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Marx aurait-il aimé le jazz ?

Diagonale Sonore

Christian Béthune

Marx aurait-il aimé le jazz ou y aurait-il vu une forme d'art commercial aliénée et aliénante ? Une partie du jazz s'est en effet épanouie sur Broadway et a enrichi toutes sortes de producteurs de divertissement. De plus, cette musique est née en même temps que les techniques modernes d'enregistrement et de reproduction, qui ont pour une large part conditionné sa forme et son devenir. Théoricien de l'École de Francfort, d'inspiration marxiste, Adorno détestait le jazz. Il y voyait non seulement une musique noyautée par l'industrie culturelle mais encore un synonyme de régression et de frustration.

Mais, pour le philosophe Christian Béthune (Adorno et le jazz, Klincksieck, 2003), on passe à côté du jazz si on n'en retient que la face récupérée par l'industrie culturelle, car au même moment, sur les mêmes scènes, se joue une remise en question des canons de l'esthétique occidentale, de l'intérieur. De Platon à Adorno et Benjamin, Christian Béthune tire un fil philosophique dont le jazz, et le rap après lui, ne cessent de contester les présupposés. Présupposés auxquels Adorno, s'il ne l'avouait pas, adhérait.

Bibliographie :

Theodor Adorno, "À propos du jazz" in Moments musicaux, Contrechamps, 2003

Theodor Adorno, "Sur la musique légère" in Introduction à la sociologie de la musique, Contrechamps, 1994

Theodor Adorno, "Sur la musique populaire" in Revue d'esthétique n°19, "Jazz", 1991

Theodor Adorno, "Du fétichisme en musique et de la régression de l'écoute" in Revue InHarmonique n°3, "Musique et perception", IRCAM, mars 1988

Theodor Adorno, Théorie esthétique, Klincksieck, 2011 [1970]

Walter Benjamin, L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Gallimard, 1939

Christian Béthune, Le Jazz et l'Occident, Klincksieck, 2008

Christian Béthune, Le rap, une esthétique hors la loi, Klincksieck, 2003

Henry Louis Gates Jr., The Signifying Monkey, Harvard University Press, 1988

Diagonale Sonore , émission publiée le 30/01/2016
Durée de l'émission : 73 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

11 commentaires postés

PS: je n'ai pas encore exploré votre émission, mais un truc me chagrine déjà: des invités et des thèmes regardant plutôt vers le passé et analysant nos gout connus.

Le travail du journalisme, n'est il pas aussi de tâter le pouls , d’être au contact charnel avec ce qui se passe ( cf Benasayag) , d’être intime avec un milieu ?

Il existe mille artistes actuels ,de courants alternatifs ou non, inspirés du blues ou du jazz, tant dans la musique que dans l'esprit, ,par exemple des gens qui font maintenant les musiques de film après avoir fait danser les foules (David Holmes, Bonobo, fat jon, Massive Attack, Roni Size, lee perry etc ), tout comme dans les années folles .

Je vous invite à faire ce que ASI et Hors serie font souvent : faire découvrir des artistes et intellectuels qui parlent de ce qui arrive en ce moment .Il en va aussi de la crédibilité du journalisme : passé à coté des pyramides sans les voire, n'est pas un signe d’éveil.

Et puis c'est aussi la beauté du jazz du peu que j'en connais : d’être comme la vie, impossible à arrêter , repoussant partout comme la mauvaise herbe de Georges , dans une joyeuse liberté .

Par Gauthier R, le 31/05/2016 à 10h44 ( modifié le 31/05/2016 à 11h08 )

You are welcome Sir .

Par Gauthier R, le 14/02/2016 à 14h37

@Gauthier R : Merci !!!

@sleepless : je ne suis pas sûre que l'improvisation soit le "but ultime" du jazz pour Christian Béthune, il s'agit plus d'une question ontologique que téléologique. Idem pour le côté "éphémère" : c'est la destination du morceau qui est éphémère, pas le morceau lui-même dont on pourra longtemps encore écouter des enregistrements. Quant aux reprises, ce ne sont jamais tout à fait le même morceau... et donc pas tout à fait le même statut non plus. D'où le côté éphémère.
Pour les références, oui, je n'en avais pas mis car les allusions au jazz sont assez éparses, à l'exception d'un article ou deux, mais je vais voir ça.

