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Daech et le cinéma

Dans Le Film

Jean-Louis Comolli

Dans son essai "Daech, le cinéma et la mort" (éd. Verdier) qui vient tout juste de paraître, le réalisateur, théoricien critique et ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma Jean-Louis Comolli défend des thèses très fortes : les vidéos de Daech feraient partie intégrante de ce qu'on appelle le cinéma, nous avons pour quasi-devoir d'y jeter un oeil, ses vidéos défont le lien originel que le cinéma a toujours entretenu avec la vie, les blockbusters hollywoodiens assignent le spectateur à la même place que les vidéos de Daech. Thèses avec lesquelles je ne suis pas d'accord et que nous discutons ensemble pendant cet entretien qui dessine en creux la pensée du cinéma de ce membre éminent de la cinéphilie Cahiers.

Ce qui m'a le plus saisie et touchée, c'est de voir le militantisme cinéphilique muter au fil des années : Comolli, dont la bonhomie  laisse toute la place à un débat joyeux et animé, semble avoir pris un virage étonnant et que j'ai cru pessimiste dans sa façon de tourner le dos à ce qu'il défendait jadis. Celui qui défendait le cinéma contre les situationnistes, qui n'y voyaient qu'un spectacle aliénant, semble aujourd'hui rejoindre Debord. Le théoricien s'est ainsi tourné vers des formes de cinéma dites minoritaires, et notamment le cinéma documentaire où se trouverait désormais une conception du cinéma non suspectée de jouer le jeu du spectacle. Il prend ainsi pour exemple et nous fait découvrir Abou Naddara, collectif de cinéastes syriens qui publient sur internet leurs home videos d'une Syrie à la fois intime et tragique, d'une Syrie non plus enregistrée par l'oeil aveugle des caméras des journaux télévisés mais bel et bien regardée.


Le collectif Abou Naddara : https://vimeo.com/user6924378https://vimeo.com/user6924378

Dans Le Film , émission publiée le 27/08/2016
Durée de l'émission : 80 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

13 commentaires postés

merci pour vos contributions dans les commentaires

Par gomine, le 07/09/2016 à 12h23

PS: Cher Papriko , clin d’œil du destin , au même endroit Hitchock dit son "dégoût" des montages trop rapides, des stock shot et des film "rattrapés" au montage ;)

Rien de vaut les clins d’œil du hasard

Par Gauthier R, le 06/09/2016 à 12h40 ( modifié le 06/09/2016 à 12h46 )

Cher Papriko,

Gratuit ne veux pas dire non prévu et non storyboarder. Vous m'avez fait sortir mon Hitchcock/Truffaut , et justement sur North by northwest, il parle de son gout pour le gratuit , et la limite du gratuit . Il dit aussi que son contrat etait une complete director's cut , et qu'il s'en est donné à coeur joie. Tout le film est exactement ce qu'il voulait .

A propos de chicken , on pourrait y voire un autre clin d'oei: Cary Grant etait gay, et chicken veut dire en argot nana, gonzesse, donc en gros il dit je prefere les filles (ce qui est un mensonge ;) )

Quant à ce que dit Commoli, il ne parle clairement pas du baiser, mais De bai.... , acte sexuel

Par Gauthier R, le 04/09/2016 à 18h19 ( modifié le 04/09/2016 à 18h54 )

Cher Gauthier R,
Hitchcock story-boardait effectivement tous ses films. Mais je suppose que si une bonne idée lui venait en cours de tournage, il ne se privait pas de bafouer le story-board. Si la production du film "North by Northwest" a gardé le story-board du film, il serait d'ailleurs intéressant de le comparer au film fini. En ce qui concerne le plan du tunnel, il n'est pas interdit de penser qu' Hitchcock en a eu l'idée au montage en visionnant les plans tournés pour la première scène de train (celle où Tornhill fait la connaissance de la belle espionne) ou qu'il a puisé dans les stock-shots du studio.

