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Bonaparte et la fabrique de l'État

Aux Sources

Marc Belissa & Yannick Bosc

Si Napoléon jouit d’une considérable audience, Bonaparte quant à lui reste relativement méconnu. Et pourtant. Avant d’être consacré premier empereur des Français, le militaire avait mis en place un régime sur mesure, à la hauteur de ses ambitions : le Consulat (1799- 1804). S’il s’inscrit dans la continuité du Directoire (1795 - 1799), il y opère néanmoins des ruptures majeures et décisives. Le pouvoir législatif est remplacé par un exécutif fort. La politique, accusée d’avoir déchainé les passions et conduit à l’anarchie révolutionnaire, laisse la place à l’administration. Désormais, il incombe à un gouvernement des experts de guider le peuple. La démocratie se voit confisquée, vidée de sa puissance subversive par une aristocratie du savoir.

En radicalisant la contre-révolution thermidorienne, le Consulat consacre la toute-puissance de la propriété. Les ouvriers sont mis au pas, les grèves et révoltes sévèrement réprimées. Les femmes, devenues des sujets politiques pendant la révolution, sont sommées de retourner dans leurs foyers. A l’œuvre émancipatrice de la révolution se substitue l’enseignement à l’obéissance, chacun devant retrouver sa place dans un ordre hiérarchique et autoritaire.

A l’extérieur, Bonaparte construit son hégémonie sur les peuples européens, préparant le terrain à ses futures conquêtes impériales. Il se livre avec l’Angleterre à une compétition pour la domination du monde. Cette lutte géopolitique passe par la reprise en main et la reconquête des territoires coloniaux, notamment à Saint-Domingue et en Guadeloupe. Des politiques d’extermination y sont menése, s’apparentant, pour reprendre le mot d’Yves Bénot, à une véritable « démence coloniale ». A l’ordre bourgeois et patriarcal s’ajoute un ordre raciste et colonial sanglant.

Poursuivant leur précieux travail de recherche sur la révolution française, Marc Belissa et Yannick Bosc signent un ouvrage essentiel pour mettre en lumière une période cruciale qui a vu la mise en place d’institutions, de structures et de pratiques qui imprègnent aujourd’hui plus que jamais notre régime politique et l’organisation de la société. En cette année du bicentenaire de la mort de l’empereur, il apparaît essentiel de rappeler l’œuvre funeste du Premier Consul.

Tarik BOUAFIA

Aux Sources , émission publiée le 13/11/2021
Durée de l'émission : 83 minutes

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