Un savoir gai
Aux Sources
William Marx
Voici quelques semaines, je suis tombé sur ces lignes de William Marx, professeur de littérature comparée : « Souvent tu as entendu dire que les gais useraient d’un signe discret pour se reconnaître, et sans doute y a-t-il un peu de vrai là-dedans. Mais quel secret mille fois plus fondamental partagent entre eux les hétérosexuels, qui ont construit le monde dans lequel tu vis ! »
« Etre gai, ajoute-t-il, c’est vivre par principe dans un monde qui t’est étranger ». Si ce décalage est source de souffrances, il permet aussi de poser un regard oblique, décalé, sur des choses aussi diverses que la philosophie de Platon, la vie du Christ, la peinture de Fra Angelico, la prostitution, la pornographie et la pédophilie. A chaque fois, l’expérience gaie rend visible un aspect oblitéré de la réalité. Car notre sexualité informe notre savoir. De sorte que, dans l’essai de William Marx (Un savoir gai, éditions de Minuit, 2018) comme dans l’entretien qu’il nous a accordé, les fragments autobiographiques côtoient des considérations générales sur l’esthétique et la politique.
William Marx raconte avec franchise la découverte de son désir, la façon de se construire dans une société qui vous veut invisible, sa passion pour la littérature où il trouva des modèles d’identification qui faisaient défaut dans son entourage, ses sorties du placard plus ou moins heureuses. Il parle des gais – rapports de séduction, relations conjugales, pratiques sexuelles –, en tant que gai. Mais il s’adresse aussi aux hétérosexuels qui, grâce à l’exercice comparatif, ressortent du livre mieux instruits de leur propre condition. Car c’est le handicap de la pensée dominante que de nier son caractère situé.
Le propos de William Marx est serré et malicieux, suggestif mais jamais dogmatique. Il m’a dessillé sur bien des sujets et j’espère que vous prendrez autant de plaisir à visionner cet entretien que j’en ai eu à le mener.
A bientôt !
Manuel Cervera-Marzal
Commentaires
11 commentaires postés
Certains aspects de l’argumentation me semblent incroyablement léger (principalement sur la fin de l’entretien, je ne suis pas sur de comprendre à quoi l'invité veut en venir), mais entretien fascinant néanmoins !
Par HBK, le 21/03/2018 à 21h02
Un peu déçue par l'émission,je m'attendais à plus de fond, malgré la qualité et la douceur de l'échange.
Par Snowki LPL, le 20/03/2018 à 11h51
Bonjour Damien,
Il s'agit en effet d'une référence à Nietzsche, philosophe qui sous-tend largement la réflexion de William Marx.
Bonjour Titou et Liliane,
Je note l'idée d'une émission autour de l'oeuvre de Monique Wittig.
Bien à vous,
Manuel
Par Manuel Cervera-marzal, le 19/03/2018 à 17h42
Ce livre est un essai littéraire. Peut-être aurait-il été judicieux d'interroger de manière plus approfondie la forme et l'écriture de ce livre dans le cadre Dans le texte. J'avoue regretter la lointaine époque où Judith Bernard traitait de littérature, sans ce que cela nuise à la prise en compte de l'aspect politique des livres.
Par Phil, le 19/03/2018 à 17h08
Ok ok. Donc après consultation de Wikipédia et pour les plus incultes d'entre nous, le Gai savoir est un ouvrage de Nietzsche.. Le rapport avec le bouquin de Marx (William) ? Je ne sais pas trop... Un avis, Manuel ?
Et ça ne m'éclaire pas plus sur le fait de parler de "gai" dans la présentation de l'émission. Va savoir...
Par Damien, le 19/03/2018 à 12h41
Pourquoi gai ? ... à cause du "gai savoir", ce qui d'une certaine façon repose de "la politique" tout en étant politique...;)
Oui, dommage de ne pas avoir évoqué Monique Wittig. Une prochaine émission à elle toute entière ?
Par Liliane, le 18/03/2018 à 21h16
l'angle de vue est très étonnante et je me suis vu entrain de disséquer une journée normale d'un hétéro, très instructif ! merci pour cette échange.
Par francoisrenardet, le 18/03/2018 à 15h50 ( modifié le 18/03/2018 à 15h51 )
Merci pour cette émission.
Pourquoi "gai", et non pas "gay" ?
Par Damien, le 18/03/2018 à 13h49
Belle émission ! Un regret que vous n'ayez pas évoqué Monique Wittig ..
Par titou, le 17/03/2018 à 23h47
Belle discussion, très intéressante et riche, et à bâtons rompus. Mais pas beaucoup de propos réellement politiques.
Mais ça se laisse voir et écouter.
Par Yanne, le 17/03/2018 à 18h52
Voilà une conversation entre gentils-hommes qui passe comme l'éclair ! pas obligés d'être d'accord sur tout, ce qui en fait l'intérêt et donne envie de lire l'ouvrage ; le but en quelque sorte. Bien mené. On rêverait de poursuivre le débat...merci William Marx.
A quand celui avec une femme et son livre sur le savoir sapphique cher Manuel ?
Par Liliane, le 17/03/2018 à 16h00 ( modifié le 17/03/2018 à 16h04 )