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commentaire(s) publié(s) par rachidkhafague

1 commentaire posté

26/07/2014 - Dans Le Film - Qui veut la peau du naturalisme ?

Emission agréable à suivre même si (ou parce que) au fur et à mesure des épisodes se dessine un regard sur le cinéma radicalement étranger au mien. Stimulant !

Une chose me gêne cependant dans le discours sur l'objectivité ça et là désignée comme un "naturalisme" aux contours flous. L'aspect gênant réside selon moi dans la manière implicite de pointer et railler la naïveté supposée de ceux qui s'y voient assignés. Les Dardenne étant une cible de choix.

Palmés, appréciés par une certaine critique, etc. autant d'éléments qui contribuent à désinhiber une acidité critique contre ces "vaches sacrées" (ce qu'ils sont peut-être par ailleurs). Pourtant l'objectivité et le naturalisme les Dardenne ne s'en revendiquent pas. Il viennent du documentaire et même là, il n'ont jamais prétendu restituer le réel : ils savent évidemment que l'artifice commence dès le choix du sujet, se poursuit dans le cadre, le placement des micros, des acteurs, des voix, regards... et durant chaque étape de la réalisation. Evidence qui ne casse pas des briques.

L'aspect gênant c'est le paradoxe qui apparaît à propos de Rosetta. Evidemment qu'il y a mille raisons de ne pas apprécier ce film, d'en sortir gêné, mal à l'aise et même de questionner le positionnement (artistique/politique) de ses auteurs. Mais se servir d'une phrase comme "nous on veut aller dans le cul des choses" pour en faire deux crétins incapables de développer une vision de metteur en scène plongés qu'ils sont dans la pénombre d'un trou de balle !... et finalement résumer la mise en scène de Rosetta comme le suivi borné d'un personnage après lequel ils se contentent maladroitement de courir en tentant bêtement de faire croire que la caméra n'existe pas... non mais, sérieusement !

On peut préférer une mise en scène qui prend de la distance ou ne reconnaître la nécessité de la proximité qu'au seul Cassavetes... mais ça ne dispense pas de tenter de prendre en compte la démarche revendiquée par les Dardenne dans leur choix de filmer un film d'une certaine manière : et reconnaître que ce sentiment de "capture" du personnage et du spectateur n'est sans doute pas qu'accidentel. Je n'aime pas Picasso, mais j'ai dépassé le stade consistant à n'y voir que des gribouillis de gamin. Il faut être bien innocent pour railler l'aspect brouillon de leur travail sur l'image (quand il n'est pas nié et transformé en naïveté ahurie courant derrière le "réel"). Aimer le cinéma c'est s'intéresser suffisamment à la technique pour ne pas apprécier un travail sans pour autant nier bêtement le savoir-faire de ses auteurs (quand il existe).

"Les Dardenne disent parfois des choses très très drôles... mais ça se voulait très sérieux je pense". Ce qui est gênant, c'est moins la souriante condescendance exprimée envers les Dardenne (dont j'apprécie le travail... mais dont je me fous un peu) que l'idiotie satisfaite de ce propos ; et le fait qu'il ne soit pas questionné mais au contraire encouragé par un rire complice et approbateur. Alors qu'au fond, c'est pas très malin quoi. Le petit pépin technique qui suit en forme de grève de l'image est au final assez savoureux.

Allez je reprends le visionnage !

PS : oui, c'est toujours plus simple de donner un avis quand il est critique... mais j'aime bien l'émission même quand je suis pas d'accord (pour l'accord systématique, je me tape déjà ce foutu abonnement à moi-même).

posté le 08/08/2014 à 16h19 ( modifié le 08/08/2014 à 17h25 )