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Vers l'amour révolutionnaire

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Houria Bouteldja

Les races, on le sait, n’existent pas ; le racisme pourtant existe, mais cela on ne le sait que variablement, selon qu’on en fait soi-même l’expérience, ou pas. Peut-être est-ce d’avoir enseigné dans les lycées du « 9-3 » depuis quinze ans ? D’avoir côtoyé des ados « non-blancs » gorgés d’offense, infiniment blessés et bouleversants ? La révolte des racisés me prend à la gorge : elle m’interpelle, elle me convoque, elle réclame justice et je veux lui faire droit.

Le livre d’Houria Bouteldja vient donner une forme à cette révolte, et je veux les accueillir (le livre, son auteure), quitte à me les prendre en pleine face. Dès le titre, ça claque : Les Blancs, les Juifs et nous – ces catégories suspectes, trop séparées, froidement mises à distance – et la gifle aussitôt change de courbe, le geste se métamorphose en sous-titre : Vers une politique de l’amour révolutionnaire. Tout le livre tient dans l’ambivalence de ce geste qui tout ensemble accuse et appelle, geste qu’il faut attentivement regarder et, me semble-t-il, accepter de recevoir.

C’est un exercice difficile. Houria Bouteldja appartient au Parti des Indigènes de la République, que sa réputation sulfureuse a rendu « infréquentable » aux yeux d’une large frange de la gauche pourtant officiellement soucieuse d’antiracisme. Les autoproclamés Indigènes seraient « racistes » (anti-blancs) et même « antisémites » (puisqu’il sont antisionistes). Regrettables contresens qui confondent la violence avec la haine ; qui oublient qu’on ne s’émancipe jamais d’une domination sans une lutte révolutionnaire, laquelle n’est pas un pique-nique. Mais un combat, si vigoureux soit-il, exige aussi beaucoup d’exactitude pour ne pas virer au massacre : si la lutte est justifiée, elle ne paraît pas toujours juste et l’on voudrait souvent l’ajuster pour pouvoir la rejoindre tout à fait. C’est décidément un exercice difficile, car Houria Bouteldja ouvre le dialogue comme on ouvre le feu.

Sa rhétorique est celle des offensés qui ne consentent plus à l’offense : elle puise dans la provocation, cherche l’affrontement, veut inspirer la crainte – qui permet d’être enfin respecté, quand les autres voies ont invariablement échoué. Le PIR fait peur, et ça lui convient : c’est une dimension de sa tactique, qui passe par des transgressions faussement désinvoltes parmi les totems et les tabous de notre époque. Nulle inconséquence dans cette audace blasphématoire ; il s’agit de « leur faire peur ». A qui ? Aux Blancs. Oui, les Blancs, ça existe, quoi qu’il nous en coûte de l’admettre. Non comme essence, mais comme condition sociale. Une condition de dominants historiques  qui a constitué, dès la découverte du "Nouveau Monde" en 1492, les non-Blancs en dominés, selon une hiérarchie raciale que le droit prétend interdire, mais que les faits, têtus comme on sait, persistent à prouver.

Il importe d’en finir avec cette hiérarchie raciale, ce qui suppose d'en reconnaître d’abord les effets, bien réels, et d’entendre ce que les racisés ont à en dire, fût-ce dans une langue trempée à la colère. Il faut les entendre, car ils ont beaucoup à nous dire, et à offrir aussi : des alliances, un combat à mener de front, et même : « l’amour révolutionnaire ». Révolutionnaire, parce que c'est le capitalisme qu'il s'agit de renverser ; comme il a bati son empire sur la colonisation, il n'est pas absurde de mettre la cause décoloniale au coeur de la lutte. Quant à l'amour, c’est moins suave que ça n’en a l’air : ça suppose à la fois de se prendre la main et de se prendre des baffes. Mais le jeu en vaut la chandelle : selon Houria Bouteldja c’est la dernière option, juste avant la fin du monde, pour en changer in extremis, et l’arracher à la barbarie. A moins qu'il ne soit, déjà, trop tard ?

 

 

En accès libre , émission publiée le 09/04/2016
Durée de l'émission : 91 minutes

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Commentaires

54 commentaires postés

Elle fait tout de même tâche cette crevure homophobe et antisémite dans vos listes non ? Ou alors vous faites semblant de pas comprendre … Un peu comme ces députés LFI qui ont des rèfs antisémites et pétainistes mais qui se couvrent entre eux car c’est la "ligne populiste".

Par lets-get-schwifty, le 08/01/2024 à 19h19

Super interview! J'aime beaucoup le style d'Houria, je ne sais pas si c'est dû aux thèmes avant-gardistes dans le champ politique français ou à se plume même, mais il y a un vrai impact (Je dois avouer m'être abonné pour le décolonialisme). Par contre, je trouve que sa filiation politique est plus proche du marxisme-léninisme appliquée à la question raciale que des théories décoloniales d'Amérique du Sud.

Par Marc-Oliver POKAM, le 10/11/2022 à 23h02

comment faire bien de la "littérature potiron" ? vous dites bien, la censure consiste à transposer sur l'internationalisme un universalisme de "soupe" Vieille France et même une écrivaine "métèque" comme Kristeva a bien été mise au profit dans ce sens dans sa période tardive (nota bene, mon commentaire apparait sur l'incontournable Houria Bouteldja quand j'étais déjà passé au suivant entretien avec Louisa You et Kaoutar Harchi... mes excuses mais je trouve pas l'endroit et en même temps, comme ça ça fait de l'air

Par Manuel Montero, le 17/02/2020 à 09h55 ( modifié le 17/02/2020 à 10h03 )

je ne lirai pas le livre d'h boutelgja, mais cette entretien m'a fait comprendre assez clairement sa position politique. une position cohérente, offensive...et victimaire. l'athéisme reste au programme avant de faire la révolution avec les ''perdants'' économiques.

Par luc lefort, le 18/01/2018 à 20h49

Bonjour à toute l'équipe et merci à Judith Bernard pour cet entretien très intéressant. Ca m'a donné envie de lire le livre de Houria Bouteldja. Néanmoins, je ne suis pas sûr de pouvoir comprendre, même après lecture, comment faire tenir ensemble le discours qu'a Mme Bouteldja ici avec la désormais célèbre photo où on la voit poser fièrement devant l'écrit appelant à envoyer les sionistes au goulag. Au mieux, c'est une très mauvaise blague, de très mauvais goût, et contre-productive car finissant de la rendre inaudible à gauche. Aucune tentative d'explication dans cet entretien, dommage.

Par Julien Alleon, le 07/11/2017 à 02h05

Merci à Judith et Houria pour cet entretien absolument passionnant, admirablement préparé (comme d'habitude!). Bravo à toutes les deux pour l'engagement, la conviction, le sens du dialogue et le respect.

Par fralain, le 29/01/2017 à 12h32

Pardon faute de frappe, je ne pense pas que les frères Kouachi soient des terroristes, c'est beaucoup plus compliqué. Les terroristes, ce sont qui ont armé leurs bras et leurs esprits!

Par olivia jerkovic, le 21/05/2016 à 10h49


https://www.youtube.com/watch?v=YL3jDSP9-Kw

Par Gauthier R, le 20/05/2016 à 21h03

http://oumma.com/219681/charlie-hebdo-sacre-damnes-de-terre-de-profanation
A lire cet article, on pourrait penser que Charlie Hebdo était tiré à 1 millions d'exemplaires avant les attentats. L'hebdo est devenu célèbre lorsqu'il y a eu le procès des caricatures. C'est ce procès qu'il leur a donné une grande couverture médiatique. A lire les propos de la représentente du PIR, On pourrait penser qu'il ne blessait que les Musulmans alors que les catholiques depuis bien longtemps étaient eux aussi ridiculisés par la satire, qui est je le rappelle avant tout un genre esthétique. Quelle mauvaise foi! Aucun musulman ne bafoue le prophète!!!Elle soulève elle-même le problème: est-ce qu 'être musulman" implique être parfait????? N'y-a-t-il pas des caricaturistes dans le monde arabe? N'ont-ils pas été soutenus par Charlie Hebdo?
L'interview de Judith Bernard m'a bousculée car j'ai entendu, en tant que fille d'immigré, la grande fêlure d'H.B. Mais on ne peut pas la laisser dire que ceux qui ne croyaient pas au sacré ont finalement eu ce qu'il méritait. Je pense que les frères Kouachi ont connu avant tout le destin tragique de certains enfants de la DDASS , où était la communauté musulmane si parfaite et solidaire? Elle défendait son prophète au procès de Charlie. Le suicide de leur mère est certainement ce qui a orienté leur vie. C'est pour cela que je pense pas que ce ne sont pas des terroristes, en tuant l'équipe Charlie, ils ont en quelque sorte vengé leur mère, qui elle était très croyante. Cela relève de la psychanalyse. Oui, ce sont des damnés de la terre. Mais ils se sont trompés de cible par inculture et manque de foi malheureusement. Le sacré les a tués alors qu'un vrai chemin spirituel (comme en vivent des millions de musulmans) les auraient sauvés. Non, les Musulmans n'ont pas à se justifier des attentats mais pour cela encore faut-il être clair? Depuis les procès des caricatures, il y a eu une "fatwa" anti-charli? Qui l'a déclarée? Je ne sais pas. En tout cas, cela a légitimé ceux qui les ont tués. J'ai la foi, mais mon Dieu a de l'humour. En ce moment, on a sérieusement besoin de se détendre sur tous ces sujets.

