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Avec le sourire

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Pierre Salvadori

Quand on écoute Pierre Salvadori, il y a un indice qui ne trompe pas et qui confirme que nous sommes en train d'assister à une vraie leçon de cinéma : lorsque la distinction entre matière et théorie est totalement abolie, et que parler le plus concrètement d'un film c'est pousser le plus loin dans la théorie.
Parler avec Salvadori c'est être invité à retrousser ses manches et à soulever le capot de la comédie pour voir concrètement comment ça marche : écrire sans surécrire ni sous-écrire, mettre en scène sans trop être visible, faire en sorte que ce qui était écrit sur le papier se transforme en matière lumineuse et vivante, par la direction d'acteurs, par la mise en scène. Pour autant, avec Salvadori il n'y a pas de recette miracle ni de leçon de scénario : un film est un mystère que l'on cuisine en réinventant à chaque fois la recette, et la grande satisfaction à l'écouter tient justement au fait que ce mystère de la comédie réussie n'est réductible à aucun de ses éléments, la réussite est quasiment d'ordre atmosphérique.

Pour revenir au statut particulier d'un artisan de comédies comme Pierre Salvadori, disons simplement qu'un film n'est fait pour rien (disons pour être vu) et qu'une comédie est faite pour rire, d'où peut-être le statut problématique de la comédie en France (l'éternel débat du "les comédies françaises ne sont pas nommées aux César...") qui est par ailleurs dans un très mauvais état parce qu'obéissant uniquement à une logique et une esthétique d'ordre télévisuelle plutôt que cinématographique - Salvadori nous en parle très bien. Pour autant, cet aspect téléologique de la comédie, Salvadori l'assume pleinement quand il évoque ce principe d'efficacité qui anime son travail, l'ennui au cinéma qu'il considère comme un "péché" (il semblerait qu'il reprenne là un mot de Samuel Fuller). Et c'est drôle comme "penser au public" et "être efficace" deviendraient presque des insultes dans la bouche d'un autre, et à quel point l'entendre de la bouche de Salvadori nous fait du bien (aucun auteur français ne tient un discours pareil), parce qu'il s'agit là de la morale, de la politique d'un auteur, qui a compris qu'être dévoué à la fiction c'est, d'un même mouvement, être dévoué à son spectateur.

En accès libre , émission publiée le 11/04/2015
Durée de l'émission : 90 minutes