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La Règle du jeu, une enquête

Dans Le Film

Jean-François Rauger

Vertigo, La prisonnière du désert, La Règle du jeu... Une cohérence commence à se dessiner lorsqu'on examine de plus près les films que Dans le film choisit pour sa série d'émissions avec notre coéquipier Jean-François Rauger. On pourrait dire qu'il s'agit de trois films "déments", de trois films monstrueux, infréquentables, d'une lucidité qui brûle les doigts.

Ce qu'il y a de monstrueux dans La Règle du jeu, c'est que ses "leçons" n'ont jamais véritablement été tirées, comme si elles étaient bien trop élevées pour être atteignables, comme si un tel geste laissait les cinéastes stupéfaits, incapables non pas de recopier littéralement le geste, mais disons d'en saisir l'esprit, l'idée, qui pourrait peut-être donner meilleure mine à notre cinéma national (précisons qu'il existe des films qui ont cherché et réussi à capter cet esprit, à être échevelés, mais c'est une minorité).

Quel est cet esprit, cette idée ? Selon moi, il s'agit d'une sorte de chaos organisé qui consiste à proscrire toute idée de centre : intrigue centrale, personnage principal, scène-clé, de sorte que la matière du film reste toujours vivace, toujours en mouvement, comme une pâte qu'on ne cesserait de remuer pour la faire respirer. La Règle du jeu (et la filmographie de Renoir en général) est peut-être le film qui nous apprend le mieux à ne jamais faire prévaloir un élément sur un autre, que ce soit le "sujet du film" ou le scénario, mais que tout doit être placé à égalité, que tout doit tourbillonner à l'unisson, comme nous l'indiquent si bien les vertigineux mouvements de caméra renoiriens.

Cette égalité, vous le verrez dans l'émission, ne concerne pas seulement l'aspect formel du film puisqu'elle vaut aussi chez Renoir comme morale amoureuse et antiromantique. C'est ce que nous démontre de façon très belle Jean-François Rauger, pour qui cet antiromantisme est certainement la chose qui reste encore la moins acceptée, car la plus lucide.

Dans Le Film , émission publiée le 23/07/2016
Durée de l'émission : 82 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

10 commentaires postés

Merci pour cet entretien. Vivant en Australie depuis une dizaine d'années, j'ai récemment regardé Wake in Fright (Réveil dans la terreur, en français). Ce film contient aussi une scène de chasse, et c'est vraiment intéressant de la comparer avec celle de La règle du jeu.

Par Alban Grastien_1, le 01/09/2016 à 02h06

ces entretiens avec Jean-François Rauger, toujours aussi excellents !
(il y a une erreur d'illustration à 1h03 : "Le déjeuner sur l'herbe" (1959) est illustré par une image d"Une partie de campagne" (1936 - autre chef-d'oeuvre),
bonnes vacances à vous et vivement la suite !

Par gomine, le 02/08/2016 à 13h30

Une brillante émission qui donne envie de voir ce film en entier !

Par erdealmeria, le 28/07/2016 à 22h30

Les Dans le film se sont vraiment améliorés, les débuts étaient plus difficiles à saisir. Jean-François Rauger est un très bon orateur, il donne envie de voir le film et c'est l'essentiel !

Par Paul Balmet, le 28/07/2016 à 16h38

Mediocritas, mediocritas...

Par sleepless, le 26/07/2016 à 19h44

https://www.youtube.com/watch?v=NgwcuYZKiiQ


Yoga de l'amour (L'union des opposées dans la fin de la dualité) :

Legende :

"-Ce qui est composé est-il issu de l’énergie immanente et transcendante ou ne ressort-il que de l’énergie immanente? Si ce qui est composé ne ressort que de l’énergie transcendante, la transcendance même n’aurait alors plus d’objet. La transcendance ne peut être différenciée en sons et en particules car sa nature indivise ne lui permet pas de se trouver dans le multiple.

Ô Seigneur, que ta grâce abolisse mes doutes!



-Parfait! Parfait! Tes questions, Ô Bien-aimée, forment la quintessence des Tantra. Je vais t’exposer un savoir secret. Tout ce qui est perçu comme une forme composée de la sphère de Bhaïrava doit être considéré comme une fantasmagorie, une illusion magique, une cité fantôme suspendue dans le ciel. Une telle description n’a comme objet que de pousser ceux qui sont en proie à l’illusion et aux activités mondaines à se tourner vers la contemplation.

[...]
L’extase mystique n’est pas soumise à la pensée dualisante, elle est totalement libérée des notions de lieu, d’espace et de temps. Cette vérité ne peut être touchée que par l’expérience. On ne peut l’atteindre que lorsqu’on se libère totalement de la dualité, de l’ego, et qu’on s’établit fermement dans la plénitude de la conscience du Soi."

Histoire :

“Le Fou divin” Kunga Legpa'i Zangpo
« Tu ne portes pas les vêtements d'un Lama, ni d'un moine, ni d'un sage, lui dit un vieil érudit, tu fais ce qui te convient et tu offres un mauvais exemple aux gens du commun. Tu devrais trouver une maison et t'y installer de manière durable au lieu de vagabonder sans but et sans utilité comme un chien. Tu critiques tous les religieux. Pourquoi fais-tu cela ?
— Si je devenais Lama, je serais l'esclave de mes disciples et je perdrais ma liberté d'agir. Si je me faisais ordonner moine, je devrais observer la discipline, mais qui peut ne jamais rompre ses vœux ? Si je devenais un sage, je devrais m'attacher à découvrir la nature de l'Esprit, comme si ce n'était pas l'évidence même ! Que je sois ou non un mauvais exemple ne dépend que de l'intelligence de celui que cet exemple inspire. En outre, si un homme est destiné à passer son temps en enfer, ce n'est pas d'imiter le Bouddha qui le sauvera. Et s'il est destiné à devenir Bouddha, les vêtements qu'il porte importent peu, car son action, quoi qu'il fasse, est naturellement et spontanément pure. Espérer un foyer, ou se concentrer sur un but purement matériel détourne de la Voie car cela renforce l'idée du moi et du mien. Aussi loin de vénérer les moines je vois que leur capacité d'attachement émotionnel est, dans cette mesure, supérieure à celle des laïcs. Quoique d'ordinaire, les raisons premières pour lesquelles on fonde un monastère, un lieu où les disciples pourront méditer, soient louables, dès qu'apparaît le besoin de protection commune qui crée la contestation au-dedans et la discorde au-dehors, ce qui était au début une communauté sainte, devient un repaire de brigands, car chacun y est rattrapé par ses motivations égoïstes. »

Par Gauthier R, le 26/07/2016 à 13h03 ( modifié le 26/07/2016 à 14h54 )

@Gynko. Merci et bonnes vacances à vous aussi. Vos perspectives pour 2017 sont très exaltantes !

Par Raphaël, le 25/07/2016 à 14h57

Merci JF Rauger et M Joudet pour cette passionnante conversation sans jargon ni pédanterie. Vite revoir la Règle du Jeu. La version DVD disponible est-elle la "bonne"?

Par felix d, le 25/07/2016 à 10h27

Excellent. Merci.

Par siska, le 24/07/2016 à 16h17

je trouve que le passage du collectif à l'individuel est magnifiquement mis en images lorsque l'action explose en cavalcades de multiples personnages, voire en personnages et courses tellement démultipliés que l'oeil peut à peine les suivre. magnifique utilisation de la caméra et de la mise en scène.

Par siska, le 24/07/2016 à 16h09