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Émergence et domestication de la théorie critique

Aux Sources

Stathis Kouvélakis

Comment construire une théorie nous permettant de penser notre monde et, de manière indissociable, de le transformer ? De quels outils conceptuels avons-nous besoin et comment penser leur connexion avec une pratique politique à visée émancipatrice ? C’est au fond cette question que pose le livre exigeant et puissant de Stathis Kouvélakis, La Critique défaite. Émergence et domestication de la Théorie critique, paru il y a quelques semaines aux éditions Amsterdam.

En s'arrêtant sur les figures de Max Horkheimer, Jürgen Habermas et Axel Honneth, il y revient sur la trajectoire de ce qu’on a appelé l'École de Francfort. Il donne d’abord à voir en détails le caractère novateur et radical (au sens d’un retour à la racine) de son projet intellectuel et politique, du moins tel qu’il fut réélaboré, formulé et mis en œuvre par Horkheimer, sous le nom de théorie critique, lorsque celui-ci parvint à la tête de l’Institut de recherche sociale au début des années 1930.

Mais il montre également comment ce projet est passé d'une critique intransigeante du capitalisme tentant de prolonger et d'enrichir le marxisme à l'heure du désastre fasciste, à une thérapeutique du social équivalant à un renoncement à toute transformation sociale radicale des structures socio-économiques. Trajectoire non-fatale, comme l’illustre le contre-exemple d’un Herbert Marcuse demeuré fidèle à l’esprit du projet initial, et qui ne peut s’expliquer hors de la défaite d’une magnitude exceptionnelle qu’a représenté l’accès des nazis au pouvoir en janvier 1933.

À travers cette plongée philosophique, c'est plus généralement la modernité capitaliste qui est interrogée : comment faire en sorte que la pensée soit à même de prendre au sérieux son potentiel destructeur et de tracer, à partir de ses contradictions et en lien étroit avec les mobilisations de millions d’exploité·e·s et d’opprimé·e·s, les contours d'une alternative politique et sociale ?

Ugo PALHETA

Bibliographie de Stathis Kouvélakis :
- Philosophie et révolution. De Kant à Marx (La Fabrique, 2017)
- La Grèce, Syriza et l’Europe néolibérale. Entretiens avec Alexis Cukier (La Dispute, 2015)
- La France en révolte (Textuel, 2007)
- Dictionnaire Marx Contemporain (PUF, 2001), co-dirigé avec Jacques Bidet

Voir également ses nombreux articles et entretiens sur le site de Contretemps.

Aux Sources , émission publiée le 28/12/2019
Durée de l'émission : 86 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

3 commentaires postés

D'un point de vue de la théorie, nous pouvons nous baser sur les communs sociaux.
Les communs sociaux définis par Benoit Borrits sont des systèmes de financement et de socialisation des revenus. La particularité de ces communs est qu’ils sont établis sur une base géographique : ce sont les citoyens d’une zone géographique donnée – un pays, une région ou un ensemble de pays – qui s’érigent en commun et déterminent des modalités de cotisations qui s’appliquent de façon solidaire et donc obligatoire à l’image de la sécurité sociale telle qu’elle a été conçue en 1945.
Par exemple sur les retraites:
La retraite publique est une assurance sociale qui ne doit pas imiter la retraite par capitalisation. Elle doit assurer un niveau de retraite satisfaisant à tous les actifs et effacer les accidents de carrière.
Les risques sur la santé de repousser sans cesse le départ en retraite. Le report de l’âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans a par exemple fait exploser le nombre d’arrêts maladie chez les plus âgés.
En travaillant moins longtemps, la production va nécessairement diminuer et les émissions de gaz à effet de serre aussi
Benoit Borrits propose une consultation de l’ensemble des citoyennes et citoyens pour construire un système de retraites universel au travers de quelques questions comme « A quel âge a-t-on le droit de toucher la retraite ? » et « Comment compenser la pénibilité ? ».

Venez découvrir et réagir à notre couveuse d'idées qui est en ligne sur notre nouveau site internet:
https://www.emancipation-collective.fr/couveuse-didees/
N'hésitez pas à la diffuser un maximum

Je vous mets ici le contenu de nos boîtes à idées à propos de la révolution des communs
https://www.emancipation-collective.fr/boite-a-idees-la-revolution-des-communs/

a. Définir de nouveaux indicateurs de progrès humain
b. Viser l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé
c. Décider collectivement des ressources universelles qu’on met en commun et à la disposition des individus, qu’on choisit de produire, d’entretenir, de sauvegarder = idée de subordonner le droit de propriété à un droit d’usage collectif (exemple : logement décent avec accès au chauffage et à l’eau courante et nourriture)
d. Imposer que chaque municipalité/arrondissements ait sa propre monnaie locale, dont les modalités seront définies par des citoyens tirés au sort
e. Lutter contre l’inflation des brevets et les nouvelles formes d’enclosure
f. Réappropriation des institutions et connaissances scientifiques (renforcement de l’indépendance et une logique de qualité et de temps long)
g. Renationaliser toutes les entreprises privées d’intérêt général avec un objectif de se réapproprier la production de l’alimentation, la gestion de l’eau, l’énergie…
h. Reconstruire un système de santé qui inclut les citoyens et les travailleurs du care
i. Faire face collectivement au vieillissement de la population et à la perte d’autonomie, propositions publiques alternatives à l’EPHAD (auberges collectives, pensions de famille), les rendre gratuites et se soucier davantage de la santé morale des personnes en fin de vie avec des activités thérapeutiques

Par Paul Poulain, le 31/12/2019 à 04h29 ( modifié le 31/12/2019 à 04h30 )

Captivant...avec quelques réserves sur la faiblesse de quelques analyses me semble-t-il

Par morvandiaux, le 29/12/2019 à 11h03

Apparemment , le mot Communisme est étranger à son discours fort intéressant sur tous ceux qui ont trahi pour rester dans la "normalité" capitaliste .
L'école de Francfort aurait dû s'adjoindre un spécialiste de géopolitique : cela lui aurait permis de comprendre les enjeux au moment du Pacte germano-soviétique qui sauva sans doute l'URSS après la trahison de la classe bourgeoise internationaliste à Munich.
De plus étant Grec , l'histoire montre très bien dans ce pays la collusion des fascistes et de l'internationale capitaliste pour contrer les communistes grecs.
En allant au USA, peu de choses de convenable en matière de lutte des classes ne pouvait survenir.
Il serait intéressant en plus du discours théorique passionnant , de se pencher sur la vie intime des ces messieurs et de voir s'ils n'ont pas bénéficié de dollars qui achètent tout. Adorno est mort en Suisse le paradis fiscal de l'époque , y a-t-il une réponse satisfaisante à cette question?
Dommage que le cas Marcuse n'est pas bénéficié de plus de temps de parole , la trahison d'Adorno aurait été encore mieux mise en évidence.

Par titou, le 28/12/2019 à 23h42