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Génie de Pixar

En accès libre

Hervé Aubron

C'est l'histoire d'un studio qui depuis vingt ans (Toy Story, 1995) nous raconte des histoires avec des voitures et des poissons parlants, des jouets qui s'animent derrière notre dos, des gros monstres poilus qui font peur aux enfants et des rats qui cuisinent très bien. Se figurer la réussite de Pixar, c'est se figurer une sorte d'aberration : d'aberration de l'imaginaire, qui semble enfin, grâce au numérique, aller là où il veut, c'est-à-dire n'importe où, pour finalement toujours raconter la même histoire : celle, abstraite (et c'est pour cela qu'elle peut prendre autant de formes aberrantes) et sentimentale, de notre propre humanité.

Dans son très bel essai, "Génie de Pixar" (éd. Capricci, 2011) Hervé Aubron, rédacteur en chef adjoint du Magazine Littéraire et critique de cinéma, revient sur la genèse du studio Pixar, qui mêle une utopie technique à un art, que dis-je, à une orfévrerie du récit. C'est peut-être ce qui rend Pixar si sympathique, ce qui fait qu'on y va toujours sans aucune méfiance quant à une supposée grosse machine américaine : chez Pixar, la technique, nous dit Aubron, débouche sur un « humanisme technophobe », une nostalgie de la figure humaine, dont nous, pauvres humains défectueux, serions désormais incapables d'en être les dignes représentants. D'où cette armada de petits toons bienveillants, censés nous faire éprouver, dans le creux des salles obscures, ce dernier fond d'humanité qu'il reste en nous, nous rassurant quant à nos capacités à être ému, c'est-à-dire à être humain et vivant.

Avoir besoin de toons pour se sentir humain, ça fait un peu peur ? C'est fait pour. Car si les "machines sont capables de se faire sentimentales, les sentiments paraissent dans le même temps capable de devenir machinaux.", c'est tout le bel et inquiétant paradoxe que soutient Aubron dans son ouvrage et au cours de cet entretien. Des mormons à l'esprit Apple, « dès lors que l'intelligence et les affects s'engravent dans le silicium, nous vivons dans un désert, cette plaine des disques durs sur laquelle nous retomberons toujours. »

En accès libre , émission publiée le 18/07/2015
Durée de l'émission : 75 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

8 commentaires postés

J'étais assez indiférent envers Pixar en tant que tel, j'avais juste adoré Wall-E et Vice Versa, et cette émission vient de me faire haïr Pixar...

Je recommande très fortement la lecture de cette conférence : http://idlewords.com/talks/web_design_first_100_years.htm

Elle donne un très bon arrière plan pour situer ce discours. La vision de la technologie par M. Aubron, comme celle qu'avait S. Jobs ou les directeurs de Google, est fantasmagorique. Et à mon avis, très éloignée de celle de la plupart de leurs propres ingénieurs. Pour avoir moi-même cherché à une époque à entrer dans le monde de la recherche scientifique sur l'Intelligence Artificielle, j'en avais surtout retenu que cette dernière décennie avait surtout été celle des désillusions.

La vision de la technologie explicitée ici, est une vision eschatologique qui a le bon gout d'être déresponsabilisante pour les acteurs humains aux sources des décisions humaines qui sont réellement aux causes des catastrophes écologiques et humaines. Pour reprendre son exemple de la crise financière de 2008, celle-ci n'a pas été causée par des machines, mais par des humains qui ont changé les lois qui régulaient la finance, et les humains qui ont décidé que la cotation en temps réelle était une bonne chose pour l'économie par rapport à la cotation à la journée que Keynes en son temps trouvait déjà un rythme totalement déconnecté de l'économie réelle.

Bref, je commençais à craindre qu'il me fasse déchanter sur Vice-versa, mais ça n'est pas arrivé. Je suis en total désaccord avec son analyse du film, qui reste à mes yeux un très bel outil thérapeutique, accessible à tous, et aidant à la reconnaissance et l'acceptation de toutes ses émotions (notamment la tristesse dans le film). Le message du film est à mes yeux que le rejet de la tristesse n'est qu'un refoulement de la réalité et que la voie du bonheur est plutôt dans l'acceptation totale de soi et de ce que nous apporte la vie. Enfin, j'aimerais savoir à quel moment ce film parle-t'il d'automatiser les émotions des humains quand les émotions sont chacune, elles-mêmes humanisées ?

Par Al K, le 27/08/2015 à 23h46 ( modifié le 27/08/2015 à 23h48 )

Un monolythe dans "2001, l'Odyssée de l'Espace"? Bigre, le monolithe est devenu grec. ;)

Par Moe 13, le 29/07/2015 à 09h44

Citation (Marc Michel) : "Surinterprétation : Un ordinateur est un outil. Il ne raconte pas d'histoire".

