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commentaire(s) publié(s) par CEDRIC STEPHANY

4 commentaires postés

23/09/2017 - Aux Sources - Place au débat


Gauchet s’en sort plutôt pas mal.
Sa prestation est pourtant passable.
Parfois même médiocre. Il s’en tire à peu près parce qu’en face, Manuel n’a pas été capable de lui apporter la contradiction. Gauchet est un vieux routier. Il sait louvoyer. Mais quel manque de préparation! Manuel est tout sauf un idiot. Mais là, force est de constater qu’il s’est gentiment fait amuser. Marc Richir, un philosophe majeur, un contemporain de Gauchet, mort il y a peu, et qui fut un des amis de MG dans les années 70 dit quelque part que Gauchet, qu’il admirait à l’époque, s’est désintégré au fil du temps. Ce ne sont pas ses mots, mais c’est ce que Richir laisse entendre. En tous cas, c’est vraiment l’impression qu’il donne Gauchet, à l’entendre parler : un intellectuel désintégré.
Désintégré au sens direct. Au sens de l’éparpillement.
Sa pensée, aussi brillante puisse-t-elle paraître à l’abord, consiste en une vaste dispersion. C’est pour ça qu’on n’arrive pas le classer. Il laisse lui-même ce flou moirer la ritournelle à son avantage Et le chaland se dira : Ah oui, inclassable : génial. Richir est resté intègre. Il a creusé un sillon historique. Qui connaît Richir? Gauchet lui, dit au tout départ de l’entretien « ... ma contribution modeste à la pensée etc... », puis, la phrase d’après ou presque « On n’a plus de grand récit, voyez-vous, c'est ça le problème du monde actuel, je travaille donc à en créer un nouveau ». Rien que ça... Chauffe Marcel. Il ne dit pas « je vais contribuer, modestement, à la reconstruction du récit qui nous manque » Non, il dit, « je vais moi-même... ».
On en est là...
Là où un autre plus réveillé que Manuel n'aurait pas manqué de mettre le grand penseur face à ses contradictions, c’est, pour prendre ce seul exemple, au moment où il est question des luttes multiculturelles/progressistes/sectorisées...
SI chaque petit groupe social lutte pour sa petite cause à lui, on tombe dans le "narcissisme des petites différences", on singularise les causes politiques, au détriment de l’ensemble, du commun... Tel est l’écueil sur lequel bute la politique de nos jours. Gauchet donne un nom alors à l'os : l’individualisme.
La séquence flotte alors étrangement, vous aurez remarqué, dans un discours abstrait aux termes vagues et généraux. C’est que Gauchet ne peut ici développer son argument jusqu’à son terme logique sans retour du refoulé. Dans l’absolu, on accordera à MG qu’une lutte d’émancipation ayant une visée universelle vaut mieux qu’une myriade de luttes partielles où chaque groupe lutte dans son coin. Il faudrait, pour bien faire, canaliser toutes ces dynamiques politiques en une forme. Il faudrait que toute la société lutte d'un seul tenant, sous l'horizon du bien commun : sortir, au concret, jusqu'au dernier miséreux de la misère. Après on voit venir, le reste. Mais cette lutte qui mettrait tout le monde à son diapason en vue d’une cause commune, on sait très ce que c’est. C’est le lutte sociale communiste. C’est la lutte finale. Mais MG aura en effet commencé l’entretien par affirmer que le marxisme n’était plus carrossable. Pauvres de nous.

posté le 24/09/2017 à 04h18 ( modifié le 24/09/2017 à 04h22 )

04/02/2017 - Dans Le Film - Mulholland Drive ou l'écologie des images

Merci pour cet entretien passionnant. Je dois comprendre que j'appartiens moi-même à la catégorie des cinéphiles old-school. J'ai vu le film de Lynch pour la première fois l'année dernière, après avoir lu l'étude que Pierre Tévanian lui consacre dans les pages de LMSI. Tévanian, si ma mémoire est bonne, met l'accent sur les deux principaux ingrédients de la recette narrative du chef-d’œuvre : l'amour, les femmes. Celles-ci et celui-là sont en effet réduits à l'état spectral par la machine hollywoodienne. Et, en particulier, le mâle hollywoodien, le producteur misogyne (désormais à la Maison-Blanche) méprise - tel est le chiasme constituant le noyau dur de l'analyse de Tévanian -, les femmes à travers l'amour et l'amour à travers les femmes. Là où ce mâle commande aux destinées de l'image - de l'âme - l'amour réel, authentique, n'est plus possible qu'en rêve.
Les analyses sur l'excrémentiel portées par Hubert Aubron évoquent inévitablement Lacan. Or la référence à la psychanalyse est un bonne clé pour comprendre le film. L'inconscient de l'imaginaire contemporain a partie liée au stade du miroir : c'est dans le regard de l'Autre que le "je" vérifie son unité... Le passage à la nouvelle économie cinéphilique est à penser dans les coordonnées de l'anthropologie psychanalytique. Il correspond à une inversion dans l'économie même - dans la "structure" - du stade du miroir. Ce point est clair pour moi, mais trop long à développer.. Pour le dire d'un mot toutefois : l'intuition lacanienne que le film de Lynch entrecroise tout du long, c'est "la forclusion de l'Amour par le Capital". (Capital qui consiste comme on sait en un régime de circulation des images et des communications marchandes dont la Silicon Valley et Hollywood sont les organes intendants "sans corps" et "sans cœur")

Les pistes de Hubert Aubron sont très stimulantes quoi qu'il en soit. Un grand merci à Muriel Joudet pour la qualité de ses émissions!

