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La fabrique du consommateur

Aux Ressources

Anthony Galluzzo

Dans ma vie idéale, mon appartement est rempli de meubles vintage uniques chinés dans les puces de Montsoreau. En pratique, chaque excursion brocantière est un cuisant échec et je finis déambulant, hagarde, dans l’enfer d’Ikéa. Pourquoi ? Parce que je déteste négocier. N’ayant aucune conviction sur la valeur intrinsèque des choses, j’ai toujours l’impression soit de me faire arnaquer soit d’insulter le vendeur en proposant un prix trop bas. Ce que j’aime, c’est rentrer dans un magasin, regarder l’étiquette du truc qui me plaît, et décider toute seule. Et surtout que personne ne vienne me parler.

En lisant la Fabrique du consommateur, une histoire de la société marchande (Zones), d’Anthony Galluzzo, j’ai compris mon problème : je suis une « shoppeuse flâneuse ». Mon rapport à la marchandise a été forgé par des dispositifs mis en place depuis le XIXe siècle pour instituer une pratique fluide, passive et décrispée de la consommation : la possibilité du remboursement rendant toute transaction réversible, l’exposition des objets en vitrine évitant de devoir demander au vendeur d’aller chercher un produit dans la réserve et l’affichage du prix fixe évacuant le rapport de force du marchandage…

Ces innovations liées à l’émergence des Grands magasins constituent une étape parmi d’autres dans l’histoire de notre conversion à la consommation depuis le XIXe siècle, telle que la retrace Anthony Galluzzo dans son essai saisissant. Saisissant et nécessaire pour qui s’intéresse aux voies de désintoxication collective de la marchandise.

Laura RAIM

Aux Ressources , émission publiée le 29/05/2021
Durée de l'émission : 85 minutes

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