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Batman, légende urbaine

Dans Le Film

Dick Tomasovic

Je me souviens d'une VHS de mon enfance, Batman affrontait dans un parking l'Ange de la mort qui faisait toujours son apparation à travers un épais nuage de fumée grise. Joker était aussi de la partie, je ne sais plus ce qu'il faisait à part éclater de rire et me faire peur. C'était un dessin animé. J'ai plusieurs fois essayé de retrouver l'épisode de cette série, mais mes nombreuses recherches sur Youtube me condamnaient à me perdre dans les méandres des innombrables séries, épisodes et déclinaisons qu'a connus Batman, cette brave petite chauve-souris.

Qui avait acheté cette cassette ? Que faisait-elle chez moi ? Il n'y en avait qu'une et je n'ai jamais témoigné, enfant, d'une passion pour Batman. C'est comme si une main invisible l'avait déposée là, comme si mon enfance l'avait fait apparaître, comme si nous étions tous condamnés à avoir un rapport à Batman. Impossible d'y échapper.

C'est cette même main qui m'a amenée voir toutes les adaptations de Christopher Nolan alors que j'ai arrêté depuis longtemps d'aller voir les films du concurrent Marvel. Batman fait partie de nos vies et c'est l'objet de cette émission que de tenter de comprendre pourquoi, en compagnie d'un bat-fan aguerri, Dick Tomasovic, qui a signé un livre aussi concis que passionnant sur le justicier de Gotham, Batman, légende urbaine (éd. Les Nouvelles impressions). Son essai est d'autant plus limpide qu'il s'attaque à ce corpus embrouillé, inépuisable et dont on peine à dresser les contours sans être pris par un sentiment de vertige.

Cette VHS perdue n'était que le morceau fragile d'un puzzle collectif, élaboré par des centaines de dessinateurs, scénaristes, réalisateurs, acteurs, enfants et adolescents rêveurs et qui, depuis 1939, n'a pas fini de croître, de s'étendre comme une tache d'encre sur notre inconscient. C'est la beauté des grandes figures de la culture populaire que de n'appartenir à personne, d'être érigée démocratiquement, de se répandre jusqu'à ce qu'on ne puisse plus retrouver la référence d'une VHS.

"Batman, légende urbaine", il faut entendre ce que notre invité veut dire par là : la force de suggestion, la puissance de cette idée visuelle, sa capacité à fasciner tient surtout à une chose : Batman est un héros raconté. Un magicien dont l'unique tour de magie semble être lui-même, sa façon d'apparaître, de disparaître et de laisser derrière lui une rumeur qui circule depuis maintenant 81 ans. Il a pourtant muté au gré des époques et des génies qui s'en emparaient. Nous revenons sur les grands moments qui ont scandé la vie de Batman, de sa création par Bob Kane et Bill Finger pour concurrencer Superman, en passant par le premier serial de 1943, la naïveté pop de la merveilleuse série des années 60, les adaptations de Tim Burton, la révolution Frank Miller, la trilogie post-11 septembre de Nolan pour terminer sur l'intérêt grandissant pour l'inquiétant Joker. Nous tenterons, à la suite du livre, d'éplucher les rumeurs qui courent sur ce justicier masqué, orphelin inconsolable, milliardaire oisif, vampire, fou dangereux de droite, homme providentiel foncièrement de gauche, Big Brother comparé à George W. Bush, détective qui côtoie l'illégalité, grand frère protecteur, homme à femmes secrètement homosexuel, workaholic qui carbure à la cocaïne, bidouilleur de génie. Bref, à notre tour, on va vous raconter Batman.

Murielle JOUDET

Dans Le Film , émission publiée le 29/02/2020
Durée de l'émission : 106 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

2 commentaires postés

émission (regardée avec beaucoup de retard) et analyses remarquables, merci !

Par gomine, le 12/09/2021 à 17h22

Juste un petit commentaire sur un point qui aurait pu être détaillé.

L’un des autres grands attraits des personnages orphelins, ou a minima dont les parents sont absents, c’est tout simplement la « facilité scénaristique » associée. En effet, point n’est alors besoin de construire des relations parentales complexes (la parentalité est rarement simple), et dans le cas présent, une fois Batman sans autre parent qu’un brave major d’homme dévoué, pas besoin de mettre en place (ou de mettre sous le tapis de façon maladroite), l’inquiétude de personnes proches qui se demanderaient si Batou va bien rentrer chez lui le soir (enfin le lendemain en l’occurrence). Dit simplement, il n’a pas de parents dans ses pattes (quand bien même ce soit un adulte parfaitement « indépendant » comme on dirait aujourd’hui).

Par HBK, le 29/02/2020 à 16h07