Par olivia jerkovic, le 20/05/2016 à 10h18

Passionnant, merci !

Par sleepless, le 14/05/2016 à 14h22

Rendons à César...
"Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière" est une citation de Michel Audiard.

Par sleepless, le 14/05/2016 à 12h28

Houria Bouteldja entendue ce jour sur "Oumma tv"...curieux, ça ne rend pas le même son...c'est même franchement dissonnant par rapport à H.S.
Au passage elle est d'accord avec JC Milner pour fustiger "l'universalisme" qu'elle qualifie de "mortifère".
On n'en a pas fini.
L'identitarisme exacerbé commence à faire un bruit d'évier. Je trouve.

Par felix d, le 05/05/2016 à 16h53

Deux grandes intelligences, deux femmes cultivées, convaincues, magnifiques, un entretien structuré et passionnant : MERCI!

Par siska, le 29/04/2016 à 13h32

les berbères seraient-ils d'accord avec la très dialectique opposition extension/colonisation?

Par siska, le 29/04/2016 à 12h46

la menace et la contrainte : je suis complètement d'accord avec Houria Bouteldja. nous ne sommes pas des bisounours, la révolution n'est pas tout miel, cette cause est première et traverse toute la cause sociale. Pour avoir été témoin des innombrables affronts au quotidien que subissent les jeunes sur leur seule apparence physique je m'étonne même de leur résignation. Nous avons créé le problème. Ceci dit je refuse toutes les religions et c'est d'autant moins antinomique que j'en privilégie l'humain. Ras le bol d'être soupçonnée d'islamophobie.

Par siska, le 29/04/2016 à 12h33

Tous les marqueurs de rejets et de discrimination n'ont pas la même valeur social et politique.
Le racisme, le sexisme et l'homophobie font aujourd'hui consensus. Pour arriver à ces consensus, il a fallut se battre...Sur le marqueur religieux il n'y a pas encore de consensus. Sauf l'antisémitisme pour des raisons historiques. Au nom de quel régime de justification l'islamophobie ne fait pas consensus? Apparemment: la crainte (fantasmée) qu'on ne puisse plus critiquer les religions (position Fourest). Mais il ne s'agit pas du tout de ça. La majorité des actes islamophobes sont dirigés contre les femmes voilées. Beaucoup voit le voile comme le signe d'une menace pour la (sacro-sainte) république (?) donc il leur est difficile de le voir dans le même temps comme une marque de rejet. Pourtant si on sait écouter, ces discriminations sont très réelles et très concrètes. C'est à mon sens ça la question... Après ce que chacun pense du voile d'un point de vue vaguement féministe... c'est une autre histoire...
Un coup dans l'eau mais j'écris ces quelques lignes juste pour me soulager; certaines lectures sont douloureuses

Par Ali Naldy, le 27/04/2016 à 02h52 ( modifié le 27/04/2016 à 02h53 )

Oui, Judith, il est évident que cette question du voile vous agace désormais.
Je le déplore, comme hier, j’ai déploré votre peu d’entrain à défendre le mariage pour tous.

Outre que vous reprenez à votre compte l’argument que je trouve systématiquement spécieux « de la diversion par rapport aux débats majeurs du moment » (puisqu’un peu près tout peut être ainsi minoré par rapport à de grandes causes...) marquant ainsi qu’il s’agit d’un débat mineur à vos yeux (c’est, hélas, ainsi que la question du féminisme et du sexisme ont d’ailleurs toujours été raillé par leurs adversaires), vous vous arrêtez ici à un argument classique dans le discours médiatique et pourtant absolument irrecevable, à savoir, celui du témoignage de femmes portants le voile et invoquant différentes raisons pour le faire.

Cette approche idiosyncrasique régulièrement défendue par certains sociologues adeptes du micro-trottoir est pourtant totalement hors-sujet.

Aussi contre intuitif cela puisse paraître, il importe peu de connaître les raisons que celles qui le portent peuvent invoquer pour le faire, et par conséquent, qu’il y ait mille raisons et plus. Car, ce n’est absolument pas au niveau du discours, de la justification, de l’intentionnalité, du libre choix que se pose le problème dans ce type de port du voile.
C’est bêtement au niveau de la pratique.
Or, celle-ci est explicitement et incontestablement sexiste.

Que celles qui l’arborent en aient conscience ou pas n’a strictement aucune importance en la matière. Pas plus que n’ont d’importance les justifications, les motivations ou les ressentis des traders pour que nous puissions condamner (ou à l’inverse défendre) leur pratique et leur participation à un certain système économique. Pas plus également que n’ont d’importance les raisons invoquées par les racistes et/ou les homophobes pour se livrer aux discriminations qu’ils opèrent. J’en passe et des meilleurs. Toutes ces réponses sont juste bonnes pour les archivistes.

Il ne s’agit pas tant, pour ne pas dire aucunement, de libérer ces personnes, malgré elles, d’une oppression qu’elles ne percevraient pas, ça, c’est du paternalisme, que de ne pas les laisser au nom des libertés individuelles exprimer par leur pratique des valeurs qui n’ont pas à être tolérée dans l’espace public.

Dès lors que nous sommes sur le terrain symbolique, ce n’est pas la liberté ou la conscience de la personne qui est à prendre en compte, c’est ce que sa pratique atteste, manifeste, révèle publiquement. Or, le sexisme n’a pas à être admis. Que cela soit sous couvert de religiosité ou autre.

Qu’il y ait mille autres manifestations de sexisme dans la société ne change rien à l’affaire, car, rien n’empêche de s’en occuper, non pas séquentiellement, mais parallèlement. Les manquements des uns ne permettent pas d’excuser ceux des autres.

Je ferai d’ailleurs remarquer à cette occasion qu’il existe des musulmanes non voilées (pour ne pas dire une majorité) et par conséquent qu’associer critique du voile et critique de l’islam est un amalgame que rien ne permet de cautionner. De la même manière, il existe des femmes "blanches" portant le voile sexiste, c’est pourquoi faire l’amalgame entre critique du voile et racisme n’est qu’un moyen grossier de condamner toute critique de cette pratique.

Certes, concernant l’islamophobie, vous avez bien essayé, Judith, de défendre face à Houria Bouteldja qui déclare à la 32ième minute : «Lorsque nous, on parle d’islamophobie, on parle bien de racisme » que certains défendent le droit à une critique idéologique de l’islam, mais sans vous appesantir et souligner qu’une religion n’est jamais qu’une idéologie parmi d’autres, ni plus ou moins respectable ou critiquable qu’une autre (et pas seulement par ses adeptes) et qu’elle n’est jamais une affaire personnelle, contrairement à ce qu’en disent certains croyants, mais toujours politique et donc collective.

Vouloir faire du port du voile une question de liberté, de choix individuel, c’est vouloir nier la dimension politique/idéologique inhérente à cette pratique. Ne tombons pas dans ce piège.

C’est pourquoi, à mon sens, il est plus que dangereux que certain(e)s féministes déclament avec emphase : « Foutez-nous donc la paix avec nos vêtements, nous sommes libre de nous habiller comme nous le souhaitons », en prostituée ou en sainte, ramenant des questions sociétales à un bête choix personnel, pour ne pas dire de consommation.* Ici aussi, nier la dimension politique, c’est avant tout le signe d’une idéologie politique qui ne veut pas dire son nom et que nous ne connaissons que trop bien.

Maintenant, que la lutte médiatique contre le voile soit mal menée, qu’elle soit récupérée par des mouvements eux clairement racistes, je le déplore et le condamne vertement, mais cela n’implique aucunement qu’elle doive l’être. Il ne tient qu’à nous de développer et de faire entendre des arguments qui eux ne le sont pas.

Enfin, vous terminez par cet appel « qu'on foute la paix aux musulmans. », je vous demanderai de quel droit ? Pas plus à eux qu’à quiconque. D’une manière générale, être victime peut vous accorder éventuellement des droits, mais cela n’en octroie aucun à vos valeurs.

yG

* On peut défendre la prostitution sans faire appel le moins du monde à la notion de choix, tout aussi inopérante dans ce domaine qu'à propos du voile. Tout simplement en soulignant qu’il n’y a aucune bonne raison de stigmatiser ceux qui opèrent une relation entre sexe et argent. Sauf à avoir une approche moralisatrice… que rien ne nous oblige à endosser.