Cher Hubert_Non_Uber,
Vous avez sans doute raison. Mea culpa, donc. Mon interprétation, due à mon esprit pervers et à ma mauvaise connaissance de l'anglais autant qu'à l'accent suédois d'Ingrid, était un peu hasardeuse. Peut-être ai-je également été (obsédé sexuel, vous dis-je) inconsciemment influencé (puisque dans le dialogue Grant-Bergman il est question de bouffe) par une réplique de Laurent Baffie dans "Tout le monde en parle" : à Ovidie, actrice de films X, qui vient de déclarer qu'elle est végétarienne, il fait remarquer que dans plus d'un film, il l'a vue manger de la viande.
Je reconnais que je suis tatillon. Je suis surtout paresseux et, plutôt que d'utiliser des arguments complexes pour mettre en évidence le flou des propos de Comolli, je préfère l'illstrer par une erreur en béton, erreur d'autant plus indiscutable - même si elle n'est en fait qu'un lapsus - que sa phrase "on ne peut pas montrer les baisers à l'écran" est immédiatement suivie par un extrait du film montrant une scène de baiser. Murielle et Raphaël, vous êtes cruels avec les invités! :o).
Les scène de baisers d'Hitchcock sont tellement "cultes" que beaucoup d'internautes cinéphiles en ont fait des compilations. Je vous laisse les retrouver sur YouTube.

Par Papriko, le 04/09/2016 à 15h21 ( modifié le 04/09/2016 à 15h25 )

Le code hays est par definition de l'autocensure et non une loi. Il influence tout le découpage des la conception du film (des le scénario) .
Quand on sait que hitchock story-boardait tout ses films precisement, et disait qu' une fois le découpage fini, la tournage etait une formalité ennuyeuse,on comprend que tout est prémédité, tout est pesé , et que le codes hays influence le decoupage .

Personnellement, je préfère les films qui suivait le code, que les films actuels. Le hors champ et l'implicite etaient de mise et rendait l’écriture cinematographique plus fine, même si comme le dit Commoli, l'usage des élipses etait plus difficile, surtout au debut du cinéma .

En tout cas oui , tatillon je trouve ... émission très interessante

Par Gauthier R, le 03/09/2016 à 18h36

Cher Papriko,
Ingrid ne dit pas "I don't like the cock" mais "I don't like to cook" répondant à la réplique de Cary : "I thought you didn't like to cook" puisqu'elle vient de lui proposer de cuisiner.
La réplique suivante d'Ingrid est: "But I have a chicken in the ice-box" et non "I prefer chicken" ou "I'd rather have chicken".
Tout ceci est très univoque il me semble et nullement sexué.
Vous êtes tout excusé vu l'accent légèrement suédois de mon amour cinématographique d'adolescence.
En ce qui concerne le code Hays, le baiser faisait partie des "Be Carefuls" (sujets à traiter avec attention) et non des "don'ts" (interdictions) quand il était lascif ou persistant particulièrement si un des protagonistes représentait un méchant (Excessive or lustful kissing, particularly when one character or the other is a "heavy" ). Hitchcock joue ici avec la limite de cette règle en y intégrant un dialogue qui subdivise un des plus longs baisers du cinéma en une multitude de baisers brefs.
Jean-Louis Comolli s'est juste trompé de règle et avait oublié que le baiser de "North by Nortwest" était présent mais l'esprit de la ruse d'Htchock, passant au plan du tunnel, est bien là dans une scène tout à fait gratuite, ce en quoi vous avez raison.
Je vous trouve un peu tatillon. Le code inclus bien évidemment dans ses "be carefuls" le traitement du couple au lit.
Je vous invite à relire le passage sur le besoin de scènes gratuites qu'Hitchcock livre à Truffaut à propos du même film. Il avait prévu une scène où Thornhill ( thorn anagramme de north) parlerait avec un contremaître le temps de la fabrication d'un voiture à Détroit et à la fin un cadavre apparaîtrait. Ce qui est quasiment la première scène de "Christine" de John Carpenter.
La gratuité n'est pas si gratuite parfois. Hitchcock voyait souvent ses scènes avant le scénario et savait ce qu'il voulait imprimer.

