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commentaire(s) publié(s) par Vincent B

6 commentaires postés

11/02/2023 - Dans le Texte - Retraites : prenons le pouvoir !

Merci pour cette émission qui mêle deux discours qui rarement se confrontent, celui du terrain et celui des penseurs. C'est caricatural évidemment, chacun des deux invités étant plus que cela.

Pour autant on voit qu'il y a des contradictions entre les deux points de vue. Face à "l'idéalisme" de Friot, Judith fait poindre une perplexité. Prenons l'exemple de cet hypothétique retraité de 50 ans, titulaire d'un droit au salaire, souverain de son temps, émancipé du rapport de subordination envers les propriétaires capitalistes mais dont sa présence dans les entreprises serait garantie par la loi.

Pour Friot il serait un vecteur de subversion par la base, au sein des entreprises. Un agent révolutionnaire qui permettrait de convertir à force de dialogue et d'action, par contagion, le reste des salariés au modèle du salariat révolutionnaire. Oui mais encore faudrait-il que ce même retraité trouve la motivation d'aller dans son entreprise ou son usine, même libre de dire merde au contremaître et au patron. N'est-il pas plus vraisemblable qu'il aille aux champignons ?

Friot raisonne sur sa propre expérience, celle d'un universitaire épris de ses sujets de recherche. Mais entre son expérience et celle de 90% des salariés il y a quand même un gouffre, celui de la nature même du travail accompli. Pour beaucoup, et alors même que le travail peut être par ailleurs un accomplissement, il est aussi une usure et une astreinte du corps et de l'esprit. Judith l'a suggéré, a même posé la question à Adrien Cornet. Sa réponse fut sans appel pour dire qu'il voyait mal un raffineur retraité de 50 ans continuer à venir travailler. Mais ça ne semble pas avoir perturbé Bernard Friot. Et force est de constater qu'au final la contradiction est restée sans réponse durant le reste de l'entretien.

Et finalement on est en droit de se demander si ce n'est pas symbolique de l'impuissance qui était l'objet même de cette émission.

posté le 30/03/2023 à 02h39 ( modifié le 30/03/2023 à 02h41 )

17/09/2022 - Dans le Texte - Que fait la police ?

à cherpove :

Faire de l'auto-organisation un principe n'est pas (nécessairement) contradictoire avec la continuation de la République, et donc du respect de l'Etat de droit qui veut qu'une loi unique s'applique à tous et toutes sur un territoire donné. Mais il est clair que pour toute pensée anti-capitaliste ou anarchiste, il est toujours difficile de bien discerner ce que dans l'"Etat capitaliste" il faut supprimer et ce qu'il faut conserver (si il faut vraiment garder quelques chose). C'est une ligne de crête qui sera déterminante pour les idées et les expériences à venir : jusqu'où les populations locales doivent-elles retrouver une autonomie ? Le principe de subsidiarité a-t-il vraiment une limite ? L'Etat peut-il conserver des prérogatives ? En l'occurrence ici une auto-gestion de la cohésion sociale et de la répression mettrait sans aucun doute et régulièrement une partie de nos droits individuels (garantis par l'Etat) en tensions. Pour reprendre votre exemple et les termes de Judith : est-il légitime qu'une autorité exogène (un Etat-nation par exemple) interdise la libre détermination d'une communauté locale ayant décidé de la lapidation d'une femme jugée coupable d'un crime admis collectivement au seins de cette même communauté ? Pour nous la réponse est évidente car nous sommes habitués à penser en termes de Droits de l'Homme (c'est à dire de droits universels, c'est à dire d'une limitation de notre champs de liberté axiologique). Pour autant les populations locales se sentiraient sous domination si un interdit venant de l'extérieur venait contraindre leur légitime délibération, respectueuse du principe démocratique. Les Etats modernes se sont construits par négation progressive du droit des communautés. Cette centralisation élargie de la décision fut une condition de possibilité du capitalisme. Dans une optique de décroissance et de sortie du capitalisme, il risque d'être compliqué de déterminer à quel niveau les communautés recouvrent leur liberté. Autrement dit la République peut-elle survivre à la sortie du capitalisme et à la décentralisation qu'elle suppose ? Ou pour le dire de manière encore plus succincte : La République décentralisée n'est-elle pas une aporie ?

posté le 20/09/2022 à 03h45

05/02/2022 - Dans le Texte - L'avenir (des jeunes) en commun

Merci Hors-série pour cet entretien très intéressant. Les questions posées résument très bien l'ensemble des thématiques clivantes sur l'éducation et l'enseignement et les conceptions philosophiques attenantes. Articuler ces problématiques avec le programme de l'avenir en commun est une super idée qui nous permet de mieux l'appréhender ainsi que de mettre des visages sur des écrits.

