout en restant courtois.

Par Maunoir Charbonnel, le 27/08/2020 à 10h09

Les bactéries font partie du règne animal ??? Il va falloir revoir ses cours de biologie ;)
Ca n'enlève rien à l'intérêt de l'entretien.

Par Nicolas Magain, le 09/08/2020 à 18h27

Un plaidoyer pour le radicalisme qui serait la faculté de prendre un problème "à la racine" !?
Est ce qu'il ne faudrait pas regarder plutôt ouvrir un dictionnaire que d'écouter un gourou : RADICALISME, subst. masc. . Attitude qui refuse tout compromis en allant jusqu'au bout de la logique de ses convictions.

Par Franck Bielle, le 01/08/2020 à 11h06

Le raisonnement me parait souvent fragile avec des catégories et des valeurs qui fluctuent et changent d'une phrase à l'autre. Les références à la biologie sont parfois erronées ou une mauvaise vulgarisation. Je pense qu'on peut défendre le bien-être animal sans tomber dans ce point de vue radical et la pensée magique pseudo-scientifique. Comme le souligne d'autres commentaires, l'échange comporte très peu de critiques et limites à une idéologie aussi radicale.

Par Franck Bielle, le 01/08/2020 à 11h03

Que faire du rôle écologique des prédateurs ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9dation
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quilibres_pr%C3%A9dateurs-proies
Ex : le cas de l'extermination des martres en Grande Bretagne (car ce "nuisible" s'attaquait notamment aux "gentils" écureuils) a conduit à la raréfaction des écureuils roux, car en s'attaquant préférentiellement aux individus faibles ou malades les martres limitaient la propagation des épidémies (en plus des problèmes de concurrence avec l'écureuil gris envahissant).
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/en-grande-bretagne-le-retour-de-la-martre-sauve-l-ecureuil-roux_121867
De même, la disparition des grands prédateurs en France (loup) et la diminution de pratique de la chasse, entraine des pullulation de cervidés et de sangliers qui menacent à leur tour la régénération forestière.
https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-loups-des-cerfs-et-nous

Par remi973, le 30/07/2020 à 23h44

"Histoire critique de l'antispécisme"
C'était à quel moment de l'entretien le "critique"?

Par Vorace, le 21/07/2020 à 15h05

Je suis d'accord. J'ai habituellement confiance en la qualité des entretiens "hors-série" pour m'ouvrir à des sujets dont je suis extrêmement éloigné et j'attendais quelque chose du "critique" et de la "sociologie des anti-spécistes" annoncés en introduction. Finalement c'est un réquisitoire (documenté et érudit, certes) pour ce mouvement. Un entretien qui donnera du grain à moudre aux convaincus mais, en ce qui me concerne, je ne regarderai pas une prochaine émission sur le sujet.

Par maximemaxime, le 22/07/2020 à 18h19 ( modifié le 22/07/2020 à 18h22 )

Merci pour cet entretien sur un sujet si longtemps méprisé. Échange passionnant, avec beaucoup de questions abordées. Hâte qu'il y a en ait un autre, qui pourraient par exemple creuser les liens avec l'anarchisme, le relativisme, l'agnosticisme...

Témoignage :

Enfant, je ne connaissais pas ce mot "anti-spécisme". Comment un mot pourrait-il exister pour cette chose aussi ridicule, et aussi ignoble.
J'ai donc appris très tôt à refouler mon "anti-spécisme". Cela fait un bien immense de voir qu'aujourd'hui, on peut en parler librement et avec force.

"Que faire, quand je suis contraint de choisir entre un tel et un tel ?"
La question se posait dès qu'il fallait se nourrir, et nos conditions de vie me semblaient alors d'une cruelle absurdité.
Mais heureusement, je ne me souviens pas avoir été tenté de dévaloriser l'autre : en dernière analyse, sur quoi auraient tenu ces valeurs ?
Non, je préférais m'en tenir, dans ces cas d’extrême nécessité, à condamner ceux qui me semblaient les plus loin de moi, sans haine, avec le respect dû.

Merci encore Jérôme Ségal et Manuel pour votre travail.

Par Cuckooland, le 22/07/2020 à 09h19

"Histoire critique de l'antispécisme"
C'était à quel moment de l'entretien le "critique"?

Par Vorace, le 21/07/2020 à 15h05

Merci pour cet entretien passionnant (comme toujours ou presque).

Par J. Grau , le 18/07/2020 à 18h08

Toujours l'ambivalence, qu'on retrouve partout : la maladie humaine du sujet divisé de l'inconscient...

AIMER de Jacques PRÉVERT.

Tu dis que tu aimes la pluie,
et tu fermes la fenêtre.

Tu dis que tu aimes les fleurs,
et tu leurs coupes la queue.

Tu dis que tu aimes les poissons,
et tu les pêches
et tu les manges.

Alors quand tu dis que tu m'aimes,
j'ai un peu peur.

Par franny's, le 18/07/2020 à 13h41