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Un salaire étudiant

Dans le Texte

Aurélien Casta

Blocages, manifestations, occupations, annulation des examens... Les étudiants luttent sur tous les fronts à la fois : insurgés contre la loi ORE (Orientation et Réussite des Etudiants), et notamment contre le principe de la sélection à l'entrée de l'université, légitimement révoltés par la répression policière et la criminalisation de leur mouvement, solidaires des autres luttes sociales auxquelles ils prêtent leurs forces, et devant encore, jour après jour, justifier leurs méthodes auprès de ceux de leurs camarades qui se plaignent de ces fâcheux contretemps à leurs études...

Sans doute un tel engagement dans l'action ne donne-t-il pas tout le loisir de se poser pour réfléchir aux perspectives politiques de long terme s'agissant de la condition étudiante. Peut-être est-ce pourtant plus nécessaire que jamais, pour sortir des positions défensives, et déployer enfin une stratégie offensive ; dans Un salaire étudiant, paru aux éditions de La Dispute il y a quelques mois, Aurélien Casta rappelle l'immense lutte qui oppose depuis plus d'un siècle deux conceptions des études supérieures, de leur valeur et de leur sens ; d'un côté la conception libérale, qui y voit l'occasion de former les cadres et les puissants qui serviront l'économie capitaliste. Nul besoin d'y élever des cohortes entières, ni d'ailleurs d'édifier un robuste service public : le privé peut très bien pourvoir à ces besoins, moyennant de copieux frais d'inscription, et s'il faut pour cela que les étudiants recourent à des emprunts, au fond, tant mieux. L'endetté est une juteuse affaire pouar le capital, qui peut titriser sa dette et la revendre à bon prix sur les marchés de la finance spéculative, en attendant que son employabilité le rende solvable voire prospère...

Face à cette représentation de l'étudiant en futur employé qui ne vaut qu'en tant qu'il vaudra, plus tard, une fois inséré dans le marché de l'emploi, se dresse la conception progressiste de la valeur de la formation, qui entend la démocratiser le plus largement possible et reconnaît sa valeur économique présente. Celle-ci considère l'étudiant comme un jeune travailleur intellectuel : en tant que jeune, il a droit à toutes les protections sociales. En tant qu'intellectuel, il a le devoir de contribuer à la formation et à la diffusion des connaissances. Et tant que travailleur, il devrait pouvoir bénéficier d'une rémunération. Oui : un salaire étudiant ! L'idée semble incongrue aujourd'hui, dans nos imaginaires atrophiés par les impératifs capitalistes. Elle a pourtant été vigoureusement revendiquée par les défenseurs du programme des Jours Heureux, issu du Conseil National de la Résistance. Au sortir de la guerre, le principe de financer collectivement une rémunération pour les étudiants par l'outil d'une cotisation spécifique a été soutenu par l'Unef, repris par des rapports et des commissions parlementaires, le projet de loi a été débattu à l'Assemblée Nationale, et en 1948, il a bien failli être adopté...

C'est à nous rendre cette belle mémoire que travaille Aurélien Casta : dans la lignée des travaux de Bernard Friot, il nous restitue une part de notre histoire, nous réconcilie avec le principe de luttes ambitieuses, affirmatives, offensives : oui, on peut vouloir un salaire étudiant, on peut même le financer (via une nouvelle branche alimentée par la cotisation). Il faut donc le revendiquer, et prévoir d'allonger un peu la taille de nos banderoles, pour pouvoir y écrire des slogans augmentés comme le seront désormais nos combats : Non à la sélection, Oui au salaire étudiant !

Judith BERNARD

 

Dans le Texte , émission publiée le 19/05/2018
Durée de l'émission : 66 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

10 commentaires postés

Très instructif ! Mais les questions sont parfois un peu longues...
(je précise que j'ai le même défaut !)

Par Pierre Colette, le 23/07/2018 à 13h18

réponse libertaire pertinente d'a casta, à propos du "controle" pour éviter que des petits malins ne profite du salaire étudiant, sans faire leurs devoirs scolaires...l'école ne doit pas ètre "la société de controle" et un "lieu d'enfermement".
ce sociologue, comme b friot, s'appuie sur les lois initiées par des ministres communistes juste après la guerre(1947-1948), avec le modèle de la sécurité sociale comme symbole bienfaisant. ils ont raison, et d'ailleurs, la présence de ministres communistes dans les gouvernements de gauche, fut toujours bénéfique au peuple, j ralite, mg buuffet, jc gayssot, étaient intègres, humanistes. le coté vieux stals ne restant que pour la forme.


