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Voyage en Misarchie

Aux Sources

Emmanuel Dockès

La liberté, moi je suis pour.
Vraiment, je trouve ça super.
D’ailleurs c’est pour ça que ça marche bien la pub. Que ce soit pour vendre un yaourt, un téléphone ou des serviettes hygiéniques, la promesse est toujours la même : la liberté ! Et ils ont bien raison, parce qu’après tout c’est ça qu’on veut tous, non? Etre libres, vivre comme on l’entend, faire ce qu’on veut de sa vie, de son corps, de son temps… Moi, par exemple, si j’étais vraiment libre, je ferais des trucs pas possibles, des choses incroyables, j’aurais une vie dingue et libérée de tous les carcans qui briment ma créativité et mon désir.

C’est du moins ce dont j’étais persuadée jusqu’à ce que je referme le livre d’Emmanuel Dockès. « Voyage en misarchie. Essai pour tout reconstruire » (Ed du Détour). Utopie, joyeuse et parfaitement crédible, à mi-chemin entre le roman et l'essai, le livre prend la forme du témoignage d'un personnage perdu sur une terre inconnue à la suite d'un accident d'avion, dont il va découvrir les règles et les mœurs. La misarchie, le régime dont s'est doté le pays imaginé par Emmanuel Dockès, offre à ses habitants des services publics opulents mais pas d’État, la liberté d’entreprendre sans capitalisme, un temps de travail de 15 heures hebdomadaires, des entreprises auto-gérées...

Grâce à un corpus de règles subtiles et à une stricte répartition des pouvoirs qui empêche toute domination d’un groupe, d'une institution, d'une idéologie, d'une morale sur le reste de la société, les habitants de la misarchie jouissent d’une liberté quasi infinie pour choisir le mode de vie qui leur correspond. Ils peuvent consommer des drogues dures, avoir une vie sexuelle débridée, vivre en communauté, être polygames, s’habiller comme bon leur semble, avoir les pratiques religieuses les plus étranges… tout est parfaitement toléré tant qu’on ne cherche pas à l’imposer aux autres.

Au fil des pages, en prenant conscience de ce que serait une société où la liberté est prise réellement au sérieux, on est tenté d’imaginer ce qu’on pourrait en faire soi-même. Quelle serait ma vie si tous ces possibles s’offraient à moi? Et c’est là que j’ai dû me rendre à l’horrible évidence : je pense qu’elle serait peu ou prou la même ! Un mari, des enfants, une maison, un travail, des vacances de temps en temps… Ce serait d’une banalité affligeante. Mais ce qui est formidable, c’est que la misarchie permet ça aussi, il n’y a pas d’injonction, d’aucune sorte (contrairement à la pub, qui y est d’ailleurs interdite !). En revanche, je serais drôlement heureuse, qu’autour de moi, tout le monde puisse faire absolument ce qui lui chante...

Aux Sources , émission publiée le 10/06/2017
Durée de l'émission : 86 minutes

Regardez un extrait de l'émission