Hors-Série
Arret sur Images
Me connecter
abonnez-vous


Bandung du Nord (part. 1)

En accès libre

N. Guénif, H. Bouteldja, A. Davis

Cet été, cap au Sud ! Oui, mais quel Sud ? Car le Sud dont il est question ici n’est visiblement pas qu’une affaire de géographie et s’il a été contraint d’emprunter les sinistres chemins de l’histoire coloniale, on aura tôt fait… de le retrouver au Nord. « Le Sud du Nord », voilà donc l’objet de cette conférence internationale, organisée à la Bourse du Travail de Saint-Denis du 5 au 7 mai dernier, et qui s’est choisi comme nom ce déroutant « Bandung du Nord ». Mais que vient faire la ville indonésienne dans cette affaire ? Petit flash back.


« Il s’agit de la première conférence intercontinentale réunissant des peuples de couleur dans l’histoire de l’humanité ! (…) Que les dirigeants des peuples d’Asie et d’Afrique puissent se réunir dans leurs propres pays pour discuter et débattre de questions d’intérêt commun marque un nouveau départ dans l’histoire du monde.» Ainsi parlait le président indonésien Sukarno en 1955 devant pas moins de 29 pays africains et asiatiques qui, tournant enfin le dos à l’Occident impérialiste, signèrent l’acte de naissance politique du Tiers-Monde, appelé aujourd’hui le Sud Global. Réunir pour la première fois autour d’une table tous les opposants au colonialisme, au capitalisme et à l’impérialisme en vue de faire émerger une nouvelle force mondiale autonome : le défi était monstre. On en sait aujourd’hui les échecs mais on aurait tort d’en oublier les forces. De Frantz Fanon à Malcolm X, « l’esprit de Bandung » n’a jamais cessé de souffler dans le cœur de ceux qui eurent le courage et la force de lutter contre l’oppression raciale et ses tenaces corollaires. La preuve : c’est dans cette continuité historique que le comité du « Bandung du Nord », composé du Réseau Décolonial International (DIN) et d’organisations de l’immigration et des quartiers populaires en France – et sous le haut patronage d’Angela Davis – a inauguré la première conférence internationale de personnes de couleur prenant à bras le corps les questions concernant les non-blancs vivant dans le Nord global.

Le « Nord global » ? C’est-à-dire les pays d’Europe occidentale, d’Amérique du Nord et d’Océanie, qui ont colonisé et se sont partagé l’Afrique, l’Asie et les Amériques. Nous sommes ici parce que vous étiez là-bas, dit un slogan antiraciste bien connu. Aujourd’hui, de larges communautés du Sud global vivent au sein des métropoles du Nord. Sur 800 millions de personnes vivant dans ces pays, on estime le nombre de non-blancs à 160 millions. Qu’ont-ils en commun ? Une expérience du racisme éprouvé sous toutes ses formes, comme un continuel rappel à leur héritage colonial. Mais qu’on ne se méprenne pas. Le racisme dont il s’agit ici ne concerne pas seulement celui qui ravage l’âme de certains individus ni même celui qui perpétue les multiples discriminations liées à la couleur de peau. Il concerne surtout celui qui organise l’ensemble des rapports sociaux, qui hiérarchise les différents groupes en fonction de leur appartenance raciale, culturelle et religieuse, et qui prend forme et racine au sein des institutions économiques, sociales, politiques et culturelles de nos sociétés modernes.

C’est à partir de cette communauté d’expériences, marquées par la mémoire du génocide indigène, l’esclavage transatlantique, la colonisation, les migrations forcées, les guerres impérialistes et les inégalités, que les intervenantes et intervenants du Bandung du Nord ont choisi de poser le premier jalon d’un projet politique novateur et unitaire, les liant les uns aux autres à une communauté de destin : une Internationale décoloniale. Une nouvelle utopie ? À l’heure où les forces nationalistes, impérialistes et néolibérales ne s’embarrassent pas de cette prudence et s’aventurent au plus haut de leurs ambitions, l’urgence est plutôt à l’alliance réelle, c’est-à-dire d’égal à égal, entre les mouvements de l’immigration postcoloniale et la gauche de transformation. C’est pour soutenir un tel vœu que nous diffuserons en ce mois d’août une partie des interventions tenues durant ces trois jours importants où la parole s’est faite politique et le verbe haut. Jugez plutôt : « En 1955, la Conférence de Bandung donna corps et voix à des peuples qui constituaient la majeure partie du monde. Poursuivant cette œuvre inachevée d’humanisation, le Bandung du Nord annonce l’aube d’un nouveau soleil. Qu’il calcine le monde ancien et nous voie reparaître, intouchés, au milieu des empires en ruine. » (Discours de clôture du Bandung du Nord, le 7 mai 2018).


