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Narcotrafic, stade suprême du capitalisme

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Je vous emmène cette semaine dans les zones les plus reculées, les plus sombres et le plus cruelles de notre économie : le marché des drogues, en particulier celui de la cocaïne. Un marché qui a explosé en Europe, et en France, au cours des quinze dernières années. Un monde sans règle, qui échappe au contrôle de l’Etat et de la loi, mais qui échappe aussi à ses propres acteurs, les trafiquants se livrant entre eux une guerre sans merci où les positions dominantes ne le sont jamais pour longtemps, où les hiérarchies sont aussi intenses qu’évanescentes, la concurrence entre producteurs de poudre blanche se déroulant sur un fond de corruption tout azimut, de blanchiment d’argent, mais aussi, et surtout, sur un fond de violences extrêmes : traite humaine, torture, esclavage des temps modernes et assassinats commis par de jeunes garçons à peine sortis de l’enfance.
Il serait rassurant de croire que cette économie de la cocaïne, illégale, souterraine, criminelle, n’a rien en commun avec l’économie capitaliste, normale et légale. De croire qu’il y aurait une opposition tranchée entre les « sales » affaires des narcotrafiquants et le « doux » commerce des autres capitalistes (vendeurs de chaussures, d’ordinateurs ou de produits financiers). Les choses sont pourtant plus nuancées. Il y a, entre ces deux faces du capitalisme, une certaine porosité, et une porosité certaine. « L’argent du crime ne s’impose pas au monde des banques ; il lui est nécessaire. Le blanchiment d’argent est un pilier du capitalisme mondialisé ». Ce constat est le fruit d’une longue enquête auprès de magistrats, de douaniers, de policiers et de chercheurs que l’auteur-réalisateur de documentaires Christophe Bouquet a rencontrés, avec son co-auteur Mathieu Verboud, pour produire l’édifiante enquête qu’ils publient ces jours-ci aux éditions La Découverte : Narcotrafic, le poison de l’Europe.
La montée de l’extrême droite et les actes terroristes ont parfois tendance à faire oublier, aux dirigeants politiques comme à l’opinion publique, à quel point le crime organisé, dont la drogue est un maillon essentiel, constitue lui aussi une menace de premier ordre pour la sécurité collective. Nous n’avions jamais traité ce sujet à Hors-Série. Sans doute avions-nous notre part dans ce que mon invité du jour qualifie de grand « aveuglement collectif ». Il faut dire aussi, à notre décharge, qu’il n’est pas facile d’aborder le sujet des drogues sans alimenter la spirale du « tout-répressif » et du « tout-pénal », dont vous savez combien elle nous débecte. Et justement, sur cette épineuse question – comment répondre de manière intelligente aux menaces que le marché des drogues fait peser sur nos sociétés ? et comment le faire sans tomber dans l’objectif illusoire d’éliminer les drogues ? – Mathieu Verboud apporte des éléments passionnants.
Une émission à ne pas manquer !
Manuel CERVERA-MARZAL
6 réponses à “Narcotrafic, stade suprême du capitalisme”
remarquable, cet homme est très courageux, on a peur pour lui ! gabriel
Merci à Christophe Bouquet d’avoir bravé le stress pour partager son témoignage, qui remet cet aspect de notre société contemporaine dans une perspective historique et politique. À compléter peut-être avec les apports de Philippe Pujol, autre journaliste spécialisé dans les stups français ?
Merci beaucoup pour cet entretien riche, j’avais suivi avec grand intérêt les deux séries sur Arte (Histoire du trafic de drogue – 2020, et Mafias et banques – 2023), je n’avais pas retenu le nom de Christophe Bouquet, maintenant je sais qu’il a été à l’origine de ces documentaires importants.
Merci beaucoup à Christophe Bouquet d’avoir, à visage découvert, témoigné de son travail et de celui de celles et ceux qu’ils ont interviewé pour leur livre et leurs documentaires.
Si je peux me permettre, il y a une coquille à 43:44 (il manque un « c » à coCaïne) et il y a un petit bout de montage restant à la toute fin de la vidéo.
Impressionnant. Il semble complètement détruit de l’intérieur et pourtant il continue à avancer sur ce terrain miné.
Rien que pour lui laisser petitement une déclaration d’empathie, je vais acheter son livre et en parler autour de moi.Peut-être aurait fallu questionner les itinéraires, car une grande partie de la cocaïne va directement aux états-unis depuis l’Equateur et la Colombie sans forcément passer par Rotterdam . Compte-tenu du prix , un focus plus important sur les clients finaux aurait été pertinent.En France avec les « bâtons » Sarko , la police n’a aucun intérêt à rechercher les têtes de réseau… le contrôle des banques internationales est peu probable du fait de la collusion des régimes occidentaux avec l’oligarchie financière. Le fait que la soit présenté sur Arte nous dit que ce documentaire ne remet pas en cause l’oligarchie et ses présupposés . Voir à ce sujet l’article du Diplo et la dernière vidéo de la librairie Tropiques: censure en veux-tu en voilà !
J’avais noter quelques critiques… qui ont été adressées au fil de l’entretien. Et d’autres sujets aussi, auxquels je n’avais pas pensé.
Merci pour la qualité de ce travail.
Un petit truc, toutefois : ce capitalisme nihiliste, le plus d’argent le plus rapidement possible, sans aucune autre considération, fait penser au capitalisme nihiliste que l’on retrouve notamment dans l’administration Trump ou dans l’industrie de « l’IA » : le plus d’argent tout de suite, et peu importe tout le reste.
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