Par Hubert_Non_Uber, le 03/09/2016 à 18h11 ( modifié le 03/09/2016 à 19h15 )

Beaucoup de propos discutables et d'approximations dans le discours de Jean-Louis Comolli, souvent très agaçant dans ses démonstrations et ses certitudes.
Illustration : il cite le plan du "train qui entre dans le tunnel" du film "La mort aux trousses" comme exemple de la façon dont Hitchcock contournait du Code Hays et il précise "on ne pouvait pas montrer les baisers au cinéma", ce qui est évidemment faux. Le plan du "train qui entre dans le tunnel" est une blague de potache, un plan coquin tous à fait gratuit qui n'apporte rien au film.
En la circonstance, Jean-louis Comolli semble avoir oublié ses classiques et s'emmêle une fois de plus les pinceaux. Le bon exemple qu'on cite généralement est celui de "la scène du baiser" de "Notorious" dans laquelle Hitckcock contourne la règle de la limitation de la durée du baiser, en découpant l'étreinte à l'aide de dialogues :
https://www.youtube.com/watch?v=Zu8JASfWb6A
Notons que ces dialogues sont à double sens, puisque Ingrid Bergman évoque "the cock" (en affirmant qu'elle n'aime pas "the cock" et qu'elle préfère "the chicken", ce dont on peu douter...)

Par Papriko, le 03/09/2016 à 11h59 ( modifié le 03/09/2016 à 12h14 )

Jean-Louis Comolli et Murielle Joudet donnent au mot "blockbuster" un sens très limité, à avoir un film d'action plein d'effet spéciaux. Or, ce n'est pas le sens qu'on lui donne généralement. Un blockbuster est, plus simplement, un film à gros budget conçu pour attirer un maximum de spectateurs, le "gros budget" étant parfois consommé en grande partie - outre la promo et le cachet des acteurs stars - à la réalisation des décors, notamment lorsqu'il s'agit d'un film "d'époque". L'un des premiers blockbusters est sans doute "Autant en emporte le vent", qui ne contient pratiquement aucune scène d'action.

Par Papriko, le 03/09/2016 à 11h04

Quiconque a eu le privilège de réaliser un film est conscient que c’est comme vouloir écrire Guerre et Paix à bord d’une autotamponneuse dans un parc d’attraction. Mais lorsqu’enfin la tâche est bien accomplie, peu de choses dans la vie peuvent se comparer à ce que l’on ressent alors.
Citation de Stanley Kubrick
En savoir plus sur http://devenir-realisateur.com/paroles-de-cineastes/citations-de-realisateurs/#YD1aPw51uxRPMG8y.99


A lire absolument cet article du Guardian de 2011 :

"Ciudad Juarez is all our futures. This is the inevitable war of capitalism gone mad"

https://www.theguardian.com/commentisfree/2011/jun/20/war-capitalism-mexico-drug-cartels


ce qui mene directement à cette conference brilliante de Zyzek: on Ritual Violence, Fundamentalism, Ideology, Political Correctness, True Freedom

https://www.youtube.com/watch?v=ZjmytdDcbA4&feature=share

Par Gauthier R, le 03/09/2016 à 10h11 ( modifié le 03/09/2016 à 10h40 )

E.A. Poe:

"Et alors apparut, comme pour ma chute finale et irrévocable, l’esprit de PERVERSITE. De cet esprit, la philosophie ne tient aucun compte. Cependant, aussi sûr que mon âme existe, je crois que la perversité est une des primitives impulsions du coeur humain, - une des indivisibles premières facultés ou sentiments qui donnent la direction au caractère de l’homme. Qui ne s’est surpris commettant une action sotte ou vile, par la seule raison qu’il savait devoir ne pas la commettre ? N’avons-nous pas une perpétuelle inclinaison, malgré l’excellence de notre jugement, à violer ce qui est la Loi, simplement parce que nous comprenons que c’est la Loi ?" p.37-38, Extrait du Chat Noir.


