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Populisme de gauche : place au débat

Aux Sources

Lenny Benbara et Eric Fassin

Nous ne sommes pas encore en 2022. Ca craque aux quatre coins de la planète. Les peuples se soulèvent. A l'heure où j'écris ces lignes, la France entre dans la danse. Que donnera la mobilisation contre la réforme des retraites, contre Macron et son monde ? Je n'en sais rien. Je sais simplement que, durant les prochaines semaines, le centre de gravité politique sera dans la rue davantage que dans les urnes. L'émission que je propose aujourd'hui est donc légèrement à contretemps, puisqu'elle porte essentiellement sur les stratégies électorales de conquête du pouvoir. Rassembler la gauche ou fédérer le peuple ? Le débat est lancinant. Depuis plusieurs années, une partie de la gauche s'est délestée de l'Internationale, du drapeau rouge et des symboles du mouvement ouvrier. Elle se revendique davantage du peuple contre l'oligarchie que des ouvriers contre le capital. Est-ce à dire que la lutte des classes serait périmée ? Que le clivage gauche-droite serait en passe d'être remplacé par le clivage vertical entre "ceux d'en bas" et "ceux d'en haut" ? Qu'au moment néolibéral des années 1980-2000 succéderait désormais un moment populiste ? Que, dans ce contexte de reconfiguration des identités politiques, il faudrait réinvestir les thèmes de la patrie et de l'ordre, chers à la droite ? Que pour conquérir le pouvoir il faut inévitablement se doter d'un leader charismatique, fût-ce au prix de l'auto-organisation des opprimés ? Et que la lutte politique de joue autant sur le registre des affects que sur celui des arguments et des intérêts ?

Mais, un peu comme le cholestérol, peut-on distinguer un bon populisme (de gauche) d'un mauvais populisme (de droite) ? Les deux ne finissent-ils pas par se rejoindre et donner naissance à des gouvernements autoritaires, comme ceux de Maduro, de Lenin Moreno, ou de Vargas et Peron autrefois ? A mettre en sourdine ses fondamentaux au nom d'une stratégie populiste sensée la porter rapidement au pouvoir, la gauche ne finit-elle pas simplement par se renier ? Quelle leçon retenir de l'étrange attelage gouvernemental entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord ? Quel bilan provisoire tirer de Podemos et de la France insoumise ? Les percées de Sanders et Corbyn, qui affichent leur socialisme de façon décomplexée, n'apportent-elles pas un démenti à l'idée que, pour gagner, la gauche devrait se déprendre de ses marqueurs traditionnels et de la phraséologie marxiste ?

Pour débattre de ces nombreuses questions, j'ai reçu Eric Fassin, sociologue spécialiste des questions de genre et de race, auteur de Populisme : le grand ressentiment (Textuel, 2017), et Lenny Benbara, fondateur du site Le Vent se lève, et proche des idées de Chantal Mouffe et Iñigo Errejon. Ils posent sur le populisme de gauche un regard diamétralement opposé, mais richement argumenté. Chacun.e se fera son opinion.

Manuel Cervera-Marzal

Bon visionnage !

Aux Sources , émission publiée le 07/12/2019
Durée de l'émission : 56 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

5 commentaires postés

Bonjour Manuel, et d'abord excuse moi de vous avoir appelé Pablo la dernière fois.Merci pour vos emissions que j'écoute toujours. Sans renier cette dernière phrase, je dois dire que jamais je n'ai trouvé une emission hors série aussi inintéressante. C'est bien simple, il me semble qu'en affirmant que le clivage gauche/droite doit passer au second plan (si il ne doit pas disparaitre) on gomme completement toutes références à la lutte des classes ce qui revient à assumer de mentir à son électorat potentiel.

Mais peut etre est ce simplement tout débat et analyse sur les questions de stratégie qui m'ennuient profondemment...
RGC.

