Ce soir-là, la salle est pleine, et la scène aussi : le MegaOctet présente son nouvel album, Crouch Touch Engage. On est en 2009. Dix musiciens (et non pas huit !) se serrent sur la petite scène du Triton, aux Lilas (93), sous la direction d’Andy Emler, piano ouvert. Entre deux morceaux, l’œil rieur, il annonce : « le prochain morceau est dédicacé à Gabriel Fauré et Marvin Gaye ! ». Éclat de rire général, surtout chez les musiciens. Moi, je lève les yeux de mon verre de vin blanc, un peu indécise : je n’ai pas compris la plaisanterie.

Pianiste, compositeur, chef d’orchestre et diseur de blagues, Andy Emler s’attache depuis le début des années 1980 à défier toutes les étiquettes. Faute de mieux, on le range dans le jazz, mais sa musique en déborde de toutes parts. À la tête du MegaOctet, il organise la parole collective sur fond d’énergie rock des années 70. En solo, il revisite Ravel et transforme le piano en orchestre symphonique. À ses heures perdues, il improvise à l’orgue dans les églises qui le laissent faire. En duo, il déploie son humour, sa joie et sa malice.

Un duo, c’est peut-être le format proposé aujourd’hui : Andy Emler nous accueille dans son atelier de musique pour le tout premier blindtest de Hors-Série. Le principe est connu : je lui fais écouter et deviner une sélection de morceaux soigneusement choisis, et nous les commentons ensemble de manière spontanée. Porte d’entrée vivante dans les œuvres, le blindtest est un format très prisé des journalistes musicaux. La différence est ici que nous écoutons les morceaux en direct devant la caméra : pas besoin d’aller les chercher, vous êtes immergés avec nous dans le processus. Pour cette première session, nous parcourons les mondes du jazz, du rock et de la musique classique — et bien sûr les chemins de traverse entre tout ça. Bienvenue chez ce débonnaire amoureux !

Raphaëlle TCHAMITCHIAN