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Les nouveaux fossoyeurs de la science

Aux Sources

Stéphane Horel, Stéphane Foucart et Sylvain Laurens

La science est une chose noble, désintéressée, dont les résultats sont indépendants des préférences politiques de ceux qui les produisent. En théorie, en tout cas. En pratique, les choses sont plus complexes. Précisément en raison des nombreuses vertus qu'on lui prête, la science intéresse au plus haut point les industriels. Si les marchands de pesticides, de sucre, de tabac, d'OGM ou de pétrole peuvent mettre la «raison» de leur côté, et rejeter leurs opposants, notamment les écologistes, du côté de l'obscurantisme et des «amish», pourquoi s'en priver ? C'est précisément ce à quoi on assiste depuis quelques années. Non contents de financer des scientifiques qui produisent des études bidon pour dissimuler la nocivité (sur la santé, sur l'environnement) de leurs marchandises, les grands industriels tentent désormais de s'attirer les faveurs des vulgarisateurs de science qui pullulent sur YouTube, sur Facebook, sur les blogs et sur Twitter. Ces «micro influenceurs», comme on les appelle dans le jargon, en viennent ainsi à relayer, souvent de bonne foi, des éléments de langages concoctés par des agences de communication au service de multinationales. Et, autant le citoyen lambda se méfie lorsqu'il voit une publicité Monsanto, autant il a plutôt tendance à faire confiance à l'amateur de science qui diffuse bénévolement son savoir sur le net.

Par ce cheminement subtile, la vision du monde d'industriels climato-sceptiques infuse insidieusement dans le sens commun. Comment en est-on arrivé là ? Ces nouvelles techniques de lobbying ont été savamment théorisées. Elles fonctionnent, en grande partie, parce qu'elles sont méconnues. Dans une enquête fouillée et engagée, mes trois invités du jour lèvent le voile sur toute cette désinformation scientifique. Stéphane Horel et Stéphane Foucart sont journalistes au Monde. Sylvain Laurens est sociologue à l'EHESS. Ils sont tous spécialistes du lobbying et des conflits d'intérêt. Ils livrent ici un travail passionnant sur Les gardiens de la raison (éditions La Découverte), une raison malheureusement instrumentalisée par des intérêts économiques et politiques qui la dépassent. Au nom de la raison, haro sur la raison !

Bon visionnage,

Manuel Cervera-Marzal

Aux Sources , émission publiée le 17/10/2020
Durée de l'émission : 86 minutes

Commentaires

17 commentaires postés

Très intéressant ; ça fait penser. L'animateur est excellent (comme d'habitude)…
Pour le reste des échanges, ça me rappelle les années septante : tout avis donné sur le ton neutre d'une analyse critique mais tranquille renvoie en fait, en creux, à des réponses déjà induites. Heu si je dis "idéologiques", je vais me faire engueuler, parce que cette critique est déjà incluse dans le système dialectique. Alors disons "catéchisme(s)". Conséquemment, j'ai peur de n'avoir pas été vraiment convaincu par les différents intervenants, hélas, en dépit de ma détestation personnelle du sytème libéral et consorts. Si les intérêts industriels, conscients ou non, conduisent à des "biais" comme vous dites, le militantisme caché aussi. Hélas, on parle toujours "depuis quelque part"…
Merci quand même

Par JACQUES CHAUSSEPIED, le 12/11/2020 à 18h52

Très bon entretien , engendrant matière à penser. Merci.

Par Jean-Michel Guiet, le 08/11/2020 à 15h53

pour information : Jean Bricmont a répondu méthodiquement, par écrit, aux critiques que Stéphane Horel, Stéphane Foucart et Sylvain Laurens lui ont adressées dans leur livre, critiques nettement plus acerbes que ne laisse supposer les propos assez vagues tenus par MM. Foucart et Laurens à la fin de cet entretien. On trouvera cette réponse facilement en entrant dans un moteur de recherche les noms des quatre protagonistes du débat.
Cordialement
Yves Guiard

Par Yves Guiard, le 28/10/2020 à 20h44

À ma connaissance Thomas Durand (cité vers les 50 minutes de votre vidéo) a un doctorat en biologie et critique ouvertement Didier Raoult sur sa chaine youtube et plusieurs fois. La tronche en biais accueil en son sein aussi des vulgarisateur de gauche (comme Vled Tapas qui s'est exprimé sur le sujet sur la chaine youtube suivante :https://www.youtube.com/watch?v=5zx6eTgOKg0). Il me semble que la chaine défend aussi les positions du GIEC sur l'écologie, la sociologie, la philosophie... Je n'ai pas lu le bouquin de vos invités mais les faits que j'évoque me questionne sur à quel point ils ont travaillés en détails dans leurs enquêtes sur les vulagarisateurs scientifiques qu'ils critiquent. Je me souviens toutefois qu'il y a eu plusieurs ingénieurs/scientifiques qui ont été invités sur cette chaine, donc là j'avoue que je ne sais pas trop quoi penser. À votre avis, est-ce qu'il y a eu des gros raccourcis ou alors c'est juste que vous n'avez pas le temps de rentrer dans le détails dans votre interview ?