Par Rémi Gendarme, le 11/01/2020 à 12h21

Le résultat des élections britanniques de jeudi donne un point à Lenny Benbara ! Vous ne pensez pas ? Alex

Par Alexandre SLESSAREFF, le 13/12/2019 à 22h44

Il est frappant de constater que la thèse de la "fin du clivage gauche-droite" semble faire l'unanimité, alors qu'elle est bien fragile ; elle confond en effet les référentiels mobilisés par les acteurs au sein des mobilisations et la vie normale. Dans celle-ci, la plupart des individus sont aisément plaçables sur l'échiquier, soit d'eux-mêmes soit par analyse de leurs propos/représentations ; le mouvement des Gilets Jaunes en est un bon exemple : superficiellement, ça a d'abord paru confus et motivé par des causes triviales et transversales qui semblaient valider l'analyse "populiste", puis rapidement il s'est agi d'une lutte idéologique dans laquelle l'imaginaire de gauche l'a emporté de façon évidente. Il n'est pas besoin d'être un fin politiste pour situer "l'assemblée des assemblées" de Commercy et François Boulo sur l'axe politique du mouvement. De plus, encore une fois, il s'agit de ne pas confondre le référentiel explicite, la profession de foi ("on ne parle pas politique, chacun vient sans son étiquette") et le contenu concret débattu.

Cette façon naïvement performative de percevoir le débat d'idées ("il suffit que je dise que je ne suis plus de gauche/de droite pour ne plus l'être") devient d'ailleurs ces temps-ci la nouvelle doxa journalistique. C'était déjà le cas pour La France Insoumise que certains intervenants mal réveillés ne situaient plus à gauche, mais c'est maintenant le cas pour EELV depuis la stratégie de "non-solubilité dans la gauche" : j'ai par exemple pu entendre sur France Culture un décompte des voix de gauche aux dernières européennes qui ne comptait pas EELV (mais comptait le PS, pour preuve qu'il ne s'agit pas d'une analyse idéologique), et cette semaine le directeur du service politique de ladite antenne semblait effaré que le parti puisse se mobiliser contre la réforme des retraites ("mais ça ne va pas créer de la confusion ?" disait-il à Julien Bayou, sans s'apercevoir que la confusion était de son côté). Cela témoigne bien du nouveau rythme médiatique qui se marie décidément à merveille avec les lunettes "populistes" : en quelques mois voire quelques semaines, toute l'histoire du principal parti écologiste et de ses alliances est effacé, ignoré, pour laisser la place à un rêve construit de toutes pièces d'une écologie française "ni gauche ni droite".

De façon générale, la "stratégie populiste" en France sonne beaucoup comme un recentrage sur les catégories de représentation, d'expression et les visions purement électoralistes, qui ont certes leur place dans les débats théoriques et stratégiques mais situent d'emblée leurs promoteurs à un certain point de l'échiquier (pas vraiment à la gauche de la gauche, tant le souci pour la démocratie radicale ne fait pas partie des préoccupations des locuteurs).

Et soit dit en passant, cela ne manque pas d'ironie : alors que la plus grande partie du XXème siècle a fétichisé les idéologies et passé sous silence les fondements psycho-anthropologiques des positionnements (il a fallu s'appeler Reich, Castoriadis ou Todd pour s'en extirper), j'ai bien peur que cette fois-ci le "retour du refoulé" soit celui du bon vieux clivage tant honni, tant celui-ci possède justement ses bases dans des attachements affectifs et philosophiques tout sauf vides mais bel et bien hyper-incarnés (parfois même des raisons "de vie ou de mort", tant il relie l'individu à tout ce qui le définit le plus profondément).

Par Lucas Verbèke, le 08/12/2019 à 09h40

Je sais d'avance que Fassin est un bo-bo gauchiste parisianiste déconnecté du prolétariat, qui croit que les "banlieues" sont "de gauche" (dans ses rêves).

Par Florac Emmanuel, le 07/12/2019 à 22h17

Passionnant, mais trop court...

Par titou, le 07/12/2019 à 18h55