Par yG, le 26/04/2016 à 20h48 ( modifié le 26/04/2016 à 20h52 )

J'ai écouté attentivement et avec beaucoup d'intérêt, retrouvant chez Houria Bouteldja des arguments que peuvent avoir mes élèves de collège qui, peut-être, ne la connaissent pas. Les idées qu'elles développent sont en effet représentatives. Je conçois parfaitement le sentiment de relégation, d'injustice sociale, et le sentiment qu'il y a du racisme. Mais j'invite aussi mes élèves à être dans la nuance, à argumenter. Houria Bouteldja a l'art de l'argumentation, elle a travaillé à répondre à tous les reproches qui lui sont faits. Elle a sa vision des choses, relativement cohérente et que l'on peut ensuite critiquer, à laquelle on peut apposer d'autres arguments. Evidemment, Judith Bernard mène comme à son habitude l'entretien avec brio et cela donne quelque chose de très riche. J'ai eu beaucoup trop l'impression d'une vision très manichéenne des choses : "nous" et "eux" dont certains pourraient être "nos alliés", "nos amis", mais sans être vraiment "nous". C'est cela qui me dérange. Mais peut-être ai-je mal compris !
J'ai tout de même bondi de ma chaise à quelques reprises :
- Lorsqu'Houria dit en substance que le fait que l'islam soit instrumentalisé par le capitalisme est aussi dangereux que son instrumentalisation par Daesh. Je veux bien une explication. Je suis favorable à un autre monde que le monde libéral et capitaliste mais le mettre sur le même plan que Daesh me dérange franchement!
- Est-ce qu'on peut arrêter un peu avec la création d'Israël comme conséquence de la Shoah ? L'histoire du sionisme ne commence pas en 1945. Et quand Houria Bouteldja affirme qu'en 1945 ou 1948, il y avait bien peu de sionistes en Europe, là je me suis dit "Mais comment affirmer des choses pareilles !". L'histoire du sionisme est aussi une histoire longue à étudier, qui remonte au moins au 19ème siècle.
- De quels génocides parle-t-elle ? Quelle définition donne-t-elle au terme "génocide" ? J'ai cru que j'allais hurler lorsqu'elle a parlé du "génocide des homosexuels". Des homosexuels ont été déportés et sont morts en déportation, surtout les Allemands car ils étaient au yeux des nazis "inutiles" à la reproduction de la race. Mais pas de mise à mort programmée.

Merci en tout cas pour cet entretien.

Par CHATAIGNIER Marianne, le 26/04/2016 à 00h00

Petit apport aux questions éludées: extrait "Histoire des Balkans", Georges Castellan, Paris, Fayard, 1991, Avant-propos, p. "Pour comprendre cette spécificité balkanique, il faut se tourner vers l'Histoire. Ce livre en parcourt six siècles. Le point de départ est largement symbolique: le Croissant remplaçant la Croix sur Sainte-Sophie, la basilique de Constantinople, après le siège d'avril-mai 1453 par le sultan Mehmed II. (...)déjà maîtres de l'ensemble de la péninsule, il supprimèrent les dernières enclaves chrétiennes, dont la capitale de Constantinople(...) Ainsi avaient disparu les royaumes ou empires des Bulgares (1393) et des Serbes (1389 et 1459), les principautés des Grecs (1456 et 1460) et des Albanais (1506). Pour quatres siècles, ces peuples furent absorbés dans un Empire qui s'étendait du Caucase au Soudan, du Danube au golfe Arabo-Persique. Le chef en était le sultan, commandeur des croyants, la loi en était la charîa de l'islam et les mosquées devaient partout être plus hautes que les églises. Mais celles-ci demeuraient.
Depuis longtemps la politique du djihâd avait fait long feu. Sauf exceptions locales, les sultans n'avaient pas pu ni voulu convertir les peuples chrétiens des pays grecs, serbes, bulgares et albanais. Mais le Coran était formel: les incroyants n'avaient le droit ni de porter les armes, ni de participer à l'administration d'un Etat fondé sur l'enseignement du Prophète. D'où le système du "millet", cette communauté religieuse autogérée par le chef de l'Eglise- tel le patriarche grec de Constantinople-qui laissait aux non-musulmans leur foi, leur culte, leur langue et leurs traditions." La partie occidentale de la Croatie actuelle fut sous domination vénitienne puis austro-hongroise. Je suis blanche d'origine bosniaque, européenne désormais, qui suis-je pour les membres du PIR, car je ne compte pas afficher ma longue histoire sur mon front? Pour lutter contre le racisme, il ne faut peut-être pas se désigner les uns les autres en terme de couleurs. Si on convoque l'histoire, il faut la convoquer dans son entier. Pour ma part, j'estime que les empires ottomans, vénitiens et austro-hongrois ont fait perdre 400 années d'autonomie politique aux peuples des Balkans.
Voilà, mon petit garçon, un des rares blancs de son école maternelle avait du haut de ses trois ans trancher la question de sa couleur: JE SUIS BEIGE! Moi, ça me va, mais je ne parviendrai jamais à dire qui je suis dans mon transilien de banlieue vers Argenteuil, si d'emblée, on me catégorise blanche, ou si d'emblée je catégorise mon voisin ou ma voisine de noir, moi, je veux faire confiance aux autres, c'est tout. Quant au NOUS politique, il est temps de le construire en se faisant confiance les uns les autres!!!!!!
Je précise que le Massacre de Srebrenica a été pour moi une horreur à ajouter à la longue liste des massacres en Europe qui a suscité TRO PEU d'indignation. Donc, CATEGORISER l'autre conduit toujours à une impasse.

Par olivia jerkovic, le 24/04/2016 à 15h56 ( modifié le 24/04/2016 à 15h58 )

@Manuel Meyer : Frédéric Lordon a en effet plusieurs fois appelé à la convergence des luttes avec les quartiers populaires, avec les "jeunesses ségréguées" comme il disait jusqu'à présent. Mais il a parlé pour la première fois explicitement et publiquement (à ma connaissance) du "racisme" comme problème majeur mercredi dernier (le 20 avril 2016), lors de la réunion à la Bourse du travail intitulée "L'étape d'après". Il y a dénoncé, je cite de mémoire, les "deux grandes violences de l'époque : la violence du capital, et la violence du racisme identitaire".
Vous voici éclairé :-) !

Par Judith, le 23/04/2016 à 19h02

Un débat passionnant, un grand grand bravo à toutes les deux. Judith vous avez posé les questions qui potentiellement peuvent fâcher sans tomber dans le jugement ou l'à priori et les réponses engageaient le type de réflexion pour lequel je suis attaché à ce genre de débat : un sentiment de vacillement de mes profondes convictions et la nécessité impérieuse d'aller plus loin dans la compréhension d'un autre regard.

Seul bémol à l'intervention de Madame Houria Bouteldja : il me semble que Frederic Lordon a insisté plusieurs fois sur le fait que la convergence des luttes ne se fera pas sans les banlieues populaires, sans effectivement donner - je n'ai pas suivi non plus l'intégrale des interventions - de pistes précises; de même il me semble que 'nuits debout' essaye d'essaimer vers les banlieues (debout) de façon intelligente, c'est à dire plus en appui qu'en leader. A ce moment précis j'ai eu le sentiment qu'effectivement le mouvement PIR qu'elle représente - ou tout simplement elle même - n'échappait peut-être pas à un réflexe de condamnation en amont des luttes qui ne sourdent pas de leur mouvement.
Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?

Ceci dit, encore merci pour ce passionnant hors-serie - un de plus !
Manuel.

Par Abe Road, le 23/04/2016 à 12h51

@Damien : Non, je ne réécrirai pas ce texte tel quel aujourd'hui. Ma position a évolué. D'abord au contact de femmes articulant discours féministe et port du voile (lequel prenait des significations diverses pour les unes et les autres), ensuite au contact de discours anti-voile qui m'ont semblé relever de plus en plus d'une injonction agressivement intégrationniste, et au fond, raciste. Je ne pouvais plus me reconnaître dans le camp des "critiques" du voile s'il prenait cette tournure purement islamophobe, même si mon propre logiciel féministe me mettait dans une relation difficile avec le voile. J'en suis là aujourd'hui, à mi-chemin (je ne suis pas fan du port du voile, mais je ne militerai pas à l'heure actuelle - et vu le contexte - pour une extension de son interdiction au delà des collèges et des lycées). J'aimerais plus généralement qu'on évite de s'étriper sur ce symbole bien commode (en termes de diversion par rapport aux débats majeurs du moment) et qu'on foute la paix aux musulmans.