Par luc lefort, le 23/05/2018 à 10h49

Merci pour cette émission, avec une Judith toujours au top !

Je regrette que notre invité ait été assez peu bavard et, par ricochet peu convaincant, malgré la foultitude de questions encourageantes. Je regrette aussi qu'il n'ait pas daigné s'écarter aussi peu que ce soit du contenu du livre, notamment sur les luttes actuelles. En y réfléchissant, je me suis même dit que sa réflexion "ce n'est pas à moi de dire aux étudiants ce qu'ils doivent faire", peut apparaître tout à fait modeste, mais aussi très condescendante. C'est-à-dire, moi je suis universitaire, alors j'écris des bouquins, et débrouillez-vous avec. Ça m'a laissé un sentiment d'insuffisance que je n'ai évidemment pas eu avec un Friot par exemple.
Comme l'a dit Judith, réfléchir à la concrétisation de nos idées (exemple avec le contrôle des étudiants salariés), même si on est ultra minoritaire à porter la revendication d'un salaire étudiant ou d'un salaire à vie, cela permet précisément leur diffusion puisque cela aide à se représenter comment l'avenir pourrait être.

Par Tim-X, le 20/05/2018 à 17h16

Bonjour,
Nous ne pouvons pas mettre en accès libre les émissions dont la lutte a besoin (il faudrait que tout le site soit gratuit ! L'accès libre au nom de l'utilité publique est demandé pour chacun de mes entretiens !) ; en revanche, il vous est toujours possible, et nous vous y encourageons, d'extraire des morceaux d'émission à partir du fichier téléchargé sur votre ordinateur pour les diffuser dans les espaces militants où ces extraits sont susceptibles d'être utiles. Du moment qu'Hors-Série est cité, que le principe du site (indépendance financée par les abonnements) est rappelé, ça nous va !

Par Judith, le 20/05/2018 à 15h21

Bonjour,
Merci mille fois encore pour cette émission! Que diriez vous de la laisser en accès libre d'ici à la fin du bac mettons pour que nous autres, mouvements étudiants (ici de Nice, le collectif s'apl Sauve Ta Fac), puissions l'utiliser à des fins de projection à l'issue de réunions d'information par exemple? ou après un rassemblement sur un lieu public, un peu comme a été utilisé "merci patron" il y a deux ans finalement. Nous envisageons à Nice d'aller vers les lycéens et d'occuper davantage les lieux de passage en ville plutôt que les campus universitaires qui commencent à se déserter ainsi que le net bien entendu; un aussi bon support vidéo serait fort utile pour s'adresser aux élèves et à leurs parents, en plus du contenu de nos tracts, réunions etc... Notamment un extrait des premières minutes qui revient sur la loi LRU et ses conséquences, la loi ORE et même les DE (qui nous préoccupent tout particulièrement à Nice), tout ca en l'espace de 5minutes avec une clarté de propos, de son et d'image comme la vôtre, c'est excellent et ca se partage sans faim (et sans fin). De plus cela fera un peu de publicité à votre site puisque ce sont vos images avec logo et adresse web et on vous citera proprement à chaque fois.
Pour me répondre: par mail tazio.firelli@gmail.com

Par Tazio Firelli, le 20/05/2018 à 14h29

Entretien très riche et intéressant : merci à Hors-Série d'avoir invité Aurélien Casta !

Par astrochemia LPL, le 19/05/2018 à 17h35

@Jeremie Chayet : ah oui, Didry, Bernard Friot ne cesse d'en faire la réclame :-) ! Il va falloir que je me penche là dessus.

Par Judith, le 19/05/2018 à 17h26

Bonjour Janos Dodet, Nous avons fait plusieurs tests de notre côté et tout est ok. Et nous n'avons rien changé par rapport à d'habitude.

Par Raphaël, le 19/05/2018 à 17h24 ( modifié le 19/05/2018 à 17h25 )

Lorsque je télécharge la version audio sur mon téléphone, le message suivant apparaît, this type of audio file is not supported, alors que cela ne s'est jamais produit auparavant.

Par jonas dodet, le 19/05/2018 à 17h07

Salut judith !
Juste une petite proposition pour la bataille culturelle: Claude Didry - L’Institution du travail, Droit et salariat dans l’histoire
Toujours chez la Dispute, oeuf corse !
Amitiés cotisantes et constituantes.

Par jeremie chayet, le 19/05/2018 à 16h44