L'anarchiste
Diagonale Sonore
Jean Rochard
Raphaëlle Tchamitchian
"Créer, c'est résister. Résister, c'est créer.", écrivait Stéphane Hessel. Ces mots pourraient s'appliquer à la lettre à Jean Rochard, tant ses activités musicales sont pour lui indissociables de son engagement politique et social. Fondateur de la maison de disques nato en 1980, il a produit des dizaines et des dizaines de disques, avec boîtiers et pochettes richement illustrés, pour défendre une musique d'ouverture et de partage. Même s'il est associé à la famille du jazz, il le trouve bien souvent fermé et replié sur lui-même, et refuse d'en adopter une définition étroite. Le jazz, il le perçoit avant tout comme un espace de rencontres et un état d'esprit. Aussi, son catalogue comprend pas mal de rap (notamment d'artistes de Minneapolis, une ville qu'il connait bien), de la chanson, de la musique classique, de la poésie... On y retrouve, dans plusieurs types de musiques différents, les musicien-ne-s Tony Hymas, Jacques Thollot, Violeta Ferrer, François Corneloup, ou encore Desdamona — qui forment à eux tous les membres de la famille nato.
Pourquoi faire encore des disques en 2018 ? C'est bien à cette question que l'entretien tâche de répondre. Jean Rochard défend une posture d'artisan, par opposition au producteur capitaliste. Avec le franc-parler qui le caractérise, il dresse un portrait très noir de l'industrie musicale. Mais derrière son air de libertaire désenchanté vibre un amour intact des sons, des gens, et de la résistance vivante. De Tony Hymas joue Léo Ferré aux Chroniques de résistance en passant par Buenaventura Durruti, les objets nato rendent fréquemment hommage aux révoltés d'hier et d'aujourd'hui, connus et inconnus. Car Jean Rochard est lui-même un indocile, en musique comme en politique — mais pour lui, c'est la même chose. Quand il ne conçoit pas des disques, il lui arrive de participer à l'organisation de manifestations, comme les récentes journées de réflexion baptisées "Tout le monde déteste le travail" ou "Farce doit rester à la justice", menée dimanche dernier (le 25 mars) à la Bourse du travail de Saint-Denis. Et, après la fin de l'émission, il a filé au procès de Tarnac.
En ligne : http://www.natomusic.fr/
Commentaires
3 commentaires postés
Ecoute tardive par rapport à la date de diffusion...
Cela donne encore plus de valeur à la découverte, pour moi, de cet homme vrai, qui trace son sillon comme un paysan au sens noble/vrai du terme (même s'il se sent plutôt du côté artisan)... et merci à Raphaëlle pour ces/ses émissions, les choix opérés, les questions posées, l'écoute attentive et les rires de ponctuation.
Et,au final, pour la note musicale qui surgit de cette heure d'écoute au cours de laquelle l' intérêt/plaisir de la découverte fait que je ne m'endors jamais !!
Par Georgina Méliot_1, le 19/05/2018 à 14h06
quelle merveilleuse rencontre ; Un compagnonnage entre le jazz et les hommes . Voilà tout est dit . Cet homme est la résistance comme je l'aime . mais voir de son vivant se défaire le monde qu'on portait en soi et se trouver empêcher d'en faire le récit sont les meurtres les plus violents .
Pourquoi Nato ne devient pas une société d'actionnaires au bon sens du terme un peu comme mediapart .
J'ignorai avant de l'entendre ce dont j'avais le plus besoin c'est incroyable de vivre en ayant aussi oublié l'essentiel à notre vie . merci
Par bernejo, le 03/04/2018 à 22h20
bel échange, sur fond de nostalgie. et si c'est "très important de savoir s'ennuyer" cet anarchiste "amateur" de musique, symbolise "la vie d'artiste" improvisée et jubilatoire, comme le rire cristallin de r tchamitchian.
Par luc lefort, le 02/04/2018 à 10h10