Je voulais aussi saluer le courage qu'est celui de la non neutralité politique qui refuse le douillet confort de la critique sociale se vivant hors la sphère réelle de la vie démocratique institutionnelle, pour ne pas dire qui la refuse par posture élitiste.

posté le 10/03/2022 à 01h32

03/04/2021 - Aux Sources - Confinés à tout jamais

Au commentaire de "titou" :

Je me permets de rebondir sur votre commentaire à propos de l'anthropocène qu'on pourrait, selon vous, plus justement appeler capitalocène. En effet attribuer au seul capitalisme la raison de la rupture entre ce que nous sommes en tant qu'espèce et notre environnement est chose tentante.

Pourtant en reculant notre regard on se rend compte (enfin les paléontologues et autres logues) que le bouleversement des écosystèmes est quasiment inhérent à homo sapiens dès ses origines, voire peut-être même aux homonines. Dès que nos cousins lointains ont acquis une maîtrise technique suffisante leur permettant in fine de devenir des colonisateurs perfectionnés, des espèces ont disparus sur leur passage. C'est le cas par exemple de la mega-faune des Amériques et d'Australie.

L'histoire de l'Homme semble dès lors être une course infinie vers la domination de la nature. Le capitalisme n'est au fond qu'une phase d'accélération (exponentielle) de ce mouvement.
Le capitalisme n'est, à bien des égards, qu'une conséquence, qu'un moment.

S'interroger sur nos impasses devrait avant tout nous amener à questionner nos fondements moraux, devrait passer par un questionnement anthropologique.
Devrait conduire à nous demander ce qui nous pousse à nous enfermer dans nos cavernes modernes et à passer notre temps soit à travailler soit à trouver des loisirs ? Quelle insatisfaction fondamentale ont fait de nous des ecocides ? Pourquoi ne pouvons-nous accepter la nature telle qu'elle ?

Sommes-nous nous-même capable de changer ? Avons-nous la force de renoncer à nos vies modernes ? Ou préférons-nous faire semblant de continuer à croire au progrès en tant que pourvoyeur de solutions ? C'est un peu l'interrogation de Latour il me semble.

posté le 07/04/2021 à 02h02

11/07/2020 - Dans le Texte - Premières mesures anticapitalistes

Entretien intéressant et pourtant un peu désespérant tant la stratégie et les modalités concrètes de sortie du capitalisme semble être des notions assez flous même pour ceux qui y consacre une bonne partie de leur temps et de leur volonté.

Une piste n'a pas été explorée : celle de la "subversion institutionnelle en tant que telle", c'est à dire l'utilisation des institutions pour sortir des institutions. En un sens on peut dire que ce fut une partie de la tradition de la gauche républicaine radicale qui avait pour ambition la prise de pouvoir de l'assemblée dans le but de modifier radicalement les institutions politiques et économiques. Or cette perspective n'a jamais donné de résultats reellement subversifs tant il semble impossible de convaincre par avance le peuple de changer des institutions qui, bien qu'elles leur semblent injustes, assure la continuité d'un ordre plus ou moins stabilisé, garantie d'une tranquillité, même pour les plus démunis.
Finalement les seuls accès de la "gauche" aux institutions se firent dans le cadre d'alliances (gauches pluriels, cartels) où les forces subversives étaient systematiquement minoritaires donc inoperantes.
La France Insoumise et Melenchon incarne cette même illusion d'une gauche potentiellement subversive mais qui, si on écoute attentivement, nie fondamentalement sa volonté révolutionnaire. Et pourquoi LFI se doit d'atténuer sa portée subversive ? Par clientelisme électoral, c'est-à-dire justement par volonté de mise en conformité avec les institutions actuelles.
On pourrait imaginer comme stratégie alternative, l'édification d'un discours progressiste car électoraliste cachant une volonté révolutionnaire. Mais il me semble que c'est se bercer d'illusions que de penser cela comme une possibilités réelle. De plus ça serait inscrire l'acte révolutionnaire dans un mensonge initial ce qui est gênant quand l'objectif est la volonté d'une société qui tend à supprimer les dominations, donc les manipulations.

