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Art work is work

Aux Ressources

Aurélien Catin

Lorsque Livres Hebdo lui demande s’il se sent « concerné par les difficultés rencontrées par les auteurs », Alain Damasio répond que non : « D'abord, il y a tellement d'autres secteurs qui sont dans la merde et qu'il faut mieux aider. En second, je pense que nous produisons trop. Certains écrivent sans avoir la nécessité vitale de le faire (…). Je n’ai pas envie de défendre tout ça, ce n’est pas prioritaire. Pouvoir créer est un privilège ». On ne saurait trop conseiller à l'écrivain culte de la gauche radicale de lire Notre condition, l’essai sur le salaire au travail artistique (Riot editions, 2020) d’Aurélien Catin. Il s’apercevrait que son propos condense tout ce qui ne va pas avec la position des auteurs engagés qui affirment leur solidarité avec les mouvements sociaux et/ou s’emploient dans leur oeuvre à développer des imaginaires révolutionnaires mais continuent de considérer la « création » artistique ou littéraire comme une sphère à part, le « privilège » de quelques élus, et non pas comme un travail.

Membre du collectif La Buse et de l’association Réseau Salariat, Aurélien Catin invite les artistes-auteurs à développer « une militance politique, qui ne soit pas d’abord morale ou esthétique, mais qui s’attaque directement aux structures encadrant le travail artistique ». En l’occurence, il s’agit de sortir du paradigme du droit d’auteur, qui transforme les artistes en propriétaires d’un patrimoine dont ils s'efforceraient de tirer une rente. « Nous ne pouvons pas continuer de nous poser en esprits indépendants, en chercheur·ses de formes et d’idées neuves, et en même temps défendre la propriété intellectuelle », écrit-il dans son ouvrage percutant. « Plus que de fantaisie, l’art a besoin de politique ». Nourri des travaux de Bernard Friot sur le salaire à vie, Aurélien Catin appelle à se placer résolument sur le terrain du travail. Car oui, sous le voile de la « passion », de la « vocation » et de la « création », les artistes et les auteurs travaillent, produisent de la valeur économique et sont donc légitimes à conquérir des droits sociaux. C’est en tant que travailleurs solidaires avec les autres travailleurs qu’ils trouveront leur juste place dans les mouvements sociaux.

BIBLIOGRAPHIE :

- Mathieu Grégoire, Les Intermittents du spectacle, Enjeux d’un siècle de luttes (de 1919 à nos jours) La Dispute, 2013
- Nicolas Da Silva, Philippe Batifoulier, Jean-Paul Domin, Économie de la santé, Armand Colin, 2018
- Bernard Friot, Judith Bernard, Un Désir de communisme, Textuel, 2020
- Silvia Federici, « Salaire contre le travail ménager », Le foyer de l’insurrection. Textes sur le salaire pour le travail ménager, collectif L’Insoumise, Genève, 1977

Aux Ressources , émission publiée le 10/04/2021
Durée de l'émission : 71 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

4 commentaires postés

Salutations,

Tout d'abord, merci beaucoup pour la vidéo.
J'en profite pour vous signaler qu'il y a une pétition en ligne pour la création d'un véritable statut https://framaforms.org/ne-soutenons-pas-les-artistes-remunerons-les-travailleurses-de-lart-1618262207.
Cet appel est soutenu par la Buse notamment ;-)

Prenez soin !

Par Amine Chadly, le 24/04/2021 à 01h41

Salut camarades,

Lorsqu'un de mes cousins, ouvrier de la métallurgie, a vu sur BFM les intermittents du spectacle occuper le théâtre de l'Odéon et a balancé sans plaisanter "de quoi ils se plaignent ces feignasses, ils bossent trois mois par an ?!", ça m'a profondément dégouté. Je me suis dit qu'il ne savait pas ce qu'il disait. Il n'a sans doute pas réalisé qu'un spectacle ça se bosse tous les jours. Ce qu'il pouvait voir d'ordinaire durant des représentations était le résultat d'un travail qui avait fini par trouver un public. Il ne voyait pas non plus le travail pour tout ce qui n'a pas pu trouver son public, notamment en ce moment à cause des fermetures décidées par Macron et sa clique même si c'était déjà le lot de beaucoup de travaux artistiques, avant la crise.

Lecteur d'Alain Damasio depuis quelques années, je découvre avec stupeur ce que vous citez de lui dans votre description.
Que mon cousin, ignare sur la question et peut-être un peu jaloux des artistes car sa propre condition d'exploité, à la chaine dans une entreprise capitaliste, ne lui procure aucun plaisir et le rabaisse à n'être qu'une "ressource", puisse à ce point participer à la négation et à l'invisibilisation de leur travail et de leur lutte, je peux le comprendre. Par contre, qu'Alain Damasio le fasse, ça me sidère.

Merci Aurélien Catin d'incarner au quotidien la pensée de Friot à travers vos travaux. Je vais malheureusement un peu participer à renforcer le système actuel en achetant votre livre (j'apprécie l'accès au PDF gratuit, raison de plus pour vous acheter le livre). Je peux cependant vous assurer que mon activité quotidienne n'est pas si éloignée du chemin que vous empruntez.
Comme vous, j'ai arrêté de travailler dans le privé, à faire de la merde pour le capital, il y a un peu moins de 2 ans. Je travaillais en tant qu'administrateur systèmes et réseaux. Je profite encore un peu de la poursuite de mon salaire (de mon chômage donc) pour travailler comme je l'entends avant de continuer, comme le dit Friot, "à bricoler de mon côté avec le RSA".

Par Will Scarlett, le 13/04/2021 à 15h35 ( modifié le 13/04/2021 à 15h53 )

J'ai beaucoup aimé. L'atmosphère est calme et le propos passionnant. Merci.

Par Petersg83 LPL, le 12/04/2021 à 14h43

Division du travail : "ce qui est vrai de la production matérielle s'applique à la production intellectuelle" (manifeste du PC)

Par polo, le 10/04/2021 à 19h39 ( modifié le 10/04/2021 à 19h42 )