Par Etienne Borzeix, le 25/10/2020 à 12h49

Avant de donner mes remarques je suis stupéfait par certains des commentaires que je viens de lire: inintelligibles, lapidaires, langage pseudosavant, intentionnellement ou visiblement consciemment ou inconsciemment mal veillant, telle est ma première impression. Une belle illustration "du diable qui se cache dans les détails" et qui n'a pour résultat que de nous perdre un peu plus dans ce sujet pourtant passionnant.

Et pourtant Manuel est remarquable comme toujours, clair, précis assez " sécur" (pour faciliter la parole de l'invité qu'il met véritablement en valeur), il connait bien son sujet, garde et tient bien le fil de son émission. Bref c est un régal.
Merci aussi à ses trois invités qui ont comme dénominateur commun de défendre la cause de l'intérêt général et dont ils ne cachent pas d'où ils parlent (enfin! dans ma naïveté c est ce que j'ai cru saisir)
SCIENCE: monde complexe, monde qui se veut objectif, reproductible, sans équivoque, au delà de la morale,des affects, de la doctrine, du partial du subjectif, de l'intangible. Bref un monde qui pourrait se croire au dessus de la mêlée (tout près de Dieu)et finalement... "mon c.. c'est du poulet!" Comme les autres approches il faut prendre en compte l'humain qui ne peut échapper à l'expérimentation à l'analyse. Un praticien un observateur qui croit ou qui se croit objectif c'est pas possible et c'est défoncer une porte ouverte que de dire cela ( c'est juste bon de rappeler ça et c est bon pour retrouver un peu de modestie).
La science vulgarisée donc, comment se l'approprier?. Pour ma part ayant eu une pratique du monde hospitalier et de l'écoute professionnelle je fais avec les moyens du bord et ma petite expérience.Un journaliste, un scientifique "trop sachant" me met en alerte. Comme tout le monde j'imagine?, je cherche à comprendre derrière le discours, derrière la façade de celui qui expose l'intentionnalité, je cherche les signes infra-cliniques qu'il émet, j'écoute, comme l'a conceptualisé la psychanalyse, par une écoute "flottante" le métalangage. En somme je fais ce que je peux mais derrière la petite musique du discours j’entends les creux les bosses mais surtout l’intentionnalité à laquelle j adhère ou j’adhère pas. Cela dit il faut bien admettre que je me fais souvent " rouler dans la farine"

Donc le Lobbying a de beaux jours devant lui. Sans lui nier son existence (quand commence t il exactement?) il y aurait peut-être à penser une loi plus précise particulièrement sur le financement car il faut lutter à armes égales pour défendre des idées. Mais aussi sur les intervenants dont le "pédigrée" devrait être énoncé et sanctionné quand celui ce révèle fallacieux.

Par Maunoir Charbonnel, le 23/10/2020 à 09h12

Pour tout ceux qui comme moi sont intéressés par la zététique et la méthodologie scientifique et qui ont allègrement visionné le contenu de youtube, je ne peux que déplorer l'invitation de ces "journalistes" sur ce site d'ordinaire d'une extrême qualité. Il ne faut pas quelques minutes pour voir toutes les insinuations fausses ou les fameux "éléments de langage" qui seraient au service des lobbys (c'est pratique, ça permet de ne pas répondre aux arguments).

Il existe effectivement dans les courants zététiciens, tout un pan de droite qui va plus loin que la simple critique méthodologique et qui a tendance à exprimer ses opinions de droite anti démocratique, je pense par exemple à Astronogeek ou bien primum non nocere. Il y a des youtubeurs un peu gauche molle ou centristes, sans grande culture politique tels que Mr Sam, mais qui n'en demeure pas moins porteur d'un discours intéressant et nuancé dès lors qu'il reste dans le domaine de la recherche scientifique.

Il existe aussi des zététiciens de gauche, tel que Peha (un monde riant) ou encore Tzitzimitl qui ont les mêmes arguments en faveur de la méthode scientifique mais qui n'ont pas les mêmes conclusions politiques que les premières chaines citées. Et bien sûr j'en oublie.

Tout ça pour dire que le monde de la vulgarisation scientifique sur internet est complexe et animée de luttes et de disputes passionnantes. En revanche, tous ont le point commun de mieux connaître la science que les individus qui ont commis ce livre. Ils arrivent, malgré leurs antagonismes à tomber d'accord sur de nombreuses choses qui relève de la science et non pas de l'opinion. Et tous savent bien que la science est descriptive et pas prescriptive.

Je vous invite donc à faire votre devoir de journalistes et à vérifier que ce que ces personnes disent correspond à la réalité. La tronche en biais, bien que critiquables sur bien des points, ne se sont jamais fait défenseurs des climato-sceptiques ou de je ne sais quelle industrie.