C'est l'impression que l'on a certains moments de cette interview. Hervé Aubron voit du signifiant dans le moindre détail. Parfois, on peut avoir l'impression qu'il va trop loin, ce qui fait perdre de la crédibilité à son discours. Par exemple, est-il nécessaire de signaler que le film "2001, Odyssée de l'Espace" a été réalisé en partie dans l'état de l'Utah puisque ça n'a pas de signification ? Si les producteurs avaient trouvé au Mexique ou au Maroc des décors mieux adaptés, c'est là que le film aurait été tourné. Même remarque sur le fait que certains matériels utilisés par les Mormons "ressemblent à des circuits imprimés". On peut affirmer que ces observations sont sont totalement inutiles et même nuisibles. Ces détails ne sont que coïncidences. Y voir du sens relève de la croyance, de l'irrationnel, de la pensée magique.
Je me demande si j'ai bien compris l'essentiel de l'analyse d'Hérvé Aubron. J'ai presque envie de dire " j'espère que j'ai mal compris", tellement ses propos me laissent sceptique. Par exemple je ne vois pas (pas du tout , dirais-je même) la relation qui existe entre les logiciels qui permettent de réaliser des images de synthèse et ce qu'Hervé Aubron appelle "la modélisation de l'émotion". Pour moi, le studio Pixar est un studio qui produit des films d'animation en images de synthèse, point barre. Je ne nie pas le fait que ces studios ont un talent particulier pour susciter l'émotion chez les spectateurs, mais je ne vois pas du tout le rapport qui existe entre la technique qui permet de modéliser des personnages et des décors, d'une part et l'écriture de scénarios, d'autre part. Et, de toute façon, même si on parvenait à utiliser l'ordinateur comme aide à l'écriture de scénarios (pour "produire de l'émotion"), pourquoi les films réalisés en images de synthèse seraient-ils les seuls à pouvoir les utiliser. Ces "données" pourraient aussi bien servir à l'écriture de romans ou se scénarios de films traditionnels.
Il me semble d'ailleurs que les étranges interrogations qui tourmentent Hervé Aubron (dont on n'arrive pas à bien comprendre si elles créent chez lui de la crainte ou de l'espoir) ne sont suscités que par le studio Pixar. Bizarrement, il semble penser que DreamWorks, par exemple "ça ne le fait pas". Les autres studios spécialisés dans l'animation en images de synthèse ne produisent pas ces étranges vibrations. Il ne sent cette magie, ces ondes mystérieuses émises que dans les productions de Pixar. On notera d'ailleurs qu'il ne dit jamais "la société Pixar" ou "le studio Pixar", mais "Pixar" tout court, comme s'il parlait d'une personne et comme s'il faisait tout pour oublier que cette société emploie des centaines de techniciens et d'artistes dont les tâches, souvent très techniques (comme dans les studios d'animation traditionnels) sont définies avec précision et n'ont rien de magique. Leurs fiches de paye (avec le décompte des heures-sup' majorées, on l'espère) sont peut-être réalisées par le même ordinateur qui modélise des toisons de monstres.
Je ne sais pas si Murielle Judet mesure la puissance du Scud quelle balance à Hervé Aubron en affirmant benoitement, dans la deuxième partie de l'émission que, si on y réfléchit bien, dans le fond, Spielberg lorsqu'il a réalisé son premier film (Duel) faisait déjà du Pixar (je ne cite pas le mot à mot, mais j'espère ne pas trahir les propos de Murielle). Bien entendu, "Duel" n'utilisait pas la moindre image de synthèse, ni l'aide d'aucun ordinateur. Cette remarque ne semble d'ailleurs pas émouvoir Hervé Aubron, alors qu'elle fiche par terre toute ses belles théories.
Si je devais résumer l'impression que me donne cet émission, c'est qu'Hervé Aubron, au lieu d'essayer d'analyser sereinement et avec du recul les techniques utilisées pour faire rêver le spectateur, se met lui-même dans un état de spectateur enthousiaste et se conduit un peu en groupie. Cette impression est probablement fausse. C'est pourquoi j'ai pris soin de faire remarquer que je n'ai sans doute pas bien compris la démarche d'Hervé Aubron.
Mais je dois avouer qu'en visionnant cette interview, j'ai été titillé par le désir (vite réprimé) de suggérer à Hervé Aubron, qui possède manifestement uns imagination luxuriante et qui excelle dans l'écriture de belles histoires, de proposer ses talents de scénariste à la société Pixar. Il pourrait inclure la présente émission dans le portfolio accompagnant son CV.

Par Papriko, le 23/07/2015 à 21h59 ( modifié le 23/07/2015 à 22h25 )

Intéressantes théories.
Mais le problème ne vient-il pas justement que nous avons du mal, en tant qu'humains, à nous définir, alors que l'existence de la machine va de soi, et n'a pas à se justifier d'être ?
Les questions que pose Pixar à longueur de bobines n'ont pas de réponse, parce que nous n'avons jamais su poser les bonnes questions.
Dans un monde qui se modifie à une vitesse d'accélération sans cesse grandissante, la question est cruciale.
Nous croyons de moins en moins aux balivernes au sujet de Dieu, allons-nous trouver un autre moyen de nous exonérer de nos responsabilités intellectuelles et collectives ? Oui !

Par Yanne, le 22/07/2015 à 14h37

"D'ailleurs, le traitement du mouvement en animation est plus lui aussi réaliste qu'hyperréaliste. Dreamworks c'est attaqué au truc avec le polar express par exemple, et s'est cassé les dents dessus je trouve."

The Polar Express n'a rien à voir avec Dreamworks. C'est une production Warner et le premier essai de Robert Zemeckis avec la performance capture (avant Beowulf, A Christmas Carol et ses productions Monster House et Mars Needs Mom). Du coup, c'est un objet beaucoup plus hybride que les films d'animation de Pixar et Dreamworks.

Par NonooStar, le 22/07/2015 à 12h51

Surinterprétation : Un ordinateur est un outil. Il ne raconte pas d'histoire.

Par Marc MICHEL, le 19/07/2015 à 21h21

Emission d'utilité publique! J'ai adoré.
"C'était vraiment très intéressant!"

Par Sébastien Solano, le 19/07/2015 à 16h10

un dessin animé, ou un film en image de synthèse ne sont pas forcément pour les enfants, montrer certains animé à des gosse n'a pas de sens, "Hokuto no Ken: Fist of the North" Star pour ne prendre qu'un exemple est un film d'animation japonaise pour adulte, donc non, "Vice Versa" n'est peut être pas u film pour enfants.

Par laure magnet, le 19/07/2015 à 15h13