posté le 05/02/2017 à 14h25

21/01/2017 - Dans le Texte - L'effondrement qui vient

@Judith. Je me permets ces quelques remarques, car vos propos, fort sincères, me les inspirent. J'ai moi-même un fils, bientôt deux, une fille, grandissant avec leurs questions, dans un monde sans réponse.
Pour mener la lutte que vous évoquez, ne faudrait-il pas, avant toute chose, s'extirper d'urgence de nos vies urbaines connectées.
S'arracher à ce mode d'existence écocide que nous adoptons par défaut en restant planté là, sous la loi d'une frénésie que le capital en majesté impose désormais à quiconque cède quelque mesure que ce soit sur son désir de liberté. Sans doute faut-il avoir en tête l'image du baron de Münchhausen pour se faire une idée de l'absurdité de la situation. Nous sommes en quelque manière voués à devoir nous tirer hors de l’effondrement en se soulevant nous-mêmes par les cheveux ! Captifs, nous sommes, de ce que le désir de liberté périclite. Il faut bel et bien partir de la mauvaise nouvelle – de la situation telle qu'elle est. Et le pessimisme en la matière ne se fera jamais faute d’être trop radical. La situation est bien pire, en effet, que tout ce qu'on pourra en dire. Ce que nous avons du mal à nous avouer, c’est que la liberté ne nous intéresse plus. "Pour ma part, quelque chose d’obscur m'anime, comme une pulsion de mort, qui me pousse à désirer l'aliénation". Ce diagnostic, à l’endroit duquel je renâcle, est le seul pourtant que je sache à même d’orienter la thérapie dans la voie de l’intériorité, dans la voie de cette décision métaphysique que Kierkegaard nomme « reprise ». La reprise, puisqu’il s’agit en réalité moins de "survivre" que de "revivre". Entre la frénésie qui répète tout sans jamais rien changer et la simplicité idéale avachie dans l’abstraction du concept, un regard critique plus attentif verra s'ouvrir l'étroit défilé vers la « rupture ». L’autonomie ne tombe pas du ciel. Elle se conquiert - toujours Kierkegaard - avec le stade éthique.
C’est le moment de la fidélité. Celle-ci, on songe ici à Nietzche cette fois, se doit bien à l’opprimée: la terre. Rompre avec la ville lumière, métaphore impromptue d’une civilisation de l’électricité à l’agonie, pour revivre à la campagne, de rien, les mains dans la terre, ensemble. Former des communautés qui tiennent la route. Tout cela exige toutefois organisation, rigueur et, osons le mot – discipline. Toutes choses visiblement proscrites du vocabulaire de l'ultra-gauche... Un grand merci à Pablo.

posté le 22/01/2017 à 12h36

02/07/2016 - Aux Sources - La sociologie en roue libre

Ceux que Deleuze appelaient, avec bienveillance, les « penseurs privés », ne chasseront désormais plus impunément sur le pré carré de la sociologie académique ! Il y a bien quelque chose de l’esprit français, soufflant là, dans les sarcasmes de nos deux intervenants. Quelque chose de l’esprit français, dans ce qu’il a, peut-être, de plus corrosif, et à la fois de plus agaçant : l’esprit de contradiction systématique. La pensée négative érigée en système. Mais système dont la cible se constitue elle-même de la pensée négative ! La pire imposture, de leur point de vue, serait donc à chercher dans la « déconstruction », avec son déni radical du réel et du référent. L’esprit français livre alors querelle à son ennemi complémentaire, son autre indispensable : le « terrain » ne vaudrait pas une heure de peine au sociologue scientifique s’il n’était méprisé par le sociologue histrionique. Pour Mafessoli, ils tirent là, clairement, sur une ambulance, qui n’avance plus que sur trois roues, dans une épaisse fumée noire. Badiou, lui, c’est quand même différent. Comme chacun sait, il est doté d’une culture à large spectre… Bien que moi-même loin de souscrire aux tenants et aux aboutissants de son ontologie, ni encore moins de fétichiser quoi que ce soit de sa personne – je goûte même fort peu, au demeurent, la pose du philosophe dont il se pâme dans les médias – je suis forcé de reconnaître une cohérence entre ce qu’il caractérise d’une part, comme les conditions génériques de la vérité philosophique (Amour, art, science et politique) et le fait, d’autre part, que les propos qu’il tient sur ces différends sujets, ne sont généralement jamais dénués d’intérêt. D’ailleurs, toute proportion gardée, personne, à ma connaissance, ne fit grief à Leibniz de toucher sa bille dans pratiquement tous les domaines de la science de son temps. Seulement voilà, la masse de connaissance à maîtriser pour être à jour des avancées d’une discipline académique fait qu’un chercheur qualifié dans sa discipline ne peut plus, de nos jours, s’extraire de la case théorique que lui assigne cet ordre de fer qu’est devenue la division du travail universitaire. C’est alors Girard, par exemple, le chartiste, et anthropologue de génie, snobé par les anthropologues de profession. Ou c’est encore Foucault, autre exemple, dans les années 70, copieusement raillé par Vincent Descombes pour avoir enfilé la casquette de journaliste ! J’ai ceci dit, beaucoup d’affection pour cet esprit français, incarné là, brillamment, à mes yeux, par les deux sociologues intervenants. Esprit marqué du culte des idées claires certes, mais excellant par sa rigueur, son souci de l’honnêteté et de la sobriété. La création de ce carnet est sans aucun doute une bonne chose.

posté le 03/07/2016 à 08h09