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La guerre des métaux rares

Aux Sources

Guillaume Pitron

Germanium, tungstène, antimoine, niobium, béryllium, gallium... Ces noms ne vous disent rien ? Il s’agit de métaux rares, dont la consommation mondiale a explosé depuis vingt ans. Et pour cause, on retrouve ces métaux dans nos smartphones, nos tablettes et autres objets numériques, ainsi que dans les technologies vertes, voitures électriques, panneaux photovoltaïques et éoliennes. Ces métaux font l’objet de louanges unanimes dans la mesure où ils nous délivrent de la dépendance au pétrole et ils ne dégagent pas un gramme de dioxyde de carbone. C’est du moins ce que prétend le discours officiel, que mon invité du jour réfute méthodiquement grâce à six ans d’enquête à travers douze pays.

En effet, selon le journaliste Guillaume Pitron, auteur de La guerre des métaux rares (Les Liens qui Libèrent, 2018), les apôtres de la transition énergétique se gardent bien de prendre en compte les coûts écologiques, sanitaires et humains générés par l’extraction de ces métaux qui, comme vous le découvrirez durant l’entretien, s’effectue dans des mines chinoises peu reluisantes. De même, les apôtres de la révolution numérique oublient que, derrière le monde immatériel des mails et des visioconférences, subsiste l’indispensable matérialité des appareils électroniques, des câbles sous-marins, des centres de stockage de données et des gigantesques décharges de matériels informatiques.

Guillaume Pitron met ainsi sous nos yeux la face cachée de la transition énergétique et numérique. Notre civilisation se détourne du pétrole au profit des métaux rares. Elle troque une dépendance pour une autre, pareil au cocaïnomane qui se tourne vers l’héroïne pour se défaire de son addiction initiale. Car les ravages environnementaux des métaux rares ne sont pas moins sérieux que ceux de l’or noir. S’y ajoutent un grand chamboulement géopolitique puisque la Chine, qui a acquis le monopole de l’extraction des métaux rares, utilise cette ressource économique comme une arme diplomatique afin de reconquérir le statut de première puissance mondiale. Les tensions entre Pékin et l’Occident sont déjà palpables – embargo, espionnage industriel, ingérence électorale, barrières douanières – et tout semble indiquer qu’elles iront crescendo.

D’où l’urgence de s’informer sur ces métaux si méconnus, car nous ne résoudrons le problème des matières premières qu’à condition de faire usage de notre matière grise !

Bon visionnage !

Manuel Cervera-Marzal

 

Aux Sources , émission publiée le 28/04/2018
Durée de l'émission : 66 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

13 commentaires postés

Tout simplement passionnant.

Par Jean-Philippe Barbier, le 19/05/2018 à 22h30

C'est assez redondant mais pour ceux que ça intéresse, G. Pitron était aussi sur France Culture vendredi dernier. En tout cas, pour moi, il devient clair qu'il faut combattre avec la dernière énergie (si j'ose m'exprimer ainsi) cette espèce de syllogisme qui lui sert à justifier la réouverture de mines. C'est un raisonnement irresponsable, et contrairement à ce qu'il affirme très court-termiste, de surcroît englué dans le cadre bien précis d'une logique néo-extractiviste et capitaliste :

https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/voitures-electriques-panneaux-solaires-eoliennes-la-face-tres-sombre-des-energies-renouvelables
https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins-2eme-partie/voitures-electriques-panneaux-solaires-eoliennes-la-face-tres-sombre-des-energies-renouvelables-2eme

Par Abracadabra, le 02/05/2018 à 19h24

Entretien passionnant, mais l'invité me semble minorer le rôle que continue(ra) à jouer les énergies fossiles. On est très loin du monde totalement "minéral" et post-carbone qu'il esquisse. Les années passent et malgré les prophéties des libéraux optimistes et des zélateurs du capitalisme vert, il y a toujours davantage de centrales à charbon et aucune économie de la connaissance dématérialisée n'est à l'horizon. Les ressources fossiles sont encore quasi-hégémoniques dans la production actuelle d'énergie et la tendance (augmentation du trafic aérien, du commerce mondial, de la consommation individuelle...) n'est pas à la décrue.
Exemple canonique (dont l'auteur m'échappe) : C'est bien beau de commander un billet d'avion sur son smartphone mais encore faut-il que l'avion vole.

Cela fait des années que les écolos alertent sur la possibilité d'un techno-fascisme à venir, où des élites supposément éclairées se proposeraient de gérer la pénurie et de réprimer les masses laborieuses. D'où la nécessité, l'urgence même, de l'écosocialisme, d'une société libérée de la tyrannie de la valeur d'échange et du travail abstrait.

Par donny frisson, le 01/05/2018 à 01h14

Particulièrement intéressant.
Je n'ai pas de solutions toute faites non plus, cependant je demeure très sceptique sur la stratégie de choc consistant à ré-ouvrir des mines pour déclencher une prise de conscience et afin de changer nos modes de vie. C'est, pour le dire poliment, un tantinet casse-gueule et risque au contraire d'initier un mouvement qui nous échappera une fois de plus.

