commentaire(s) publié(s) par Fitz
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17/10/2015 - En accès libre - Imperium
C'est un samedi pluvieux : j'ai enchaîné les émissions d'@si avec Todd, celle des néoréacs et celle-ci. Mise en perspective sur l'imperium qui donnent à réfléchir.
¤ Todd : la moitié de la France qui est indifférente au sort de l'autre moitié, les précaires, les pauvres, les minorités (la classe moyenne qui aspire à appartenir à la classe dominante et a perdu le principe républicain de la solidarité); Le PS happé par le fond conservateur catholique est devenu un parti de droite qui s'ignore (ce n'est pas la gauche qui a conquis les territoires d'ancrage de ce fond conservateur de morale culpabilisante, mais ce fond conservateur qui a capté la gauche et lui a fait abandonner ses valeurs d'égalité et de solidarité); l'anti-islamisme nourrit l'antisémitisme des populations musulmanes (surtout chez les jeunes que la république délaisse et désespère); l'islam répond à un besoin de spiritualité.
¤ E. Louis amalgame sous le terme "néoréacs pseudo intellectuels" Onfray, Debray et Zemmour, Finkelkraut; Onfray est taxé d'homophobie et de misogynie: personne dans l'émission ne met en doute ces assertions.
¤ Lordon : Tous les résidents appartiennent au corps social et devraient jouir des mêmes droits, de la même souveraineté et de la même égalité ; L'imperium se délite et se recompose, il persiste, quel que soit son état.
J'aimerais partager le calme (l'optimisme?) de Lordon. Oui, le corps social pourrait se redessiner sous l'empire de la raison, conscient et maître de son destin, atténuer les conflits, renforcer les points communs. Oui, il pourrait définir les institutions qui émanent de lui afin qu'elles régulent mieux l'exercice de l'autorité et tendent à asseoir la souveraineté dès le premier échelon de ce corps social.
Peut-être que je suis fatiguée aujourd'hui. Je sors de cette émission plutôt pessimiste. La quête d'affects communs pour rafistoler notre pacte social qui fout le camp m'effraie encore plus. Le PS est de droite, la droite flirte avec l'extrême-droite, l'extrême-droite fanfaronne, la gauche est qualifiée d'extrémiste, équivalente à l'extrême-droite mais en pire (des arracheurs de chemises!). Feue EELV est morte écartelée en septembre. Etre souverainiste dans la continuité du référendum de 2005, aujourd'hui, c'est une dérive nauséabonde qui fait le jeu du FN. Si on défend la laïcité, on devient anti-islamiste. Debray est taxé de dérive droitière(???????). "Débat" signifie une sorte d'inquisition de la pensée qui traque dans le discours de l'autre ce qui le rend suspect et le fait passer en jugement immédiat où il est sommé de montrer patte blanche (ne pas s'interroger sur l'islam, ne pas poser de questions sur les migrants, ne pas douter de l'europe). Il est devenu impossible de douter, de réfléchir, encore moins de se tromper. C'est à dire qu'il n'y pas plus de place à l'élaboration d'une pensée, il ne reste qu'un credo à réciter docilement. Invectives, mépris, insultes. Quand je vois que Onfray et Debray sont traités comme des ennemis de la république pour avoir dit ceci ou cela comme si toute une pensée, le travail d'une vie pouvaient être balayés et disqualifiés pour une phrase qui n'est pas dans la doxa des médias. La situation me paraît très grave.
Oui, vraiment l'imperium mute,se cherche. Pour l'instant, il semble se simplifier à l'extrême dans une approche binaire de la recherche d'identité. Comme quoi, la bienpensance "centriste" n'est pas à l'abri de l’extrémisme : d'ailleurs, c'est comme ça que je comprends la position de Lordon sur je suis Charlie. Il y a un vrai totalitarisme à l'injonction d'être ou ne pas être Charlie. Comme si la réponse était simple, comme si les implications de cette réponse n'étaient que binaires, une fois de plus. Six mois plus tard, je pense que Todd avait raison sur l'inconscient de cette grande manif unitaire - ou "affect unanimitaire".
En tout cas, pendant qu'on étripe ceux qui osent poser des questions gênantes au lieu d'entendre et de réfléchir aux problèmes que ces questions soulèvent, le désarroi de la population délaissée monte, les affects communs ne seront bientôt plus que la colère et la haine.
posté le 17/10/2015 à 20h19
19/09/2015 - En accès libre - Le salaire à vie
Merci pour cette émission très éclairante.
A propos de votre objection judicieuse, Judith, sur les tâches pénibles, j'ai trouvé la réponse de Bernard Friot un peu confuse. Certes la maîtrise de l'outil de travail est une bonne motivation pour compenser la pénibilité de certaines activités (tous les artisans pourraient en témoigner : horaires sans limites) mais elle ne peut rien contre la déconsidération dont souffrent une bonne partie des emplois. Ce qui amène à l'idée que les jurys d'attribution des niveaux de salaires pourraient valoriser précisément ces emplois à l'heure actuelle dévalorisés et non pas seulement évaluer les compétences ou les qualifications. Parce que, finalement, l'idée d'attribuer un niveau de salaire à un niveau de compétence nie l'essentiel : chaque travail a un niveau d'expertise propre, indépendant de la formation, des diplômes. La psychologie du travail a démontré que même l'emploi jugé socialement comme le moins qualifié, le travail à la chaîne de l'ouvrier spécialisé, met en oeuvre un savoir-faire construit sur l'expérience de la tâche et qu'aucun cahier des charges ou description de poste ne sait prescrire. L'expertise dans toute activité humaine consiste à faire face au surgissement de l'imprévu dans la tâche prévue. En somme tout travailleur qui a accumulé de l'expérience dans son activité est un expert (reste qu'on peut être un expert plus ou moins vif, efficace, cela dépend du talent de chacun), quelque soit le domaine.
Cette idée fabuleusement révolutionnaire de salarier à vie toute personne devrait être l'occasion de se débarrasser d'une des plus grande violence sociale qui consiste à hiérarchiser les tâches et à déconsidérer le travail du plus grand nombre (le salaire médian en France en 2014 est de 1675€ brut) jugé de facto, par la valeur qu'on lui attribue, comme moins utile, voire à la portée de tous. Combien d'ingénieurs seraient des quiches à un poste d'OS ? Combien d'OS seraient d'excellents ingénieurs s'ils avaient eu la possibilité d'en avoir la formation? Il faudrait que cette idée du salariat à vie soit complétée par un droit à la formation rémunérée à vie. Un agent d'entretien peut s'avérer très ingénieux dans sa façon de procéder et son talent est gâché parce que définitivement sur des rails de smicard déconsidéré. Un cadre médiocre pourrait être un plombier génial mais il restera cadre médiocre toute sa vie par peur du déclassement, par peur de perdre une rémunération confortable... La première vertu de ce système serait d'asseoir une vraie méritocratie qui permettrait à chacun de rechercher, cultiver et exercer ses talents plutôt que de rechercher de l'argent. Ce système ne serait pas sans violence puisque le niveau de salaire dépendrait du talent et non de la "noblesse" de l'activité mais au moins, il aurait le mérite de rétablir un peu d'égalité.
posté le 18/10/2015 à 13h03 ( modifié le 18/10/2015 à 13h08 )