Par Judith, le 23/04/2016 à 11h57

Bonjour Judith, et merci pour... tout, pour le théâtre, pour Nuit Debout, pour ce que vous faites ici, ce que vous avez fait ailleurs. Et ailleurs justement, sur la question du voile, je me souviens de ceci de vous :http://www.arretsurimages.net/chroniques/2010-02-11/Comment-peut-on-etre-feministe-Et-voilee-id2743. Ré-écriveriez-vous la même chose aujourd'hui ?

Par Damien, le 20/04/2016 à 19h58

Je passe par ici pour mettre en lien cet entretien avec le travail essentiel de la sociologue Nacira Guénif Souilamas:
https://www.youtube.com/watch?v=R_ZeqBLnLX8
Et pour dire à ceux à qui le PIR fait PEUR qu'il existe bien d'autres écrits et études à explorer pour faire un pas de côté... (certains commentaires ici et sur @si (suite au passage de Judith) sont hallucinants et si suffisants...)
A lire: son dernier billet de blog sur le vocable "loi El Khomry" https://blogs.mediapart.fr/nacira-guenif/blog/210316/vous-avez-dit-loi-el-khomry

Par Ali Naldy, le 16/04/2016 à 08h52

D'abord merci pour cet enrichissant entretien, et allons-y pour un long commentaire sur le rapport entre les historiques de conquête “arabo-musulmans” (guillemets importants) et européens, puis les questions d'aujourd'hui :

SUR L'HISTOIRE

Si Judith fait spontanément le parallèle, entre colonialisme européen et conquêtes "arabo-musulmanes", c'est peut-être parce qu'il y a aujourd'hui des rhétoriques sur l'invasion "arabe" et des processus divers d'entrée de l'Islam en occident (du Qatar au PSG, fantasmes de califat mondial, Houellebecq imaginant la France islamisé etc. mais aussi Nation of Islam aux USA, l'Islam comme rapport polémique à l'occident), un parallèle issue du mode de pensée de type "clash des civilisations".

Houria fait remarquer à juste titre que les dynamiques d'une période et d'un lieu sont d'une part spécifiques, et que d’autre part la critique de l'une n'implique pas qu'on ne veuille pas critiquer l'autre mais qu'on est d'abord concerné par les rapports de domination établis par la conquête européenne du monde.

Pour être à peu près précis historiquement sur la sphère "arabo-musulmane" (arabe, berbère, perse, turque etc.), il faut notamment distinguer entre la phase initiale d'expansion arabe qui est assez proche des "invasions barbares" en Europe, c'est-à-dire des populations avançant sur des empires en déliquescence, le genre de processus ayant donné la France (les barbares Francs...) après l'Empire Romain puis des relations inter-étatiques classiques (donc avec guerres) dans un cadre culturel s'homogénéisant, comme dans l'Europe se christianisant : la langue arabe a joué de l'Espagne à l'Afghanistan le même type de rôle que le latin/grec de l'Irlande à la Russie.

Il faut aussi différencier les intervenants notamment les turco-mongoles qui commencent par détruire la domination arabe jusqu'au point où ce sont les Ottomans qui reprennent le flambeau "islamique" (califat).
Et puis, il y a aussi toute la partie asiatique où l'Islam n'a pas avancé par les armes (Indonésie etc.) ou bien dans un mouvement mixte, guerrier/"évangélique", notamment la zone indo-pakistanaise où l'abolition des castes dans l'Islam avait de quoi séduire.

Quant aux relations entre zone greco-latine christianisée et zone arabophone islamisée, elles ont été de la politique "normale" avec des conflits et des échanges dans un état d'esprit assez partagé : au IXe siècle (de mémoire), il y avait à Verdun un centre de castration qui fournissait des eunuques à des marchands d'esclaves de Méditerranée, l'esprit chevaleresque en Europe doit des choses à la cohabitation en Palestine avec des combattants ayant une sorte de "code de la guerre" venu notamment de l'Islam, en Espagne les alliances chrétiens-musulmans étaient mouvantes jusqu'à la Reconquista, au XVIe siècle, François 1er s'allie avec les Ottomans contre les Habsbourg etc.

Pour ce qui est de la traite esclavagiste, la mentalité me semble plus proche de l'esclavage antique (greco-romain) que du moderne, totalement marchandisé, capitaliste : on voit encore en Mauritanie par exemple (https://fr.wikipedia.org/wiki/Esclavage_en_Mauritanie) cet espèce de système de caste où une partie de la population est esclave, par statut personnel, un esclavage de voisinage et de domesticité qu'on retrouve dans pas mal de cultures aristocratico-guerrières (servage etc.), les rapports de force devenant trafic dans les zones d'interface comme au Sahel : le nomade adepte du complément alimentaire par razzia prend des esclaves au passage, et les revend à l'occasion dans le cadre monétaire des Etats.

Tout ça a son fonctionnement spécifique et au niveau "idéologique", il y a une différence entre, par exemple :
- le religieux (chrétien ou islamique) qui incite à l'égalité de droit, à la libération d'esclave, dans des cadres socio-économico-culturels où l'esclavage est de pratique courante,
- le mythologico-religieux utilisé pour justifier la permanence de la pratique : mythe généalogique, descendants de Cham soumis à Sem et Japhet pour la faute envers Noé qu'on retrouvait aussi bien dans la sphère arabo-musulmane (cf démontage du mythe par d'Ibn Khaldun) que dans l'européano-chrétienne (toujours actif au Ku Klux Klan...)),
- ce qui s'est construit dans l'esclavagisme/colonialisme européen avec les courants racistes trouvant des arguments "rationnels", "scientifiques" comme justification (au passage : vaste question que le rapport entre "rationalité" économique et l'humain comme capital, de l'esclave aux "ressources humaines").

POUR LE PRESENT

Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, je verrais d'une part les rapports de domination socio-économiques et politiques très terre-à-terre (contrôler le pétrole etc.) et d'autre part la confrontation de représentations dominant/dominé et d'imaginaires conflictuels : l'occidental est éduqué dans un récit historique où se déploie l'image de l'européen maître du monde (le "Nouveau monde" employé par Judith pour la découverte par les européens d'un continent qui n'avait rien de nouveau...), le "non-blanc" est celui qu'on va vaincre ou civiliser, on a en face des récits réactifs de l'époque glorieuse "arabo-musulmane" dans le même esprit de domination/conflit mais aussi, et ça c'est pour moi un vrai sujet sensible :

la représentation conflictuelle issue des guerres de décolonisation.

Sans même parler du conflit israélo-palestinien focalisant le ressentiment anti-colonial, on a par exemple l'hymne algérien ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Kassaman) disant : "Ô France ! le temps des palabres est révolu / Nous avons clos comme on ferme un livre / Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes / Prépare toi ! voici notre réponse".
Chant révolutionnaire comme notre Marseillaise, il cible nommément la France, et quand Houria dit que l'histoire enseignée en Algérie est celle de la guerre d'Algérie, ça pose le problème de savoir comment s'y construisent les esprits si on prend comme élément fondateur la guerre avec la France.

A mon sens, il y a là un sujet difficile pour l'"amour révolutionnaire" : savoir dans quelle mesure il est mécaniquement contré par la réminiscence de la guerre révolutionnaire, un imaginaire d'ailleurs plus ou moins instrumentalisé par les pouvoirs locaux qui tirent bénéfice à orienter le malaise vers l'ennemi extérieur plutôt que sur leur propre responsabilité (même dynamique pour moi que quand en France on se cherche des coupables ailleurs, toujours la faute de l'Autre).

A un moment, il va falloir penser à la réconciliation sur le mode franco-allemand, en finir avec les ennemis héréditaires.

Il y a là un rapport interne/externe qui conditionne la situation actuelle d'une manière qu'on ne retrouvera guère dans la pensée des luttes pour les droits civiques des noirs américains, ni vraiment dans l'Antillaise et de manière moins pressante dans celle de l'époque de la décolonisation (étatique) qui se faisait à l'intérieur d'un empire.

En France aujourd'hui, on doit faire avec
- le lien toujours vivant avec diverses régions du monde qui amènent une plus grande diversité culturelle/mémorielle : un tadjik d'Afghanistan fuyant les Talibans n'est pas un arabe d'Algérie ou un berbère du Maroc, un migrant Amhara (chrétiens) d'Ethiopie n'est pas un Wolof du Sénégal, on a vu avec Gbagbo en Côte d'Ivoire invoquant une "ivoirité" que ces questions d'appartenance agitent aussi les régions d'origine etc.
- un rapport plus crispé du "souchien" aux questions de l'Autre qui invoque à son tour une colonisation, une "invasion barbare", non seulement dans le cadre bien connu des nationalismes de (extrême)droite (cf De Gaulle et Colombey les deux mosquées) mais aussi avec nos "Républicains" de gauche défenseurs d'une laïcité allergique au hijab et autre, toutes ces marques d'une République où l'uniformité de droit, jacobine, celle du citoyen constitutionnel est confrontée aux diversités de fait, un peu dans la même difficulté qu'avec les affirmations régionalistes (cf Braudel, L'identité de la France, pour le processus parfois brutal d'homogénéisation au XIXe).