Par Abracadabra, le 30/04/2018 à 19h38 ( modifié le 30/04/2018 à 19h38 )

Guillaume Pitron a une construction de phrase magistrale, qui coule comme une eau de source claire, qui pas à pas nous réveille de nos illusions sur les "énergies durables" ; mais il passe un peu rapidement sur la remise en cause de nos modes de vie, sur le gaspillage et la destruction que leur accélération en tous domaines entraîne.
Et si la solution est d'ouvrir des mines ... diable ! ... sous quelles fenêtres ? ... celles du Jardin du Luxembourg ? à Vincennes ? à Versailles ?...je plaisante... et frémis en imaginant les choix "plus réalistes"...
"Ai-je donc tant vécu" etc etc...
Suis très pessimiste sur un sujet qui fut soulevé dès les années 60, par ceux qui ne se réclamaient pas d'un "parti écologiste" (révulsant) mais prenaient conscience de l'irréversible et retroussaient concrètement leurs manches, qu'on traitait d'imbéciles, de marginaux, d'extrémistes et j'en passe...on connait la suite, de Brice Lalonde jusqu'au triste spectacle d' aujourd'hui.
Capitalisme, libéralisme, numérique...oui, on peut les aligner, ils nourriront la mémoire des luttes... surtout ne pas oublier "consumérisme".
Merci pour cet excellent exposé, toujours intelligemment mené par Manuel Cervera-Marzal ; haut les coeurs ! pour limiter les dégâts et faire reculer l'inéluctable effondrement.
Livre à lire absolument ! Avec les guerres de l'eau à venir, on ne va pas s'ennuyer sur la planète bleue.

Par Liliane, le 30/04/2018 à 17h59 ( modifié le 30/04/2018 à 19h09 )

Magnifique !!!

Par daniele auscaler, le 29/04/2018 à 21h13

Merci pour cet interview qui éclaire sur un sujet central dans les prochaines décennies. Mais le gros manque, c'est qu'on tombe vite dans une vision du monde où l'on essentialise les nations, comme de simples gestionnaires-stratège et composées d'individus-consommateurs qui par la grâce d'un "contrat social" tel que l'auteur le présente en Chine, évolue de manière autonome les unes des autres. C'est très dommageable de ne pas parler du capitalisme, comme système structurant, définissant et orientant la production. Au-delà des données intéressantes, on tape, à mon avis, largement à côté des vrais enjeux. L'auteur en appelle au réel de manière un peu paternaliste, mais ne mentionne pas Glencore, premier groupe minier, ou encore la politique d'obsolescence programmé sciemment mené par Apple ou Huawei, c'est ça aussi aussi la réalité... J'aurais bien aimer que tu le questionnes sur ça Manuel, car non les intérêts des 1,4 millions de chinois, tout comme ceux des 400 millions d'européens, ne sont pas les mêmes face à ces enjeux selon sa position sociale. Non le cadre de Shangaï n'a pas les mêmes intérêts que l'ouvrier travaillant dans les mines ou celle assemblant des iphones.

Par romain.descottes-110352 romain.descottes LPL, le 29/04/2018 à 20h20

participer à casser le mythe de la technologie verte est très utile, déjà des articles de Reporterre avait lancé l'alarme dès 2015(voir ci-dessous) après d'autres intervenants, merci pour ce bon entretien et les relances intelligentes.
Un peu surpris sur la non-critique du système Capitaliste qui exige le profit le plus gros et le plus vite peu lui chaut des lendemains de la planète et de ses habitant(e)s...
La Chine ? elle possède une base militaire à Djibouti, les US 700 bases...ceux-là me font plus peur aujourd'hui, les Libertés ? tout est relatif : existe-t-elle, ici et maintenant en France pour les 10 millions de pauvres ? (dont 3 millions d'enfants !) alors qu'en Chine la famine a disparu, la pauvreté régresse -encore insuffisamment- et que près de 250 millions se situent dans les "classe moyenne" en à peine 50 ans, qu'un pays d'1 milliard 4 d'humains ait été considéré comme une "poubelle" et tire profit des ordures envoyés : je m'en réjouis pourvu qu'elle prenne en compte sur le long terme l'avenir de "notre" planète, même si c'est avec des décalages....


https://reporterre.net/La-croissance-verte-est-une-mystification-absolue

Par morvandiaux, le 29/04/2018 à 17h08 ( modifié le 29/04/2018 à 17h09 )

Excellent contrepoint à l'émission avec Pablo Servigne. Contrairement à ce qu'affirme le titre de la chronique de Daniel Schneidermann sur Arrêt sur Images (https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/terres-rares-que-faire-dun-probleme-sans-solution?comments=open)
chaque problème a une solution si on ne la recherche pas seulement avec les concepts et les moyens d'aujourd'hui.

Par Robert., le 29/04/2018 à 14h19

Entretien absolument lumineux. Merci Hors-Série. Pour ma part, j'ai trouvé cet invité beaucoup plus intéressant que Pablo Servigne, qui me semble davantage nourrir le cirque médiatique que proposer une vraie analyse (en tout cas pour ce qui concerne l'aspect collapsologie).

Par Benjamin Lagues, le 28/04/2018 à 22h20

Super émission, merci Manuel.

Par theztul, le 28/04/2018 à 22h05

@dhinaghena/ . Ça sera corrigé. Nous avons changé de serveur cette semaine et il reste quelques petits bugs à corriger.

Par Raphaël, le 28/04/2018 à 14h24

La version audio ne fait que 5min... :-/

Par dhinaghena, le 28/04/2018 à 13h53