Pour la plupart des journalistes et commentateurs, expliquer les causes profondes de l’affrontement entre la Chine et les Etats-Unis semble impossible. Mélange de paresse intellectuelle et d’ignorance, leurs « analyses » se limitent à de pauvres théories bien souvent superficielles et individualisantes. Tantôt on accuse le nationalisme de Trump tantôt les visées impérialistes de Xi Jinping.

Face à ces impasses, Benjamin Burbaumer se sert des outils de l’économie politique internationale afin de saisir ce qui se joue sous nos yeux. Pour comprendre les raisons de la rivalité sino-états-unienne, il faut en revenir au début des années 1970. D’un côté, les Etats-Unis font face à de multiples crises. La société craque de toute parts. Pour répondre aux contestations qui enflent et menace la stabilité du pays, un nouvel acteur émerge : le capital transnational. Il promet alors que la mise en place d’un grand marché mondial, la libéralisation financière et commerciale et les thérapies de choc néolibérales constitueront la réponse à la crise strcuturelle du capitalisme.

De l’autre côté, la Chine connait elle aussi une crise économique et de faibles indicateurs de développement. L’aile libérale du Parti Communiste Chinois mené par Deng Xiaoping voit la mondialisation comme une aubaine.

Sauf que derrière la convergence d’intérêts qui semblent unir Washington et Pékin, les motivations des deux pays divergent. Tandis que les Etats-Unis souhaitent bénéficier d’une main d’œuvre à bas cout, d’un accès à un marché prometteur de centaines de millions de consommateurs tout en maintenant la Chine dans un statut subordonné, le PCC souhaite stimuler le développement national.

Depuis, non seulement la Chine a rattrapé son retard mais prétend désormais reconfigurer en profondeur la mondialisation. Pour cela, elle met en place tout un tas d’infrastructures physiques, techniques, numériques avec pour objectif une réorganisation sino-centrée du marché mondial.

Ainsi, paradoxalement, c’est en devenant capitaliste que la Chine apparait aujourd’hui comme une menace pour l’hégémonie états-unienne.

Tarik BOUAFIA