POUR L'AVENIR

Pour ma part, je suis assez en attente d'une pensée qui ré-actualise et re-localise les thématiques de décolonisation/lutte de droits civiques des années 60 sur la situation proprement européenne, en prenant en compte la permanence de liens à une extériorité ou plutôt une interconnexion réduisant l'effectivité des distinctions d'intérieur/extérieur : se retrouver en France ne signifie plus couper les ponts, on reste connecté à d'où on vient et donc impliqué dans des relations culturelles plurielles (combien de paraboles satellites en France ? qui écoute 50 Cent plutôt qu'il ne lit Malcom X ?) mais aussi politiques d'Etat à Etat (que pensera un franco-malien de l'intervention française selon qu'il soit de Bamako ou Touareg ?).
Par rapport aux USA, on serait plus proche de leur relation aux hispaniques : Trump voulant finir le mur avec le Mexique, est à peu près dans la même logique que l'Europe forteresse. Jeb Bush parlant en espagnol dans une pub du Parti Républicain, ce serait comme Vallaud-Belkacem parlant berbère ou Rachida Dati parlant arabe pour s'adresser à des concitoyens, ça ferait du sport dans les médias.

Par Faab, le 14/04/2016 à 23h39 ( modifié le 14/04/2016 à 23h40 )

Encore une fois MERCI pour cet entretien.
Je regrette, néanmoins, de ne pas avoir eu de réponse sur la prise en compte de l'auto-critique (même au niveau qui n'est pas suffisant, ne pas nier ni minimiser la lutte des dominés - j'adhère) de la colonisation suite à la citation de Cornelius Castoriadis. Oui sur la période historique - la modernité occidentale (réponse donnée avant la question si on veut ~40min), mais n'y avait-il rien à dire de plus pour justement éviter cette impression d'éviction du thème? Ou, après écoute à nouveau (~47min), ces barbaries n'ont pas donné lieu à des révoltes d'opprimés et donc pas entrainé l'obligation d'auto-critique réactionnelle... je ne veux y croire non plus.
J'attends depuis longtemps, et ce, en tant que blanche (conscience claire et très jeune du fait d'un remariage mixte et de frères métisses sur lesquels le regard et les attitudes - ressenti si injuste pour un enfant), une saisie de ce thème par la gauche de cette non reconnaissance d'égale dignité pour une trop grande partie des français.
Alors à nouveau MERCI, pour les luttes, et ces émissions (qui peuvent en être).

Par KleeMz, le 13/04/2016 à 16h26

Merci à Judith Bernard pour la qualité de cette interview qui m’a donné l’occasion de mieux saisir les idées de Houria Bouteldja et des membres du PIR. Est-il utile de dire que si je ne partage ni les postulats ni les développements d’un raisonnement dont les faiblesses et les incohérences apparaissent clairement ici, je me félicite de l’occasion que vous avez donnée à Houria Bouteldja de s’exprimer « tranquillement ».
De l’utilité de l’excellent travail de l’équipe de « Hors Série » loin des oukases et des condamnations de principe.

Par Dominique Terres, le 13/04/2016 à 09h26

Très intéressante émission. Une pénétration approfondie et intelligente dans le texte d' Houria Bouteldja que je ne connaissais que par quelques échos plutôt défavorables.
Par ses questions subtilement extérieurement référencées, Judith Bernard met en évidence des faiblesses dans une rhétorique à priori séduisante.
Elle nous laisse un peu sur notre faim en ne poussant pas son avantage comme dans le cas du colonialisme arabo-musulman. Cette émission m'a permis de réévaluer
mon opinion mal documentée sur Houria Bouteldja. Merci Hors-Série.

Par Robert., le 12/04/2016 à 21h52

Le souchien cela n'existe pas c'est une invention du front national et des maurrassiens anciens et new look. Tout les français ont des des origines émigrées, c'est pour cette raison qu'avec sagesse on a décrété le droit du sol "t'es né en France ? bien, alors tu es français (et fait pas chier les autres avec tes origines parce qu'on est tous des batards ethniques), il suffit d'avoir des notions de géographie et de voir les migrations au cours de l'histoire. Après la France, c'est soit l'Espagne soit l'océan atlantique. Vu notre situation géographique on a récupéré toutes les migrations du monde venant de l'est du nord et du sud. On dit qu'on es des gaulois? foutaises il suffit de se appeler la chanson d'Henri Salvador pour voir que ce n'est pas le sujet. Les francs qui étaient eux des envahisseurs, comme les romains, comme les huns, comme les vikings et tutti quanti nous on donné notre nom la France. C'est pour cette raison que je m' étaiS permis dans un précédent post de rappeler les origines de mes enfants mais comme je ne suis pas sur que l'implicite de cette description ai été bien perçu au cas où j'en remet une couche car si chacun faisait son arbre généalogique il constaterait que souchien c'est une non sens qui a des relents racisTes. Quand on est opprimé on mène une course à handicap. On doit partir bien après la autres, porter un sac à dos plein de cailloux, courir pieds nus sur un sol jonché d'éclats de verre mis la avec l'intention de nuire. Être obligé d'avancer quand même parce qu'on a la haine et qu'on veut pas s'avouer vaincu. On a la rage au ventre OK la haine si cela aide à survivre pourquoi pas tout est bon il faut tenir, tenir coute que coute. Mais la haine c'est l'handicap intérieur, l'ennemi intérieur, la haine c'est le sida émotionnel c'est le piège le plus pervers c'est elle qui peut faire de nous le jeddaï maléfique, celui qui va finir par dire que le maître a raison. Attention de ne pas passer du côté obscur de la force. Et sur ce danger nous sommes tous concernés y compris votre invitée madame Judih Bernard.

Par Marpian, le 12/04/2016 à 20h59 ( modifié le 12/04/2016 à 22h16 )

Plusieurs Poings :


J'ai bondit , et puis je me suis rassit; plusieurs fois : plusieurs points de désaccords, mais tellement de points d'accord.

Et puis l'intelligence, d'où qu'elle vienne est toujours de l'intelligence,tout comme l'amour , et ici les deux sont indéniables .



Ne jamais se tromper de camp, même quand les choses sont flou.
Citons la publicité , pour une fois pertinente* :

je suis de la couleur de ceux qu'on persécute .

*citant Lamartine, ceci expliquant cela

Par Gauthier R, le 12/04/2016 à 10h51 ( modifié le 12/04/2016 à 11h03 )

Merci pour cette discussion d'une densité impressionnante.
J'ai l'impression d'avoir fait un pas de côté pendant cette heure et demi et d'avoir rempli ma tête de prises de conscience à approfondir.
Merci à Houria Bouteldja pour ces prises de conscience et tout le travail d'analyses et de recherches qui a dû être nécessaire pour mettre le doigt dessus.
Merci à Judith Bernard d'avoir posé tout haut - et avec une finesse qui n'oublie pas d'être franche - des questions qui, trop souvent, n'osent pas sortir des bouches.
Et merci à toutes les deux pour votre souci de la précision du langage, ça fait un bien fou de voir deux personnes parler de sujets essentiels en cherchant vraiment à se comprendre.

Par Juliette LAURENCE, le 12/04/2016 à 01h03

Très très intéressant. Je partage toute l'analyse d'Hourya par sa clarification sur tous les domaines évoqués. Je vais acheter son livre.
Merci encore de cette rencontre Judith.

Par Annie HUET, le 12/04/2016 à 00h54

Je suis désolée mais je ne regarderai pas cette émission. Les Indigènes de la République ont le don de m'énerver.
Je voulais juste rebondir sur le flash d'@SI qui rapporte l'affirmation de Houria Bouteldja selon laquelle ce serait un scandale qu'on soit allés perquisitionner des musulmans après les attentats des jihadistes.
Mais ça, ce n'est pas le problème de l'Etat français, c'est celui des musulmans parce que les jihadistes se réclament de l'islam, évidemment abusivement, mais ça a quand même un rapport direct.
On n'a jamais entendu dire que lorsqu'il y a du terrorisme corse, on va s'attaquer aux musulmans.

Par ailleurs, je ne nierai pas qu'il n'y a pas un racisme anti-arabe très fort, même s'il diminue, mais très lentement. Mais je pense que le problème actuel, c'est que ce racisme, venu du regard des non-arabes, a été intériorisé par les arabes. Quand j'entends que les amis de mon fils au collège ne s'appellent ni arabes ni musulmans entre eux mais tout simplement "voleurs" (qu'ils ne sont pas du tout, c'est juste qu'ils ont intériorisé ce que parfois on dit d'eux, par une sorte d'ironie un peu triste et dérisoire), je pense comprendre mieux cette intériorisation intellectuelle par Mme Bouteldja. Elle ne s'appelle pas "voleur", elle s'appelle "colonisée" ou "racisée" et finit par se définir ainsi. Elle est pieds et poings liés dans cette vision à jamais négative et passéiste du monde, engluée dans un monde dont elle ne parvient pas à maîtriser intellectuellement la dynamique parce que ça la blesse profondément, comme ça blesserait toute autre personne normalement constituée.