"Le Démon de la Perversité (Extrait)
Edgar Poe (Traduction de Charles Baudelaire)
Nous avons devant nous une tâche qu’il nous faut accomplir rapidement. Nous savons que tarder, c’est notre ruine. La plus importante crise de notre vie réclame avec la voix impérative d’une trompette l’action et l’énergie immédiates. Nous brûlons, nous sommes consumés de l’impatience de nous mettre à l’ouvrage ; l’avant-goût d’un glorieux résultat met toute nôtre âme en feu. Il faut, il faut que cette besogne soit attaquée aujourd’hui, - et cependant nous la renvoyons à demain, - et pourquoi ? Il n’y a pas d’explication, si ce n’est que nous sentons que cela est pervers ; - servons-nous du mot sans comprendre le principe. Demain arrive, et en même temps une plus impatiente anxiété de faire notre devoir ; mais avec ce surcroît d’anxiété arrive aussi un désir ardent, anonyme de différer encore, - désir positivement terrible, parce que sa nature est impénétrable. Plus le temps fuit, plus ce désir gagne de force. Il n’y a plus qu’une heure pour l’action, cette heure est à nous. Nous tremblons par la violence du conflit qui s’agite en nous, - de la bataille entre le positif et l’indéfini, entre la substance et l’ombre. Mais si la lutte est venue à ce point, c’est l’ombre qui l’emporte, nous nous débattons en vain. L’horloge sonne, et c’est le glas de notre bonheur. C’est en même temps pour l’ombre qui nous a si longtemps terrorisés le chant réveille-matin, la diane du coq victorieuse des fantômes. Elle s’envole, - elle disparaît, nous sommes libres. La vieille énergie revient. Nous travaillerons maintenant. Hélas ! il est trop tard.



https://books.google.be/books?id=B4ATAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=edgar+poe+%2B+nouvelle+histoire+extraordinaire+%2B+pdf&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjQ-tDMuu7OAhUMCsAKHTabDukQ6AEILjAD#v=onepage&q&f=false

Par Gauthier R, le 01/09/2016 à 17h20 ( modifié le 01/09/2016 à 20h01 )

@Alain Pinol. Merci à vous.

Par Raphaël, le 28/08/2016 à 16h28

Bonjour !
Quelques éléments de réponse à votre interrogation sur le sens de l'appellation "abou naddara" : c'est un sobriquet qui signifie"l'homme aux lunettes"(http://www.abounaddara.com/index.html). En 2012, dans Télérama :"Leurs références ? Le réalisateur soviétique avant-gardiste Dziga Vertov (en arabe, abou naddara signifie « homme à la lunette », clin d'oeil à L'Homme à la caméra, de Vertov), mais aussi l'expérience subversive menée en 1972 par leur compatriote Omar Amiralay, « prince du documentaire », mort juste avant le début des troubles. Pour Vie quotidienne dans un village syrien, une commande du régime, il avait discrédité le discours officiel en filmant une paysannerie dévastée par la réforme agraire du parti Baas."Les ciné-tracts du collectif syrien Abou naddara - Mathilde Blottière Publié le 22/02/2012- Télérama.fr (http://www.telerama.fr/monde/les-cine-tracts-du-collectif-syrien-abou-naddara,78026.php).
Bravo pour la pertinence de cette émission !
Alain Pinol

Par Alain PINOL, le 28/08/2016 à 16h03

Merci M. Comolli pour votre dernière note d'espoir et d'optimisme. Car hélas votre analyse et votre diagnostic sont très justes et terrifiants à la fois. Il faut lire l'excellente analyse de Richard Rechtman, psychiatre et anthropologue, dans Télérama, qui fustige l'attitude des politiques et des médias qui "nourrissent" la stratégie de Daech en nous montrant toutes les horreurs des attentats dans presque tous les détails et donne ainsi à ces monstres l'amplitude qu'ils recherchent. On ferait mieux de se taire et de réfléchir.

Par Annie HUET, le 27/08/2016 à 17h53