Gens du voyage et racisme environnemental
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William Acker
Laura Raim
Émission conçue et animée par Jeanne Guien
- "Où sont les gens du voyage?" demande William Acker.
- Sur la route ?, hasarderait une sédentaire.
- Sur des terrains illégaux !, affirmerait un policier.
- Chez nous ! répliqueraient beaucoup d'autres, dans l'idée que l'appellation "gens du voyage" renvoie à une origine, une ethnie, une altérité irréductible et jamais légitime.
Le travail de William Acker, juriste et chercheur, permet de déconstruire ces imaginaires racialisants, et de faire connaître les réalités sociales qu'ils occultent. Depuis 2019, il dresse un inventaire critique des "aires d'accueil des gens du voyage" en France. Sous cette appellation apparemment technique, se cachent des réalités méconnues des non-voyageurs.ses (ou "gens du surplace", selon son expression) : une assignation à résidence dans des lieux pollués, enclavés et sous-équipés, et une racialisation institutionnelle qui ne dit pas son nom.
L'identification comme "gens du voyage" d'une partie de la population française s'inscrit en effet dans une longue histoire, celle des différentes définitions ethniques d'une partie des citoyen.es français.es pratiquant l'habitat mobile. Définitions nourries d'antitsiganisme qui constituent le fondement de dispositifs de contrôle et de surveillance visant, in fine, à la sédentarisation et l'assimilation de personnes jamais reconnues comme habitantes des lieux où elles vivent depuis des années, des décennies ou des générations.
Cet "antitsiganisme d'Etat" se traduit aujourd'hui par une situation criante de racisme environnemental : les personnes identifiées "gens du voyage" se retrouvent assignées à résidence dans des "aires d'accueil" hautement polluées, dangereuses pour leur santé, qui les marginalisent et les invisibilisent.
Cette réalité reste peu abordée par les collectifs qui se réclament de l'écologie, et les discours écologistes sont souvent utilisés contre les voyageur.ses, dans le but d'empêcher leur installation dans des sites sains ou agréables. Dans son livre Où sont les gens du voyage? Inventaire critique des aires d'accueil, William Acker s'attache à (re)visibiliser cette réalité et son histoire, les luttes qui l'ont accompagnée et celles qui restent à construire.
Jeanne GUIEN
Commentaires
5 commentaires postés
Excellent entretien de Jeanne Guien qui donne de bonnes conditions et permet à William Acker de déplier paisiblement mais aussi avec brio ce monde invisible. Ex infirmier en psychiatrie sur Rennes travaillant dans la précarité les gens du voyages ont toujours été difficile pour notre équipe (Assistante sociale psychologues psychiatre infirmiers) à rencontrer . A l'éclairage de ce qui a été dit je perçois mieux ce monde qui nous semble t il ne formulait pas de demande.
Par Maunoir Charbonnel, le 18/07/2022 à 20h35
Un panorama très clair et complet des enjeux.
Par elvire bornand, le 16/07/2022 à 11h11
Merci pour cet entretien. Je savais que les gens du voyage étaient maltraités, mais à ce point.... Emission d'utilité publique !
Par J. Grau , le 12/07/2022 à 10h31
Beau travail. Rejoint pleinement le combat écologiste, une urgence pour la justice sociale et environnementale.
Par René THIBAUD, le 12/07/2022 à 00h36
Le racisme au quotidien encore et toujours ... les habitants de l'aire de Lubrizol ne sont pas suivis médicalement bien sûr: ne jamais reconnaitre ses fautes est l'adage de notre état au service de l'oligarchie et touts les petits bourgeois médiocres en sont les plus fidèles partisans. Les dernières élections l'ont encore montré. Le nazisme a de beaux jours devant lui...
Par titou, le 09/07/2022 à 21h29