Par Yanne, le 11/04/2016 à 22h22

Peut-être aurais je aimé en savoir plus sur ce que représente vraiment aujourd'hui le PIR...
Mais cet entretien, précis, tendu et intelligent (Judith!) me rendra plus attentif désormais aux propos d'Houria Bouteldja souvent caricaturés parce que trop souvent caricaturaux (sur les plateaux TV en tout cas)...
Il est vrai qu'il n'est pas facile de parler avec le couteau entre les dents.

Par felix d, le 11/04/2016 à 17h48

Blague juive :

Un poulet se prend pour une graine et a peur de se faire manger par les autres poulets . Il suit une cure dans un asile, et enfin guerit , son psy lui dit vous pouvez sortir .
A peine sorti, le poulet revient en courant, en panique .

Mais que se passe-t-il lui dit le psy, vous savez bien que vous etes un poulet et non une graine .

le poulet repond : " Oui , moi je le sais bien que je ne suis pas une graine, mais les autres poulets le savent ils ?"


Zizek (Slavoj) : De l'ignorance du poulet, ou : Qui croit en quoi aujourd'hui ?
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/ci8ReA/r6bGg9q#undefined

Par Gauthier R, le 11/04/2016 à 10h35 ( modifié le 11/04/2016 à 10h37 )

N'ayant entendu parler du PIR qu'au travers de dénonciations médiatiques que je regardais à demi, je suis heureux d'avoir pu voir cet intéressant échange, et vais acheter le livre pour m'en faire un avis. D'ailleurs, même si ce livre ne peut pas m'informer sur tous les agissements du PIR, je rétorquerai - même en ne sachant plus d'où provient la citation! - que "tout livre est un monde", et qu'à défaut de le prendre pour un miroir réaliste du PIR, je le considérerai ainsi.

Je précise, concernant les commentaires expliquant que madame Bouteldja attribue aux blancs tous les maux, ou ne fait pas son auto-critique, qu'il me semble avoir vu une autre interview qu'eux: peut-être y-a t-il la un problème technique sur lequel l'équipe technique d'hors-série devrait se pencher rapidement.

Merci encore à Hors-Série : )

Par Eric , le 11/04/2016 à 00h37

Merci à toutes les deux pour cette heure et demi d'intelligence...

Par YvesT, le 10/04/2016 à 22h30

C'est pas de la patince, YG. Les positions d'Houria Bouteldja, je les connais. J'ai lu. J'ai écouté, j'ai questionné directement. Je ne m'attendais pas à de grandes inflexions. Non, la question, cest celle du degré de complaisance du média vis-à-vis de ce discours et l'invalidation ou non par Judith des thèses défendues. Hors Série revendique un parti-pris sur la place publique. C'est ça qui m'intéresse. Mais pas ces marges là.
J'ai interrompu mon abonnement car je ne veux pas financer la moindre tribunes de ce genre. Je ne peux que souhaiter sa disparition.

Par Tom-, le 10/04/2016 à 20h17

Le mouvement zapatiste au Mexique parle d'une "dignité rebelle". Il y a beaucoup de dignité rebelle Chez Houria Bouteldja. Ne plus être victime mais se lever... Comme à République. Se lever depuis là où nous sommes, depuis la violence sociale que nous subissons. @Marpian Il faut peut-être ne pas avoir vécu dans son corps le racisme pour croire qu'on peut se lever à partir de "l'unité du peuple". Si elle est l'horizon à atteindre, elle ne peut pas être posée en première instance.
Recevoir cette parole et la recevoir dans ces conditions est très précieux. Merci encore Judith pour votre travail. Bien que je ne partage pas toutes les analyses d'Houria Bouteldja, j'avais écouté l'émission de Ce soir ou jamais et j'avais été profondément choquée par la manière dont elle avait été traitée et insultée. Merci de nous avoir venger un peu ;)
J'aurai simplement aimé connaître un peu le parcours d'HB. Pas psychologisant mais juste savoir comment se sont construits quelques uns de ses plis...

Par Ali Naldy, le 10/04/2016 à 18h57

Tout d'abord un grand merci pour ce formidable moment de sagesse et d'intelligence. Bravo à Houria Bouteldja pour la pertinence de sa pensée et la délicatesse de la force avec laquelle elle l'exprime si judicieusement.
J'ai compris en particulier la confusion que je faisais entre construction sociale de ma pensée et expression politique de celle-ci. À l'heure de Nuit Debout, c'est important !

Au sujet de interpellation par Judith Bernard quant à l'absence d'auto-critique du monde Arabe à propos de ses conquêtes coloniales, en référence aux propos de Mr Castorialdis dans un article de la République des Lettres, j'ai regretté l'abandon du sujet par vous deux.
D'une part, Houdia Bouteldja aurait alors pu citer la pensée du Soufisme qui, moins de deux siècles après l’Hégire, trouve une conciliation pacifique et contemplative entre l'islam et la culture naturelle des peuples arabes qui l'adoptent, et, probablement aussi, évoquer beaucoup d'autre penseurs que notre culture n'a pas remarqué, au contraire d'Averroès, qui, bien que contestant des positions Arabes et islamiques, en fut définitivement rejeté, sort tout de même plus tendre que celui par lequel fut traité le très pauvre Giordano Bruno mais moins doux que celui accordé au très fortuné Voltaire par la puissance royale.
Mais surtout, elle aurai pu faire remarquer que, par son propos, Mr Castorialdis se positionne lui même dans ce « blanc imbu et dominant » bien contraire à sa propre pensée, et essentialise le monde arabe, là encore en totale contradiction avec lui même. Peut-être ce développement était-il dans l'intention de Judith Bernard, mais c'est dommage d'en avoir abandonné l'idée.
Car enfin comment penser que des peuples qui maîtrisaient l'écriture des millénaire avant notre civilisation et avaient développé un humanisme social autrement structuré et élaboré que les embryons, toutefois très importants pour notre propre pensée, de celui-ci chez Montaigne il y a à peine plus de quatre siècles, n'aient pas disposé très tôt de cette critique ?

Thomas Gelée

Par Thomas Gelée, le 10/04/2016 à 17h35

Vous avez eu bien de la patience Tom-, en tout cas, moi, il m’en a fallu énormément pour écouter jusqu’au bout cette émission, j’ai mis plusieurs heures pour y parvenir, car dès le départ, le débat aurait dû être récusé dans ces termes-mêmes. Hélas, il a été acté, dès le commencement, ce qui ne doit pourtant jamais l'être, à savoir qu'il puisse y avoir une non essentialisation des catégories sociales pourtant systématiquement labellisées en terme colorimétrique.

Or, c’est tout simplement impossible.

Vous ne pouvez employer le terme blanc en opposition à celui de non blanc, sans convoquer/renforcer une répartition d'ordre raciste, pas plus que vous ne pouvez utiliser le terme éléphant sans faire apparaître l’image du pachyderme. D’ailleurs, une heure et demi d’émission sont nécessaire pour tenter en vain de désamorcer ce que le titre de l'ouvrage exp(l)ose lui littéralement.

L’invitée a beau jeu dans ces conditions de déplorer « une société qui se polarise de plus en plus » (vers la 19ième minute), de critiquer un état-nation ethnique (vers la 56ième minute à propos d’Israël) lorsqu’elle ne cesse de faire du communautarisme et de vouloir rejeter le qualificatif de raciste à son encontre, lorsque tout son discours procède des mêmes outils que ceux employés par ces derniers, à savoir, un « nous », un « eux » et qu’elle use des mêmes cartes truquées de la (Notre) généalogie et de l’(Notre) Histoire, rien n’y fait.

Qu’elle le déplore ou non, aucune de ces précautions verbales ultérieures ne viendra atténuer le fait que son discours est, ne lui en déplaise, un discours raciste et pas seulement un discours depuis la position ou sur les « racisés ». L'échange courtois avec Judith, le calme dans lequel il s'opère, ne remet aucunement en compte cet état de fait.
Ne confondons pas la forme et le fond.

Concernant sa rhétorique, l’une des techniques d’Houria Bouteldja est facile à mettre en évidence. Lorsqu’elle est acculée, elle change du tout au tout de perspective. Genre, cela ne passe pas comme ça, cela s’est vu, c’est trop gros, je tente tout autre chose.

