Heurs et malheurs du Parti communiste français
Aux Sources
Julian Mischi
Je n’ai jamais eu un bon a priori sur le Parti communiste. D’abord parce que, de droite durant mes jeunes années, j’associais logiquement les communistes à des fauteurs de trouble, des fainéants, des ennemis de la liberté (rien que ça). Puis j’ai basculé à l’extrême-gauche. Mes sociabilités militantes et mes affinités intellectuelles m’ont alors porté vers une sorte de trotskisme libertaire (si une telle chose existe). Depuis ce nouveau poste d’observation, ma vision du PCF était presqu’aussi négative qu’auparavant même si, bien entendu, la nature des griefs avait évolué. Désormais, je voyais le PCF comme un parti mou, réformiste, bureaucratique, inféodé au PS et, surtout, n’ayant jamais tiré le bilan de sa longue errance stalinienne et des crimes sur lesquels les communistes avaient fermé les yeux.
Ça, c’était avant de militer, lorsque ma connaissance du communisme était exclusivement livresque et, avouons-le, un peu abstraite. En m’engageant vraiment (puisqu’on se dit tout : c’était au NPA), j’ai rencontré de nombreux et nombreuses militant.e.s communistes, qui ne collaient pas avec l’image que je me faisais de leur parti. Ils étaient mes camarades de lutte, même si nous n’étions pas de la même organisation. Je me souviens que sur certaines questions, comme celles de la démocratie et des quartiers populaires, ils manifestaient une curiosité plus aigue que les trotskistes avec lesquels je militais.
Pétri de ces impressions ambivalentes, je me suis emparé de la monumentale histoire du PCF que le politiste Julian Mischi vient de consacrer au parti de Thorez, Marchais et Buffet : Le parti des communistes. Histoire du PCF de 1920 à nos jours (éditions Hors d’atteinte, 2020). Ce livre, qui s’inscrit à certains égards dans le courant de l’historiographie populaire, accorde autant de place aux militant.e.s de base qu’aux grosses huiles du parti. Il met ainsi en évidence des phénomènes méconnus : en dépit de sa fermeture bureaucratique, le PCF a pu constituer un espace d’éducation, de promotion et d’épanouissement pour plusieurs générations d’ouvriers ; en dépit de son idéologie conservatrice et de son manque de considération pour les luttes féministes, il a aussi permis à des femmes d’accéder à des positions de dirigeantes et d’élues qui leur étaient inaccessibles dans les autres partis.
L’histoire du PCF est celle d’une tragique ambivalence. D’un côté, elle est indissociable de son versant totalitaire et autoritaire. D’un autre côté, le nom du parti demeure attaché à un horizon d’émancipation post-capitaliste qui est plus que jamais d’actualité. Avec mon invité du jour, je vous propose de revenir patiemment sur les heurs et malheurs du parti de la place du colonel Fabien, qui fête cette année son centenaire.
Bon visionnage !
Manuel Cervera-Marzal
Commentaires
5 commentaires postés
Bonne émission.
Par Aubépine, le 24/12/2020 à 14h56
Tiens, pourquoi citer Raymond Aron est un problème ? :)
Par Julien Degreef, le 23/12/2020 à 00h29
Rétrospective honnête sur son passé, moins lucide sur son histoire contemporaine j’ai l’impression.
Robert Hue, soutien d’E. Macron en 2017 afin d’éviter "le pire". On en parle ?
Par lets-get-schwifty, le 14/12/2020 à 15h48
Je n'ai pas encore vu l'entretien qui sûrement va m'intéresser mais en lisant la présentation, cette phrase m'a d'abord amusé :"Puis j’ai basculé à l’extrême-gauche. Mes sociabilités militantes et mes affinités intellectuelles m’ont alors porté vers une sorte de trotskisme libertaire (si une telle chose existe)."
Puis je me suis souvenu que pendant la révolution espagnole, ça existait vraiment : le POUM.
Comme je vous aime bien, je veux bien croire que ça existe aujourd'hui...
Par Aubépine, le 12/12/2020 à 23h02
Riche aperçu en mode panoramique de ce monde foisonnant, profond et massif du pcf.
Par René THIBAUD, le 12/12/2020 à 21h56