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Karl Marx, penseur de l'écologie

Aux Sources

Henri Pena-Ruiz

Karl Marx était-il insensible à la question écologiste ? Le mot n’existait pas à son époque, mais la déforestation et l’agriculture intensive causaient déjà des dégâts. Dans certains textes méconnus – que mon invité du jour, le philosophe Henri Pena-Ruiz, exhume dans son dernier ouvrage (Marx, penseur de l’écologie, Seuil, 2018) – l’auteur du Capital prend en charge ces problèmes. Il dresse même un parallèle entre l’épuisement des travailleurs et l’épuisement de la terre, tous deux générés par l’exploitation capitaliste. Il convient d’y opposer un « humanisme », mais également un « naturalisme », l’un et l’autre étant indissociables. En creux, Marx esquisse une perspective écosocialiste.

L’occultation de la dimension écologique de son œuvre a eu deux conséquences importantes. D’abord, le stalinisme s’est autorisé de Marx pour se livrer à une exploitation de la nature (plans quinquennaux, asséchement de la mer d’Aral, catastrophe de Tchernobyl, culte stakhanoviste de la productivité). Or, en confrontant la réalité du régime soviétique aux textes de Marx, Henri Pena-Ruiz montre combien le stalinisme fut une « trahison totale » des idéaux communistes – rappel utile à ceux qui voient dans toute alternative les germes du totalitarisme. Par ailleurs, se priver de Marx conduit, bien souvent, à l’impasse d’un capitalisme vert, qui croit pouvoir endiguer la pollution en délivrant… des droits à polluer ! Or Marx exhibe la contradiction totale, irrémédiable, entre la quête de profit et le respect des équilibres naturels, entre l’obsession du court terme et le souci du long terme. L’écologie n’est pas soluble dans le système actuel.

C’est pourquoi, telle que conçue par Marx, l’écologie oblige à rouvrir des dossiers fondamentaux, dont nous discutons au cours de l’émission, tels que les rapports entre villes et campagnes, l’aliénation des travailleurs par les machines et l’invention d’une démocratie authentique.

Bon visionnage !

Manuel Cervera-Marzal

 

Aux Sources , émission publiée le 26/05/2018
Durée de l'émission : 76 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

10 commentaires postés

incroyable comme média

Par Elouan Keryell-even, le 13/04/2024 à 23h33

Très clair et instructif. Merci.

Par Martine Doyen_1, le 22/06/2019 à 22h22

grand merci pour cette rencontre exponentielle .La pensée ici libérée est si claire qu'elle a fait avancer la mienne sur bien des points .une grande qualité dans les questions qui évidemment font la différence. Bref une raison de plus de persister à vous suivre dans les choix de vos invités

Par bernejo, le 30/05/2018 à 14h03

Simple et claire, comme tout bon debat vulgarisateur devrait toutjour etre. Merci.
Pour moi je retiens la petite pépite sur le fait que c'est le capitalisme qui est soumis à l'assistanat... Utile lors du prochain repas de famille contre le grand oncle qui n'écoute "C dans l'air."

Par Andredge, le 29/05/2018 à 16h59

pas un mot sur le problème central:la pression démographique. à l'époque de marx c'était moins évident, mais certains de ses contemporains en n'ont parlé.
pour la mer d'aral, asséchée à cause du goss plan stalinien, production de coton oblige, c'est dérisoire comme désastre, au vu de la pollution que vont générer les milliards de téléphones portables, d'ordinateurs remplis de métaux lourds pas recyclables... sans parler des avions et des bagnoles qui font partie des gros bissness de notre beau pays...
la russie vient d'ouvrir une centrale nucléaire flottante en mer, les vieux stals ne seront pas tenus pour responsables des dégats à venir!
quant aux nouveaux stakanovistes, c'est plus les muscles qui travaillent, les nouveaux esclaves travaillent sur écran, connectés en permanence à leurs supérieurs híérarchiques, au service de la marge brute, pour nourrir la petite famille...

Par luc lefort, le 29/05/2018 à 11h33

On pourrait donc se demander pourquoi Marx conscient du problème écologique et des écosystèmes ou du moins de l'absurdité du fantasme de supériorité de l'homme envers la nature, ou de se penser son détenteur, n'en ait pas fait le centre de son analyse- dénonciation ? Pourquoi son observation de la lutte des classes ne l'a pas mené au rapport de force premier l'Homme envers sa "condition" dans la nature et la question de son adaptabilité ? Je precise que je n'ai pas lu Marx, que je connais ce qu'il a dit que par des secondes sources mais a ce jour je ne comprends toujours pas comment la pensée intellectuelle occidentale dominante et dite pragmatique et rationnelle a t-elle réussi a évincer cette question fondamentale après la "chute" du dogme religieux?

Par delphine b, le 27/05/2018 à 20h39

Très belle émission, simple, posée,réflexive, solide, éclairante et d'une grande épaisseur. Elle remet au centre des débats l'urgence de replacer l'être humain social universelle dans son environnement. Merci à Henri et Manuel qui sont portés par cette grande valeur;la fraternité.

Par Maunoir Charbonnel, le 27/05/2018 à 15h38

Maja Neskovic continue de travailler au côté de Frédéric Taddei et est très accaparée. Son éventuel retour à nos côtés dépend de ce qu'elle fera à la rentrée prochaine.

Par Raphaël, le 26/05/2018 à 18h41

un livre à lire, parmi d'autres : celui de Kohei Saito, professeur d’économie politique à l’université de la ville d’Osaka...https://www.humanite.fr/marx-et-lecologie-au-xxie-siecle-650644
je m'associe au commentaire demandant des nouvelles de Maja Neskovic.

Par morvandiaux, le 26/05/2018 à 17h38

Au démarrage en tout cas, un peu mou dans sa critique du capitalisme à l'ère impérialiste, ce philosophe!

Je profite de ce message pour poser une question qui me taraude depuis plusieurs mois: est-ce que nous reverrons Maja Neskovic?

Par Diane Gilliard, le 26/05/2018 à 15h57