Ainsi, vers la cinquième minute, Judith souligne fort justement que les propos racistes qu’elle reçoit contrairement à Clémentine Autin proviennent d’individus et non d’institution, sans qu'Houria Bouteldja n’ait souligné au passage (ce n’est probablement pas un hasard, le prisme racial chez elle prenant systématiquement le pas sur les autres dimensions) qu’Autin a été victime, elle, régulièrement, je crois me souvenir, du machisme et donc discriminée en tant que femme dans l’espace politique par certaines autres individualités masculines. Houria Bouteldja passe alors rapidement de son cas particulier où elle essaie de se faire passer pour victime à des exemples de discriminations massifs en rappelant les bavures policières, elles, incontestables, si ce n’est au niveau comptable, tout au moins factuelle. Il y en a et en a eu, hélas, et il faut le dénoncer fermement.

Autre exemple, vers la 46ième minute, lorsque son ancrage généalogique est dûment remis en question par Judith (au travers de l’islam conquérant des premiers siècles), telle une joueuse de bonneteau, Houria Bouteldja revient à un ancrage contemporain qui lui n’a pas besoin de 1492 (et donc qui ne peut être déstabilisé par des données issues de l’avant 1492) pour être légitime. On fera d'ailleurs remarquer à ce propos le fait que Christophe Colomb n'a guère plus de chance de faire partie de l'histoire d'un jeune algérien qu'Hitler pour reprendre sa pseudo-démonstration un peu plus tard dans l'émission.

Autre élément de rhétorique, l’attaque pour mieux dissimuler sa mauvaise foi. Ainsi, elle fait un bien mauvais procès à Lordon, parce qu’il ne s’indigne pas dans le même élan et spontanément du sort des 3000 perquisitionnés. Outre qu’on pourra toujours reprocher à tort à quelqu’un de ne pas embrasser toutes les luttes d’un seul regard, dans un seul discours, cette critique est d’autant plus malvenue lorsque soi-même, on s’y refuse sous couvert que c’est d’abord aux autres de venir à « nous » totalement, avant que « nous » ne nous joignions à « vous », ne serait-ce que partiellement.

Le « blanc » ici est toujours coupable. A demi, au trois quart et plus engagé… il est souligné qu’il ne l’est pas entièrement et discrédité à ce titre. Ce qui constitue le comble de la mauvaise foi, lorsque soi-même on pratique et en appelle à pratiquer plus ou moins explicitement le tout ou rien, le avec « nous » ou contre « nous ».

Logique binaire, qu’elle fait souvent mine de dénoncer, mais dont elle fait un usage régulier, comme à la 26ième minute où elle déclare : « C’est aux Klurs de s’intéresser aux quartiers populaires, sinon, cela ne va pas être possible », alors qu’ils (si ce n’est eux à proprement parler, ceux qui ont exactement le même profil sociologique) en font bien souvent parties également de ces mêmes quartiers.

Autre élément, l’assertion catégorique. Vers la 45ième minute, elle rattache la notion de race à l’impérialisme capitaliste. Or, celle-ci existait bien avant, si ce n’est conceptualisée, tout au moins dans les pratiques depuis des millénaires, comme tout à chacun a pu le noter par soi-même en observant l’histoire où qu’elle se soit déroulée. Ivan Ségré le notait également dans sa recension de l'ouvrage.

Enfin, elle passe régulièrement de l'ici et maintenant, à l’ailleurs et autrefois selon ce qui sert le mieux son propos et permet d'échapper, doit-elle penser, aux critiques. Par exemple vers une heure dix minute, elle critique l’eurocentrisme à propos de Hitler, comme si, hormis chez ceux qui font des hiérarchies, de la concurrence victimaire, l’expérience de la Shoah pouvait occulter les autres massacres commis par l’être humain. Désolé, il n'est nullement utile de relativiser la Shoah pour prendre en compte les autres génocides ou exactions du genre humain, et le fait, comme Imre Kertész, qui vient de nous quitter, ne cessait de le rappeler que "l'Holocauste est une expérience universelle" (L'Holocauste comme culture, Actes Sud, p.58) ne remet nullement cela en cause, bien au contraire.

Je m'arrêterai là, non pas parce que je n'ai pas d'autres critiques à faire à l'encontre du discours de Houria Bouteldja, mais parce que l'essentiel de ce que j'avais à dire l'a déjà été et même répété et que j'ai déjà probablement pris trop de place par rapport à ce qu'il est faisable de faire ici.

yG

« Celui qui prévient est un ami » dit-elle vers la trentième minute. J’ajouterai lorsqu’il ne met pas de l’huile sur le feu ou pire encore, ne joue pas lui-même avec les allumettes. Si le métissage ne met pas fin ipso facto au racisme (il n'en reste pas moins le meilleur espoir), que dire alors de tous ceux qui exacerbent et entérinent un « nous » versus un « eux » ?

Par yG, le 10/04/2016 à 17h07 ( modifié le 10/04/2016 à 17h10 )

Mes enfants on un père d'origine bretonne par leur grand père paternel mais ont aussi d'origine espagnole et italienne par leur arrière grand père et arrière grand mère du coté du côté de leur grand mère paternelle. Du coté de leur mère ils ont des origines géorgienne par leur arrière grand père et juive ukrainienne par leur arrière grand mère. Le grand père maternelle lui est d'origine écossaise en tant que descendant de protestants émigrés suite à l'expulsion des protestants après la révocation de l'édit de Nantes. Ils sont blanc certes mais sont-ils pour autant sous-chien et responsable du colonialisme? Jusqu'à preuve du contraire le fait d'être blanc est-il de leur faute? Sont -ils des complices pour autant du sort injuste fait aux émigrés et à leur descendants ? Un de mes fils est de plus homosexuel est-ce une tare supplémentaire (certains alliés musulmans du PIR étaient à la manif contre le mariage pour tous comme certains religieux catholiques et juifs, ils se foutent sur la figure à propos du moyen orient mais pour taper sur les pédés et les gouines ils sont d'accord). Comme je suis laïc et athé ( dieu merci!!) je me méfie du mélange entre politique et religion. La foi personnelle est une chose la religion une autre . On nous parle ici d'amour révolutionnaire bien, belle formule mais en quoi diviser le peuple entre blancs(supposé racistes sur le fond) et enfants de la colonisation fait il avancer les choses? reconnaître les injustices les exprimer est utile et les changer un devoir pour tout citoyen honnête. De plus que vient faire la question du moyen orient dans tout cela ? Beaucoup d' ambiguitées et d'indignations à géométrie variable dans le discourt. Votre auteure a des sympathies pour le prédicateur Tarik Ramadan qui sur un certains nombre de sujet à des positions discutables à mes yeux. pourquoi a-t-il envie de devenir un indigène de la république puisqu'il réclame la nationalité française (ce qui est son droit) mais interroge, la suisse serait elle devenue pire que la France ? Pourtant que je sache elle n'a jamais eu de colonie à part des colonies financières. Le peuple est un mais il est divisé ce qui arrange bien ceux qui l'exploitent. Que les jeux politiques consistent à accroître ces divisions de la part ce ceux qui profitent du système en place c'est de bonne guerre cela s'appelle la lutte des classes ce que votre auteur réduit à une de ses facettes la colonisation et ses conséquences destructrices. Que le fond de l'air soit verdâtre voire parfois vert de gris c'est une évidence et ce partout dans le monde. Je ne crois pas que le mouvement des indigènes contribue à la clarté sur cette question de l'unité du peuple qui est à construire pour combattre efficacement les injustices faites à la majorité des citoyens quelque soit leur origine même si certaines sont plus terribles que d'autres à l'évidence.

Par Marpian, le 10/04/2016 à 14h50 ( modifié le 10/04/2016 à 16h34 )

débat sans complaisance, qui interroge qu'il faut écouter avec grande attention pour mieux comprendre aussi la "distance" de nos jeunes des quartiers par rapport aux mouvements naissants, ce qui hypothèque largement une forme de possible : sans la mise en mouvement des "Fraternités" des dignités de tous...les mouvements s'épuiseront et seront vite récupérés.

Mais je ne peux m’empêcher de regretter que les religions, toutes les religions, persistent et persisteront avec dans leurs bagages une large partie des malheurs du monde. Ras-le-bol des curés, imams, rabbins et tutti quanti...

Merci d'avoir parlé d'un peuple abandonné, rayé de la carte et si possible de nos mémoires : les palestiniens !!

Par morvandiaux, le 10/04/2016 à 13h01

"La question de classes est contenue dans la question de races". Au secours... Autant je peux écouter la critique de certaines luttes (féministes ou pour les "racisés") qui dénoncent les marxistes pur souche qui prétendent que la lutte des classes englobent toutes les questions, y compris celles de genre ou de racisme, autant l'inversion même de cette posture "hyper"-marxiste en posture hyper-antiraciste est au minimum aussi ridicule.

Au passage, encore un grand merci à Judith Bernard pour son travail de lecture minutieux. Dès la 4e minute sur la question de "moi quand j'attends une réponse politique j'entends 't'es pas contente rentre chez toi'", Houria Bouteldja a sans doute compris que pour une fois son interlocuteur n'était pas là pour faire de l'approximation.