Louisa Yousfi

PREMIER ÉPISODE : interventions de Nacira Guénif, Houria Bouteldja, Angela Davis. 

Nacira Guénif est sociologue et anthropologue, professeure à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint­ Oenis. Elle est également active au sein des luttes décoloniales, antiracistes et auprès des féministes non-blanches. Elle a notamment co­ écrit, avec Eric Macé, Les féministes et le garçon arabe (L'Aube, 2006) et a dirigé La république mise à nu par son immigration (La Fabrique, 2006).

Houria Bouteldja est membre fondatrice du Parti des Indigènes de la République (PIR). Elle est l'auteure, avec Sadri Khiari, de Nous sommes les Indigènes de la République (éditions Amsterdam, 2012) et de Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l'amour révolutionnaire (éditions La Fabrique, 2016).

Angela Davis est militante antiraciste, féministe et Professeure de philosophie. Brièvement membre des Blacks Panthers, elle a également été membre du Parti Communiste des Etats-Unis,elle est notamment l'auteure de Femmes, race et classe (éditions des femmes, 2013) et de Une lutte sans trêve (éditions La Fabrique, 2016).

 

 

En accès libre , émission publiée le 04/08/2018
Durée de l'émission : 59 minutes

Commentaires

2 commentaires postés

Comment est-il possible d'encore inviter, dans une émission dite intellectuelle, Houria Bouteldja, cette raciste paranoïaque, homophobe, apologiste de Merah etc. ? Son livre "Les blancs, les juifs et nous" défie l'entendement. Par exemple : "« Il n’y a pas d’homosexuels en Iran ». C’est Ahmadinejad qui parle. Cette réplique m’a percé le cerveau. Je l’encadre et je l’admire. […] Ahmadinejad, mon héros. […] La Civilisation est indignée. […] Et moi j’exulte. » (note : l'Etat iranien exécute les gens reconnus comme homosexuels...) Elle n'a absolument rien à dire : hurlements, décharges émotionnelles, poses, aucune consistance (sinon celle de la haine), aucune pensée.
L'équipe de Hors-série compte-t-elle également bientôt inviter Soral, Maréchal-Le Pen, Zemmour ?
Je suis tellement stupéfait que j'hésite à me réabonner cette année (même si je trouvais passionnant votre site).

PS : Houria B. a écrit qu'adolescente, à l'aéroport avant de partir avec ses camarades de classe aux USA, elle a exigé de ses parents qu'ils se cachent pour ne pas être vus des autres parents (français). On comprend que maintenant, elle a inversé sa position idéologique. Mais c'est toujours la même incapacité à reconnaître comme sienne la honte, afin de la transformer, toujours la même solution paranoïaque qui consiste à projeter la faute et la haine sur l'autre (auparavant les parents, maintenant les "blancs). C'est pathétique.

Par Eric Fraiture, le 11/09/2021 à 14h20 ( modifié le 11/09/2021 à 16h27 )

m barghouthi pourrait représenter la palestine, dans des négociations de paix avec israel, il a le charisme et la légitimité. c'est pour ça qu'il a pris perpet,et qu'il va croupir en prison aussi longtemps qu'il représentera un espoir...
quelques beaux passages dans le discours d'a davis en particulier sur la dépassement des nations et la construction d'un internationalisme humaniste. mais comme prévu devant ce genre de public "décolonial", pas un mot sur la grandeur de l'athéisme, ou la flatulence dogmatique des religions, concepts qui font logiquement partie... des bases théoriques du communisme.
au contraire, on pointe "le racisme d'état" islamophobe et la laicité républicaine oppressive...
"le bandung des croyants" sponsorisé par le vatican, la mecque, et consorts n'est pas loin!!

Par luc lefort, le 07/08/2018 à 10h13