La Révolution française et les colonies
Aux Sources
Marc Belissa
Émission conçue et animée par Tarik Bouafia
La séquence qui s’ouvre avec la convocation des Etats généraux le 5 mai 1789 et se referme le 1er janvier 1804 par l’indépendance d’Haïti constitue un moment d’anthologie dans l’histoire de l’Humanité. Rarement avait-on vu des événements se dérouler avec une telle intensité et bouleverser aussi radicalement l’ordre des choses.
Il faut pourtant se garder de toute lecture téléologique de l’histoire. Car non, ni l’abolition de l’esclavage ni la libération du peuple de Saint-Domingue n'étaient écrites d’avance. Contre une vision linéaire, mécaniciste et simplificatrice, seule une approche éminemment dialectique, où la question des contradictions est centrale, peut nous permettre de mieux cerner la complexité et le déroulé de ces processus.
De même, l’idée selon laquelle la Révolution aurait irradié les colonies de ses principes, provoqué les mouvements insurrectionnels des esclaves et apporté la liberté et la civilisation, relève d’une lecture franco-centrée, diffusionniste et particulièrement paternaliste. Au contraire, écrit Marc Belissa : « La Révolution française (ou plutôt ses acteurs individuels et collectifs) n’a pas provoqué les révolutions et les troubles coloniaux qui ont leurs propres dynamiques selon les territoires, mais elle a créé - volontairement ou involontairement – les conditions dans lesquelles ils se sont déployés ».
Ainsi, c’est la rencontre entre les événements en métropole et dans les colonies qui conduit à l’embrasement de l’empire colonial francais. L’exemple de l’abolition de l’esclavage en est la parfaite illustration. Alors qu’il avait été constitutionnalisé par l’Assemblée constituante le 13 mai 1791, la loi d’abolition du 4 février 1794, votée par la Convention, s’inscrit d’une part dans un contexte de radicalisation populaire et démocratique depuis la chute de la monarchie et la Constitution de l’an II en métropole, et d’autre part grâce à la révolte des esclaves et la soif de libération dans les Antilles.
Privilégiant une histoire connectée, Marc Belissa réfute l’idée selon laquelle les empires coloniaux étaient des espaces clos, repliés sur eux-mêmes. C’est au contraire les formidables circulations des hommes, des écrits, des idées qui ont permis de diffuser ce « vent commun » de liberté, d’égalité et de fraternité.
Tarik BOUAFIA