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commentaire(s) publié(s) par Ldpltr

3 commentaires postés

26/01/2019 - Dans le Texte - Gilets Jaunes et gauche anti-capitaliste : que faire ?

@Matt44 : Je crains que vous n’attribuiez, à moi et à la gauche libertaire à laquelle vous m’assimilez, des pouvoirs (d’empêcheur de révolution) que nous n’avons heureusement pas.

Je vous rejoins sur l’idée qu’aucun mouvement d’émancipation n’est chimiquement pur. Cependant, aucun mouvement ne peut non plus devenir émancipateur s’il refuse d’aborder certaines questions clivantes, comme celle de savoir qui doit être concerné par l’émancipation (les patrons autant que les ouvriers ? les ruraux plus que les banlieusards ? les citoyens et pas ceux qui n’ont pas droit à cette citoyenneté ?). Poser ces questions permet d’élaborer collectivement des réponses politiques et des stratégies de lutte, à la fois plus incluantes et plus efficaces (parce que moins on laisse de côté, plus on récolte de soutien).

Lorsqu’on entend les gilets jaunes de Commercy affirmer qu’il ne faut pas parler d’immigration, parce que cela risquerait de faire apparaître des désaccords, on est en droit de s’interroger sur la place qu’ils seraient d’accord pour laisser dans le mouvement aux immigré•e•s et descendant•e•s de l’immigration.

Je ne vais pas relever tous les qualificatifs que vous m’attribuez arbitrairement, mais sachez que c’est justement parce je préfère la lutte des classes internationaliste à la critique populiste de l’oligarchie mondialisée que je ne me retrouve pas dans ce mouvement. Vous avez donc raison de me croire obsédé par le « péril Le Pen », parce je considère que l’extrême-droite a à son actif une victoire que ne peut pas revendiquer pour elle la gauche : d’avoir mis ses thèmes au centre du débat public, et ses idées dans tous les esprits, jusqu’à ceux d’une bonne partie de la gauche radicale.

posté le 13/02/2019 à 13h52

26/01/2019 - Dans le Texte - Gilets Jaunes et gauche anti-capitaliste : que faire ?

@Judith : Je ne suis pas certain que ce que vous nommez la « part d’ombre du mouvement » soit seulement de l’histoire ancienne ou un fait marginal. Il me semble au contraire que, par exemple, un certain nombre de biais et préjugés racistes ou du moins colonialistes sont structurellement présents à la fois au coeur de certaines revendications et au principe de certains points aveugles des GJ.
Considérer cela comme marginal conduit à invisibiliser et à exclure une partie des victimes (de l’injustice fiscale, territoriale, des violences policières, etc.), et à les opposer à d’autres victimes qui bénéficieraient (pour une raison que j’ignore), aux yeux des spectateurs et des organisations politiques, d’une plus grande légitimité.
Je suivrai, comme toujours, avec attention et intérêt, vos prochaines émissions sur le sujet.

posté le 26/01/2019 à 17h37

26/01/2019 - Dans le Texte - Gilets Jaunes et gauche anti-capitaliste : que faire ?

Je trouve inquiétant que le mouvement des gilets jaunes ait fait l’objet de plusieurs émissions par votre équipe et qu’y soit systématiquement évitée la question du racisme et du rejet de l’immigration, pourtant prégnante dans la structuration sociologique et politique du mouvement (discours complotiste sur le pacte de Marrakech, migrant•e•s livré•e•s à la police, rhétorique souverainiste et thèmes nationalistes, opposition construite entre de prétendus délinquants de banlieue venus piller et de véritables gilets jaunes manifestant pour le peuple, etc.). Il en est de même pour le sexisme ou l’anti-féminisme (manifestation « féminine mais pas féministe » des femmes gilets jaunes, mépris pour les manifestations #NousToutes et #NousAussi du 24 novembre), le virilisme et le rejet des minorités de genre et sexuelles qui apparaissent dans les discours et sur les pancartes des gilets jaunes.

Je conçois que vous puissiez considérer ce mouvement comme potentiellement émancipateur, que vous y consacriez du temps et que vous délaissiez à son profit d’autres thèmes qui pourraient pourtant faire l’objet d’émissions tout aussi intéressantes et proches de l’actualité. Mais il me semble que la faible présence (réelle ou proclamée par les divers porte-paroles gilets jaunes) des minorités en général et des personnes racisées habitantes des quartiers populaires en particulier, au sein du mouvement, ou du moins le manque de réceptivité de ce dernier face aux tentatives de jonction mises en œuvre notamment par des militant•e•s antiracistes et issu•e•s des quartiers (comme le Comité Vérité et justice pour Adama, le mouvement lycéen et la participation du Front de mères à ce dernier) devraient au minimum vous interroger et faire l’objet d’un traitement conséquent.

L’absence d’un discours clairement antifasciste de la part des organisations de gauche - mais aussi des médias indépendants et des intellectuels qui y interviennent - face au confusionnisme à tendance complotiste qui irrigue une grande partie du mouvement, contribue en effet, comme le note heureusement Stathis Kouvelakis dans cet entretien, à renforcer un antisémitisme se substituant à l’anti-capitalisme. Mais le parallèle devrait être fait avec le discours anti-assisté•e•s, dirigé notamment contre les racisé•e•s et contre les exilé•e•s, ainsi qu’avec le rejet des minorités caractérisé par un certain nombre d’agressions verbales et physiques de la part de manifestant•e•s.
Plutôt que de souscrire avec empressement à l’hypothèse d’un mouvement servant de « sas de délepénisation », il me semblerait plus à propos de questionner, à tout le moins, les cécités manifestes du mouvement, qui l’empêchent de devenir véritablement progressiste et qui excluent de fait de nombreuses personnes (notamment parmi la « mouvance autonome » qui ne se réduit pas, comme Judith Bernard semble le suggérer ici, aux lecteurs du Comité invisible et de Lundimatin) pourtant spontanément sympathisantes de la plupart des révoltes populaires et également concernées par certaines injustices contre lesquelles luttent les gilets jaunes.

Être à l’écoute des revendications des exclu•e•s du mouvement social permettrait d’accroître sa teneur émancipatrice et de renforcer le soutien envers celui-ci, plutôt que d’y nuire. Je vous remercie toutefois pour cet entretien (qui fait un pas en ce sens) et pour le reste de votre travail à Hors-Série !

posté le 26/01/2019 à 16h08 ( modifié le 26/01/2019 à 16h09 )