Par Raphaëlle Tchamitchian, le 09/02/2016 à 12h41

J'imagine qu'il ne doit y avoir beaucoup de fan de rap sur Hors serie , donc si il y a des curieux voici quelques references et chefs d'oeuvres du rap (Jazzy Rap aussi appelé Underground Rap) :


Labcabincalifornia de The Pharcyde : https://www.youtube.com/watch?v=PJAsMo-A_q0


Diposable arts de Masta Ace : https://www.youtube.com/watch?v=5xeSLUb4uMc


Baduism de Arykah Badu: https://www.youtube.com/watch?v=kT09wbZ6eqs&list=PL-UWPlRIl68qlvI1RQJryJu-cYADzC4EO



Le seul bon rappeur francais : 16 pieces de Hocus pocus : https://www.youtube.com/watch?v=rtE4hveEQIs


Et la nouvelle vague de jeune rapper: Summer Knights de Joey Bada$$ : https://www.youtube.com/watch?v=H-pnY-uJtEY

et en bonus les Jazz liberatorz : https://www.youtube.com/watch?v=uT5JCRBFPH0

et le petit et très jeune génie du rap Grime :Tyler the Creator : https://www.youtube.com/watch?v=3lDqMx4rmFU

https://www.youtube.com/watch?v=4NBi7SpnIOI

https://www.youtube.com/watch?v=fN-xq7t6pKw



Par Gauthier R, le 04/02/2016 à 10h41

Duke Ellington a ajouté, avec Bob Russell et quatre ans après sa sortie, des paroles à "Concerto For Cootie", en en faisant alors "Do Nothin' Til You Hear From Me", un de ses plus gros succès, repris par une palanquée d'interprètes de toutes obédiences musicales.
Peut-on alors réellement parler du côté éphémère (dans le sens mis en avant par Christian Béthune) du morceau ?

On peut aussi discuter de sa compréhension de l'importance de la forme dans le jazz, qui est loin de se résumer à l'improvisation, selon lui but ultime.
Quand on connaît l'importance de l'écriture chez Ellington/Strayhorn, Gil Evans ou Vince Mendoza (pour n'en citer que trois parmi une multitude)...

Quant à Adorno, musicalement, il a aussi tapé fort sur la musique de films, dans "Composing For Films", co-écrit avec Hans Eisler.
Il a d'autre part écrit sur plusieurs compositeurs (Mahler, Berg, etc.).
Et, marxiste en diable dans Le Caractère Fétiche Dans La Musique Et La Régression De L'écoute.

Il faudrait peut-être rajouter quelques livres de ce philosophe dans la biblio.

Par sleepless, le 02/02/2016 à 16h05

ardu mais passionnant. Tellement inattendu! Merci encore une fois. Édith Garnier

Par vegian, le 02/02/2016 à 13h26

Passionnant ! Du rab ? Notamment sur le rap et la culture du sampling, j'ai trouvé ça très pertinent.

Par Paul Balmet, le 01/02/2016 à 21h30


quel bonheur !!!
merci pour cette emission !!
>> la pertinence, l intelligence de vos questions eclairees laisse une place ou plutot offre un tremplin magnifique a l enthousiasme de passion de partage des connaissances de vos invites !!
en plus a l heure d internet et de youtube > c est tellement extra d ecouter votre emission et de faire des pauses pour decouvrir les artistes dont vous parlez !
je ne connaissais absoluement pas Cecil Taylor >> https://www.youtube.com/watch?v=EstPgi4eMe4 >> ni Hamid Drake >> https://www.youtube.com/watch?v=qrTV1Df8XCg > on prend toute la mesure physico-tactilo emotionelle de l intervention de Christian Bethune! dont je vais tout de suite acheter les ouvrages car la limpiditee de ces analyses et leurs encrages referenciels est vraiment rafraichissante !!!
bis !! bravo !! encore!!! ;)

Par yann, le 31/01/2016 à 21h37

Un roi sans divertissement est un homme plein de misère.

Par siska, le 31/01/2016 à 16h53

J'ai également beaucoup aimé cette diagonale entre philosophie et musique, entre musique occidentale et musique afro-américaine. Passionnante cette manière d'aborder le jazz en le pensant "contre", pour finalement mieux le légitimer. Merci.

Par Arnaud StA, le 31/01/2016 à 15h42

Passionnante émission qui passe trop vite...on écouterait Christian Béthune encore et encore, qui nous fait découvrir, entendre, apprendre, et comprendre. C'est merveilleux.
Merci !

Par Liliane, le 30/01/2016 à 19h11