Par Thibault Daquin, le 20/10/2020 à 16h44

Merci beaucoup pour cette emission très intéressante et instructive

Par VERONIQUE SONIER_1, le 19/10/2020 à 14h44

Tout à fait d'accord avec Tomjika.
Abonné du site depuis l'origine, je suis très content du contenu de la plupart des émissions. Sur celle ci cependant, comme il y a quelques mois sur celle sur le nucléaire avec la Parisienne Libérée, je trouve que ça manque complétement de contradictoire. On a ici quatre personnes complétement d'accord entre elles, et qui expliquent en quoi des absents ont totalement tort.
Par ailleurs, les invités ne développent pas de proposition pour un meilleur traitement des questions scientifiques dans la société. Ils critiquent les gens de l'AFIS, sans que ceux ci ne puissent contre argumenter, ils s'amusent de leur idéologie supposée, ils se désolent de ce qu'ils se mettent, probablement inconsciemment, au service d'industriels manipulateurs,... et c'est la fin de l'émission, pourtant longue.

A la fin de l'émission, il y a ce constat désolé que les champs des sciences sociales et des sciences dures soient trop distincts dans l'enseignement. Ce qui est reformulé de la sorte: "quel dommage que les scientifiques "durs" n'aient pas une meilleure connaissance de champ des sciences sociales".
Je suis tout à fait d'accord, mais le reproche symétrique est tout aussi juste. Quel dommage que les spécialistes en sciences sociales n'écoutent pas aussi (ou ne donnent pas un peu la parole) aux fins connaisseurs des sciences dures!
L'émission a copieusement illustré le premier versant (fort justifié) de l'énoncé. Mais, très satisfait de se retrouver entre pairs, il a complétement omis d'écouter le point de vue scientifique dur.
Si Manuel Cervera-Marzal se sent capable de le faire, il peut porter la parole contradictoire, l'emission en sera plus riche. Sinon, je pense qu'il doit faire intervenir un contradicteur.

Par Vincent Auvray, le 18/10/2020 à 18h50

Réponse de l'AFIS: https://www.afis.org/Journalisme-d-insinuation-apres-les-articles-le-livre

Vous trouverez à la fin de cette article une dizaine d'autres liens vers des critiques du livre par les personnes citées dans le celui-ci.

Un autre article intéressant: http://zet-ethique.fr/2020/09/27/recension/

Par ncnc, le 18/10/2020 à 18h39

A Tomjika

Est-ce que vous pourriez donner un exemple des critiques dont le livre a fait l'objet, et un ou deux liens ?

Par J. Grau , le 18/10/2020 à 17h43

Très intéressant

Par Yanne, le 18/10/2020 à 13h48

@Docteur Couine. Comme l'aurez-peut-être remarqué, les émissions accueillent deux invités au maximum pour des raisons techniques. Or, suite à un malentendu avec l'attaché(e) de presse, nous nous sommes retrouvés avec trois invités. Nous avons donc opté pour cette solution et c'est finalement Stéphane Horel qui a préféré céder sa place par rapport au contenu qui restait à traiter dans la deuxième partie de l'émission.

Par Raphaël, le 18/10/2020 à 13h08 ( modifié le 18/10/2020 à 13h09 )

Certes peu de place est donnée aux critiques du livre mais l’émission reste super intéressante.
En revanche, il n’y a qu’une femme sur les 3 invités et elle est évacuée au bout de 30 minutes. Je ne sais pas quelles sont les « raisons logistiques » qui obligent à discuter entre hommes pendant les ⅔ de l’émission, mais symboliquement, c’est moyen.

Par Docteur_Couine, le 18/10/2020 à 10h14

Déçu qu'il n'y est aucune mention des nombreuses critiques du livre. J'ai le sentiment que ce bouquin s’intègre très bien dans les positionnement idéologiques d'HS (ou du moins de Manuel Cervera-Marzal) et du coup on se retrouve avec 1h26 de servage de soupe.

Je lis dans l'onglet "Qui sommes-nous" que "c’est aussi la « critique » que nous pouvons être amenées à produire nous, en tant qu’intervieweuses : dans le respect de nos invités, toujours, mais avec cette exigence qui nous maintient en dehors de la déférence des interviews promotionnelles. Nous ne sommes pas là pour cirer des pompes ou servir la soupe [...]"

Pour moi cette émission est ratée.

Par ncnc, le 17/10/2020 à 17h19 ( modifié le 17/10/2020 à 17h25 )

Mendax se prend bien la tête avec les auteurs de ce bouquin de ce que j’en ai compris. Et non rien à voir avec le gros craquage de slip d’Astronogrec d’il y a quelques mois.

Il y a même une proposition d’@si sur le sujet dans les tiroirs (mais qui ne se fera probablement pas).

Un débat genre Mendax/Foucard. Voire même avec Vled et Horel en 2v2.

Par HBK, le 17/10/2020 à 15h35

"mini-shitstorm avec la TeB" ? J'ai pas la référence, tu veux pas parler d'Astronogeek ?

Par Cosette way, le 17/10/2020 à 15h31

J’avais pas mal d’à priori au vu de la mini-shitstorm avec la TeB. Mais en fait c’est comme d’ab chez hors-série, c’est bien.

Ce sont des questions qui m’interrogent beaucoup, et même si je pense que je ne ferai pas exactement la même analyse que les auteurs, leur point de vue est intéressant.

Par HBK, le 17/10/2020 à 13h22 ( modifié le 17/10/2020 à 13h23 )