Par Alain Godet, le 10/04/2016 à 10h48

Juste une précision sur l'emploi des termes "antisémitisme" et "islamophobie" : Le fait qu'ils disposent d'un "sens communément admis" ne change en rien leur ambiguïté et le fait qu'il faille donc malgré tout les utiliser avec précaution.

L'utilisation "d'antisémitisme" comme insulte visant à discréditer toute forme de critique radicale est par exemple assez perturbante. On a bien entendu des gens accuser les sociologues d'antisémitisme par le biais d'un raisonnement que je ne rappellerai pas pour ne pas faire insulte à l'intelligence humaine.

De même, le sens commun d'islamophobie comme "haine de l'arabe" nécessiterait déjà de définir ce qu'est un "arabe". Bref, attention à l'utilisation de ces termes protéiformes et lourdement chargés, que ce soit de sous-entendus, ou émotionnellement.

Par HBK, le 10/04/2016 à 09h43

Minute 25. "La question de classe est contenue dans la question de race" et voila toutes les précautions de langages visant à déguiser les catégories essentialisantes en classes socio-politique qui s'évanouissent. Je termine de regarder. Si y a pas une dénonciation claire et nette, dépourvue d'ambigüité avec cette position, je me casse.
Je veux bien être pris pour un con une fois. Pas deux.

Par Tom-, le 10/04/2016 à 02h48

Un mini-scandale lorsque le rationaliste Jean Bricmont est invité....mais lorsque les enragés identitaires du Parti des Indigènes de la République l'est par l'intermédiaire de Houria Bouteldja, quelle réaction ? Hors-série a le mérite d'inviter les deux...Va t-on également vous demander de vous justifier, de vous excuser ? Je suis curieux...

Par DAVID HOCQUET, le 10/04/2016 à 02h27

Un dialogue riche qui est allé s'approfondissant grâce aux questions claires et aux réponses qui l'étaient tout autant. Fin des louanges, passons aux critiques.
D’abord, je trouve que Soral a bon dos, sert de paillasson a tout le monde pour tenter, souvent vainement, de se montrer meilleur. Pour bien argumenter faut-il à toute force un repoussoir, authentique ou imaginaire? Je crois que les Indigènes et peut être Houria elle-même, devraient LIRE Soral au lieu de lire ou d’écouter ce qu’on raconte sur lui, avant de s'en servir comme paravent sur la question de l’emploi du mot "antisémitisme" qu'en bonne intellectuelle elle devrait récuser. Sur la question aussi des actes dit antisémites, un vaste chapitre devrait aussi être ouvert. Laisser par exemple un citoyen français aller faire son service militaire en Israël dans les territoires occupés pour y molester des Palestiniens est au bout du compte un acte anti-juif et, pour le coup "antisémite", au sens ancien, au sens de la dernière moitié du 19e siècle et de la première moitié du 20e. Ne pas dénoncer les collectes d’argent pour "Tsahal" l’armée "la plus morale du Moyen orient" qui massacre femmes et enfants Palestiniens de Gaza tous les deux ans, est un acte "antisémite".
On peut être anti-juif, anti-sioniste, anti-israélien, concepts qui se chevauchent, peuvent se recouper mais pas obligatoirement. Par contre, quand on dit "antisémite", quand on accuse d’antisémitisme, on brouille les cartes car le mot a une histoire lourde et ambiguë. N'oublions pas qu'il sert d'insulte à une bande de… bras cassés, de névrosés, de haineux, de fanatiques, qui, lorsqu'ils n'ont plus rien à dire, parce qu'ils n'ont plus d'argument, se mettent à vociférer: antisémite, antisémite, antisémite!... Peut-on espérer une réflexion à ce niveau de la part de Hors Série? Une soirée qui serait consacrée à établir "La pertinence des concepts historiques, philosophiques et politiques" de telle sorte que les intervenants du futur ne se prennent pas les pieds dans le tapis… volant ou de prière, de tous ceux qui gémissent, hurlent ou insultent? Un Badiou accepterait sans doute, ou un Ségré ou les deux en même temps ! Pour ça, en tant qu’abonné de Hors Série qui estime avoir des "droits", je demanderais que ce soit Judith Bernard en personne qui conduise le débat, car elle est passionnée, parfois trop, ça se sent mais, elle est rigoureuse. Ça éviterait que les échanges se perdent dans les marécages d'un langage volontairement ou involontairement imprécis.

Par marc gébelin, le 10/04/2016 à 00h56

Ouais, ben, à bien y réfléchir, les ateliers constituants, la théorie relative de la monnaie et le salaire à vie, si ce n'est pas du décolonial en barre, je sais pas ce que c'est... A bon entendeur, bonnes luttes !

Par jeremie chayet, le 09/04/2016 à 22h50

Bonsoir. Votre entretien, Judith avec Houria Bouteldja est d'une très grande force d'intelligence, bravo! Houria que je ne connaissais pas est courageuse dans ses propos car les thermes que vous avez abordés peuvent vite être casse gueule. Pour ma part travaillant dans le 95 comme psychologue dans un dispensaire(CMP) je peux vous dire que recevant des femmes de parents magrébins voilées pour certaine, combien celles ci portent le voile sans pression d'aucune sorte et qu'elles ressentent de plus en plus une hostilité grandissante, par des regards haineux quand ce n'est pas des insultes proférées. Et puis pour continuer dans ce qui traverse ce période intense de refus j'ai reçu des ouvriers de PSA d'Aulnay cassés par leur boulot et la hiérarchie sans état d'âme. Voila encore bravo pour ce très riche entretien. merci!

Par François Leroux, le 09/04/2016 à 21h57

Merci pour cette émission ; je partage l'enthousiasme d'Henri. Jusqu'à présent, les rares fois où j'avais croisé Houria Bouteldja, c'était toujours dans des contextes hostiles où la pluie d'anathèmes ne permettait jamais d'avoir accès à ses idées et sa pensée (comme l'émission de Taddei par exemple).
C'est un vrai plaisir de pouvoir assister à un échange aussi riche et respectueux où la posture laisse la place à l'intelligence.

@ Kahina : votre intervention me semble être une bonne illustration de l'objet de l'émission, à savoir la persistance de l'imaginaire colonial et de sa vision essentialiste, superficiellement maquillée de manifestations contemporaines. Vous renvoyez et réduisez l'invitée à une indigène, algérienne et devant répondre de l'instrumentation politique de l'islam.

Par Procrastinman, le 09/04/2016 à 21h17

concernant le commentaire de kahina, je le trouve injuste, d'autant qu'il résulte d'une interprétation erronée des propos de houria (qui, soit dit en passant est française et non pas algérienne...) qui a aucun moment ne rend les blancs "responsables" de la situation, mais plutôt l'histoire coloniale de la france et de l'europe. dans ce contexte, l'évocation de l'islam rédical n'était pas de mise.

Par henri d'artois, le 09/04/2016 à 20h23

magnifiques! toutes les deux!!! on sent judith un peu dubitative parfois, mais globalement elle parvient à tirer le meilleur de houria.
un régal que je m'empresse de partager.
merci les filles!!!

Par henri d'artois, le 09/04/2016 à 20h17

J'ai attendu désespérément que Houria Bouteldja fasse son autocritique, l'autocritique du "nous" qu'elle défend. Rien. Nada. Chez Houria le blanc est coupable de tout, d'être raciste (comme tous les politiques actuels) ou pas assez solidaires (comme Frédérique Lordon), ou pas assez nombreux à être solidaires (comme les porteurs de valises), de ne pas faire son autocritique à temps (comme toute la classe intellectuelle française qui regrettent la colonisation, mais après l'indépendance)... Il n'y aurait pas chez cette Bouteldja une volonté de s'enfermer volontairement dans ce statut d'indigène?!!!
Elle parle d'un risque de guerre civile et bien sur si ça explose c'est à cause des politiques. Elle, elle n'a rien à se reprocher. Elle n'a aucun message à envoyer à sa communauté "d'indigènes", si ce n'est qu'ils ne sont coupables de rien, mais juste victimes d'un code de l'indigénat et, implicitement, que leur violence est légitime. Et d'ailleurs, à quel moment parle-t-elle d'islamisme radical? Que je sache, l'islamisme radical n'est pas un phénomène franco-français. Elle est algérienne, elle est bien placée pour le savoir. Comment peut-on concevoir que s'il y a violence, ce ne serait qu'à cause des politiques racistes de l’État-nation? La violence islamiste qui anime les jeunes de banlieue aujourd'hui ressemble drôlement à cette violence que des pays comme l'Algérie ont connu et que Houria Bouteldja ne peut ignorer.
Je veux bien que l'on tape sur les politiques, les intellectuels et leurs bavures, mais de là à les tenir pour seuls responsables de tout, ça me dépasse.

Par Kahina Azil-Redjala, le 09/04/2016 à 16h22