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Nazisme et management

Aux Ressources

Johann Chapoutot

Les start-up les plus en pointe de la Silicon Valley qui font appel à des chief happiness officers pour organiser des courses de drones, du karting, et des dégustations de bières avec leurs salariés n’ont rien inventé. Avant eux, les Nazis avaient réfléchi à l’importance de motiver les employés et de susciter leur adhésion. Dans Libres d’obéir, le management du nazisme à aujourd’hui ( Gallimard ), Johann Chapoutot décrit l’organisation Kraft Durch Freude, la « Force par la Joie », qu’il compare à « un immense comité d’entreprise à l’échelle du Reich tout entier » et qui avait pour fonction de rendre l’entreprise ou l’usine agréable et ergonomique, et de proposer des croisières ou d’autres loisirs, afin de maximiser le consentement et la performance des travailleurs .

Non, l’historien ne dit pas que le management est un truc de nazi. Mais quand même, il dit que le IIIe reich a été un grand « moment managérial », les circonstances politiques liées à l’expansion du territoire ayant obligé les juristes à penser la conduite des hommes pour faire mieux avec moins. Or ces mêmes juristes nazis ont recyclé après la guerre leurs réflexions sur l’organisation du travail dans des théories du management qui se sont avérées parfaitement compatibles avec le modèle ordolibéral adopté par l’Allemagne pour sa reconstruction.

Johann Chapoutot ne compare pas le nazisme et le management néolibéral, il établit une continuité historique directe pour le moins troublante. Toute la question est de savoir quelles conclusions pertinentes on peut en tirer.

 Laura RAIM

Aux Ressources , émission publiée le 08/02/2020
Durée de l'émission : 58 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

9 commentaires postés

Excellent entretien, c'est un plaisir d'écouter aussi bien JC que LR.
Une coquille s'est glissée dans l'illustration de la défaite de la Prusse par les armées napoléoniennes. On a « 1906 » au lieu de 1806 comme date à 40:12.

Par Hayri Goksin Ozkoray, le 17/01/2021 à 21h03

Vraiment un super entretien, très intéressant. J'ai appris plein de choses, merci beaucoup.

Par Yann Lambert, le 12/04/2020 à 18h18

Merci.
J. Chapoutot a écrit des livres passionnants mais pour les pressés, des conférences se trouvent facilement à son nom sur le net.
Un régime nazi en perte de vitesse ne se contente plus de chasser ses indésirables en leur otant leurs moyens de vivre décemment, il les tue...
Ca laisse songeur.
En complément d'un combat contre le néolibéralisme, "L'effet Darwin" de Patrick Tort illustre le contre-sens du concept passé dans les moeurs de "darwinisme social". la coopération, plus efficace que la compétition,surtout à outrance, serait le résultat paradoxal de l'évolution naturelle, puisqu'elle favorise la survie.

Par christine forget, le 23/02/2020 à 00h28

Très bon entretien. Je pensais entendre J Chapoutot répéter ce qu'il avait dit sur France culture, mais l'entretien allait bien au delà.
J'en retiens la distinction nazisme/Shoah qui permet de penser un peu mieux le nazisme.
Bravo à Laura Raïm d'avoir essayé de penser contre elle-même (non, le management n'est pas nazi par essence) et avoir éviter de tirer des conclusions faciles. C'est si rare de voir cela !

Par Laurent Kloetzer, le 15/02/2020 à 13h24 ( modifié le 15/02/2020 à 13h27 )

Entretien passionnant par sa clarté et sa précision . Où l’on voit, une fois de plus, que les phénomènes humains qu’ils soient biologiques, civilisationnels ou sociaux ne peuvent se comprendre que par la généalogie historique et les interactions environnementales. De façon convaincante, sont élucidées les sources de la religion contemporaine du management et de ses rituels mortifères administrés par ses grands prêtres que sont les « élites » mondialisées, et devant lesquelles nous sommes sommés de nous prosterner.
Les défenseurs de la laïcité finiront bien par s’apercevoir qu’il ne s’agit plus de combattre les religions monothéistes qui ont perdu leur puissance et leurs pouvoirs ( l’islamisme n’est pas un phénomène religieux mais une séquence géopolitique post-coloniale) mais là toute puissance tutélaire de l’ économie capitaliste financiarisée. Alors, peut-être, les écoles de commerce seront-elles marginalisées comme le sont les églises aujourd’hui et que les DRH ne désigneront plus les ressources humaines mais les relations humaines.

Par Richard ZEMOUR, le 10/02/2020 à 13h14

Johann Chapoutot et son livre "Libre d obéir"; Est ce un symptôme salutaire, un ovni du à l'air du temps par ces temps de grands troubles Macronistes et ses effets délétères du néo libéralisme? D autres lectures convergent dans ce sens, "La fabrique des imposteurs" de Roland Gori "Happycratie" " les marchandises émotionnelles" de Eva Illouz "La société ingouvernable" de Grégoire Chamayou "Pour un humanisme vital" de Frédéric Worms "Les lois scélérates" de Raphaël Kemp et bien d autres encore... Monde déshumanisé, monde instrumentalisé, monde lobotomisé, comment sortir de cette servitude volontaire. Laura je compte sur vous pour nous trouver des interlocuteurs géniaux qui trouverons un mode d emploi vers un autre management bien sûr mais surtout, une autre transition écologico/sociale viable.

Par Maunoir Charbonnel, le 10/02/2020 à 12h45

Merci beaucoup. J'avais déjà entendu J. Chapoutot parler de son livre dans deux émissions de France Culture, mais j'ai tout de même suivi cet entretien avec beaucoup d'intérêt, parce qu'il était particulièrement riche, notamment grâce aux questions de Laura Raïm.

Par J. Grau , le 08/02/2020 à 20h29

Merci pour cet entretien que j'attendais impatiemment, très intéressant travail d'historien

Par marie berhonde, le 08/02/2020 à 20h05

La description d'une telle société me fait penser à un univers de termites (espèce n'ayant subi aucune évolution depuis 150 millions d'années)chacun identique à l'autre et voué à travailler sans relâche jusqu'à sa mort et remplacé sans état d'âme !!

Par franny's, le 08/02/2020 à 14h11