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L'Ordre et le monde

Aux Sources

Juan Branco

Je ne sais pas si vous vous souvenez d'un temps où le monde vibrait à l'unisson, où les JT du soir nous abreuvaient d'images de sommets internationaux avec poignées de mains et embrassades entre grands de la planète. La France était championne du monde, Céline Dion n°1 du top 50, Kouchner était la personnalité préférée des Français, Clinton et Eltsine étaient morts de rire et se tapaient sur l'épaule, et tout le monde rêvait d'aller faire de l'humanitaire. On nous parlait de droit d'ingérence, de Communauté internationale, de droits de l'Homme et de Justice Universelle. La paix et l'amour allaient finalement triompher et, partout sur le globe, les Méchants seraient pourchassés et sévèrement punis.
C'était trop bien...

C'est dans ce contexte de fin de l'Histoire, où le monde regardait dans la même direction, qu'est née la Cour pénale internationale. Signé par 120 pays en 1998, le statut de Rome définissait le rôle et le fonctionnement de ce qui allait devenir l'organe permanent de la justice mondiale. Dans la droite ligne de Nuremberg, cette cour était censée juger les crimes les plus graves, ceux qui, comme elle l'affirme dans son préambule, "défient l'imagination collective". Elle comptait également s'en prendre aux principaux responsables de ces crimes. C'en était fini de l'impunité des grands criminels, qui seraient désormais poursuivis sans relâche, quelque soit leur rang et leur grade. On avait déjà commencé à régler leurs comptes aux bouchers sanguinaires mangeurs d'enfants dans les Balkans et les génocidaires potentiels n'avaient qu'à bien se tenir!

Il s'est passé 14 ans depuis l'entrée en fonction effective de la CPI en 2002, et le bilan que tire Juan Branco de ces quatorze années d'activité dans son livre "L'ordre et le monde" n'est pas très reluisant. Le banc des accusés n'a jusqu'ici accueilli que des Africains, les rares condamnations n'ont concerné que des lampistes ou des opposants que les vainqueurs voulaient bien livrer pour s'en débarrasser, l'Afghanistan ou l'Irak attendent toujours que la Cour se penche sur les potentiels crimes de guerre commis sur leur sol.


Alors certes, ses défenseurs mettent en avant la jeunesse de l'institution et le peu de moyens dont elle disposerait (140 millions d'euros annuels tout de même) et expliquent qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Las, on a un peu de mal à imaginer comment ça pourrait aller mieux. Il faut se rendre à l'évidence: la "communauté internationale" n'existe pas et la CPI est au mieux inutile, au pire, un outil de plus au service des grandes puissances.

Au final, Juan Branco pose la question de la validité de cette justice sans territoire et attire l'attention sur l'absence de symboles, de signes, d'incarnation dans le décorum de la Cour. Les couloirs et le tribunal de la Haye ont, à force d'épuration et de neutralité, fini par ressembler à un mélange entre le Ministère de l'Information de Brazil et un Apple store. Même si en regardant bien, on peut déceler une troublante ressemblance entre le logo de la CPI et celui de la Nouvelle république dans Star Wars… Je ne suis pas très au point sur l'organisation politique de la Galaxie mais il me semble qu'elle tourne plutôt mal.

Juan Branco "L'ordre et le monde. Critique de la Cour pénale internationale" (Fayard).

Aux Sources , émission publiée le 07/05/2016
Durée de l'émission : 85 minutes

Regardez un extrait de l'émission