Il me semble donc qu'il faut faire le constat lucide qu'il n'est pas possible de convaincre une majorité de citoyens à la mise en œuvre d'une politique du désordre induit par une politique subversive (disons communisme ou anticapitaliste).

Pourtant il me semble qu'une alternative est crédible, c'est celle qui consiste à présenter une liste à l'élection présidentielle qui porte comme proposition unique (!) l'instauration d'une nouvelle constitution mettant en place une nouvelle république dite de démocratie directe (tirage au sort, deprofessionalisation de la politique,...). L'établissement d'une constituante étant alors une possibilité d'instaurer un débat profondément subversif mais perçu par les citoyens non pas comme l'irruption d'un désordre mais bien plus comme l'édification d'un nouvel ordre plus démocratique.
Les gilets jaunes attestent de cette aspiration. Il est, il me semble, très significatif de constater que c'est sur une proposition portant sur les règles démocratiques (RIC) que le consensus a réussi à s'opérer au sein de gens aux tendances idéologiques et politiques différentes. Significatif également de constater que le niveau de subversion a augmenté au fur et à mesure que le mouvement progressait et que les gens discutait.
Bien sûr la question des médias reste un problème épineux si on veut que cette occasion ne se retourne pas comme une opportunité pour le capital. On peut penser que la "requisition" de France TV comme média de diffusion égalitaire des opinions durant la période d'établissement de la nouvelle constitions permet tout de même d'avoir une stratégie de contournement des médias du capital.

Le déroulement serait ensuite imprévisible mais c'est cela même l'essence de tout changement de régime et l'essence démocratique. On ne peut prévoir dans sa chambre, pour reprendre l'expression de Lordon, ce que sera l'avenir ni le planifier selon des probabilités théoriques.


A noter qu'au fond LfI et Melenchon ont axé une partie de leur campagne sur cette stratégie de "révolution citoyenne" et on peut attribuer une partie des bons résultats dans les urnes à la ferveur suscitée par la création d'une nouvelle république. Pourtant le discours de Melenchon et des leaders de LFI étaient largement inaudibles puisqu'ils mélangeait cela à un programme politique et que Melenchon lui-même incarnait une personnalisation en contradiction symbolique avec l'émergence d'une démocratie plus directe.


Personnellement je crois en cette voie, comme espace des possibles ouverts. Il s'agirait ensuite de convaincre, de deconstruire les idéaux, les préjugés, ce qui, et c'est un euphémisme n'est pas une mince affaire. Mais gardons espoir car la confrontation d'hommes et de femmes motivés à leur liberté est sûrement le plus grand pourvoyeur de solutions nouvelles, donc subversives pour l'ordre en place.
Quand à Frédéric Lordon, il a déjà montré qu'il était capable de jouer un rôle crucial lors de ces moments charnière où il faut susciter l'émulation des volontés et donc des intelligences.

posté le 11/11/2020 à 02h42

16/12/2017 - Dans le Texte - La société autophage

Il est intéressant de remonter la chaîne des "utopies" : Friot dénonce le programme de la France Insoumise comme une vaine tentative d’accommodation du capital (L'Etat social, soit l'idiot utile du capital qui pérennise un système qui tend intrinsèquement à se détruire), et à son tour il se fait catégoriser comme un alter-capitaliste par Jappe.
L'interview est intéressant du fait même qu'il ressemble à certains moments et à bien des égards à un débat.

J'ai trouvé que Jappe a été malaisé pour expliquer en quoi les anciennes civilisations utilisant une "monnaie d'équivalence générale" se distingueraient ce celles qui pourraient exister aujourd'hui si on interdisait l'accumulation de valeurs. Ainsi j'ai eu du mal à saisir ce qui, de son point de vue, détermine une société capitaliste : est-ce la valeur elle-même (et son expression la monnaie) ou sa fonction sociale, ou autre chose ?

Avec Friot c'est plus simple puisqu'il prend le prisme de la lutte des classes en expliquant grosso modo qu'une société capitaliste c'est une société où les marchands (bourgeois) ont imposé, à travers des institutions qu'il détaille, leur définition de la valeur, c'est à dire celle qui permet et favorise la mise en valeur de la valeur elle-même.

Il me semble que les deux hommes réfléchissent à des échelles différentes : l'un réfléchit sur une redéfinition de la valeur tandis que l'autre s'interroge sur son occurrence.

Merci pour cet interview qui, malgré tout, rend plus net certaines lignes de crête de la pensée anti-capitaliste.

posté le 11/01/2018 à 05h11 ( modifié le 11/01/2018 à 05h22 )